Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LAURENT AUGUSTE (1807-1853)

Les réactions de substitution

Les conclusions, auxquelles l'étude de ces carbures relativement complexes conduisit Auguste Laurent, peuvent être regroupées et résumées, en termes modernes, par les trois propositions qui suivent :

– on peut dériver tous les composés organiques d'un nombre fini d'hydrocarbures, qui sont à l'origine de séries structurales caractérisées par la permanence du squelette carboné ;

– les hydrocarbures peuvent engendrer des produits de substitution tels que le nombre d'équivalents liés à la chaîne carbonée demeure inchangé ;

– des hydrocarbures peuvent engendrer des composés par addition d'atomes ou de groupes d'atomes ; le nombre d'équivalents en est accru ; ces produits sont généralement moins stables que les dérivés de substitution ; corrélativement, les dérivés de substitution, contrairement aux produits d'addition, ont des propriétés très voisines de celles de l'hydrocarbure.

Dumas n'avait pas tiré parti de sa découverte de l'acide trichloracétique, pour fonder une théorie des substitutions, mais s'était borné à une assignation indécise de « loi empirique », à la suite du rappel à l'ordre de Berzelius, dont le dogme du dualisme électrochimique excluait toute interchangeabilité entre hydrogène positif et chlore négatif.

Laurent, au contraire, qui, expérimentant sur les cycles aromatiques, avait perçu leurs niveaux de réactivité et les avait mis en corrélation avec l'idée de norme structurale importée de sa science cristallographique, n'hésita pas à subordonner les fonctions chimiques des composés à l'arrangement géométrique des composants au détriment, en quelque sorte, des propriétés élémentaires dont le primat était au cœur de l'atomisme dualistique.

Traitant en 1843 des radicaux dérivés, il affirme que « le chlore, le brome, l'oxygène..., qui ont pris la place géométrique de l'hydrogène, jouent alors son rôle ». Sa thèse de 1837 annonçait déjà son choix de modèles architectoniques des molécules organiques : « Dans la charpente centrale ou dans le radical, on ne pourra enlever une seule pièce, c'est-à-dire un seul atome, sans le détruire, à moins qu'on ne remplace l'atome enlevé par un autre atome équivalent qui viendrait maintenir l'équilibre de la charpente. » D'où, la sériation des composés organiques par un système de dérivation des radicaux, que supporte une chimie « picturale » dont il fait l'essai par la représentation polyédrique des molécules.

En postulant que « la forme, le nombre et l'ordre sont plus essentiels que la matière », il anticipe sur les théorisations qui connectent fonctions et types structuraux. Ce qui explique pour lui la chimie, c'est le double jeu de la conservation de certaines structures fondamentales, et la variation instituée par leurs combinaisons géométriques dont il est, évidemment, incapable de donner une figure autre qu'analogique. Ses figurations ne sont le plus souvent que symboles de relations topologiques simples entre groupes fonctionnels, ce qui, il est vrai, demeurera le cas, quoique à un moindre degré, de la plupart des formules développées de la chimie organique.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jacques GUILLERME. LAURENT AUGUSTE (1807-1853) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MATIÈRE

    • Écrit par Jacques GUILLERME, Hélène VÉRIN
    • 10 696 mots
    • 1 média
    ...contestée à la fin du siècle –, les idées d'arrangements discriminateurs s'imposent aux chimistes. En 1843, dans sa Théorie des radicaux dérivés, A.  Laurent proclame sans ciller que, « dans les corps inorganisés [...], la forme, le nombre et l'ordre sont plus essentiels que la matière » ; il est de...
  • TYPES THÉORIE DES, chimie

    • Écrit par Pierre LASZLO
    • 991 mots

    Il est courant pour une théorie scientifique d'être remplacée par une théorie plus large, qui donc l'englobe. La nouvelle théorie est dotée d'une plus grande extension, et prévaut aussi par un plus grand pouvoir explicatif et une aptitude à prédire davantage de résultats, à confronter avec ceux de l'expérience....

Voir aussi