Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ÉPHÉMÈRE ARCHITECTURE

L' architecture éphémère n'est apparue que récemment dans le champ de l'histoire de l'art. Les historiens ne se préoccupaient autrefois que des réalisations durables. Ils étaient tributaires en cela des théoriciens classiques pour lesquels l'art de l'architecte a, par excellence, vocation à l'éternité, son but premier étant de faire passer à la postérité la gloire du mécène. Bâtir pour un jour a donc quelque chose de choquant : Sully condamne dans les Royales Œconomies d'Estat ces « magnificences qui s'écoulent incontinent de l'usage et de la mémoire ». Pourtant, cette pratique est attestée aux époques et dans les sociétés les plus diverses comme une des constantes de la culture.

Au même titre que l'architecture non bâtie, l'architecture éphémère nous paraît former un genre distinct au sein de la création architecturale. On la définira moins d'après le laps de temps qui lui est accordé et qui peut varier de quelques heures à quelques années que d'après les intentions de ses créateurs. Deux points sont alors essentiels. Le premier est l'absence d'impératifs de solidité, d'où le choix de matériaux périssables et de techniques de construction propres. Le second serait paradoxalement l'opposition au provisoire : l'architecture éphémère n'est pas un pis-aller en attendant autre chose, c'est une structure qui existe pour elle-même, le temps que quelque chose se passe. Elle apparaît alors comme fondamentalement liée à la fête, c'est-à-dire à la fois au rituel et au ludique. C'est ce que nous nous efforcerons de montrer à travers les grands moments de l'histoire de chaque type.

Les historiens des fêtes ont d'abord indiqué l'ancrage primitif, rituel et dépourvu de finalités esthétiques, d'une pratique dont le développement dans l'Occident moderne coïncide avec l'intervention de l'architecte. Les travaux des historiens de l'architecture sont plus récents et monographiques. Il n'existe pas, à notre connaissance, d'étude d'ensemble sur la question. Nous ne pourrons donc que poser quelques jalons dans un domaine fort peu exploré encore : le domaine des rapports – de complémentarité ou de rivalité – entre l'architecture éphémère et l'architecture durable.

Architecture éphémère et temps d'exception

Huttes rituelles

Dans le monde gréco-romain, lors de certaines fêtes à caractère initiatique (fête des Dioscures à Élatée, fête de Déméter et Perséphone, bacchanales, fêtes des frères arvales à Rome...), banquets, danses et cérémonies rituelles avaient lieu sous des huttes de roseaux construites à cette occasion et détruites aussitôt la fête finie. Pour la fête des Tentes, les rites mosaïques exigent que chaque famille construise une hutte – sur le toit de la maison, par exemple –, et y vive tout le temps de la fête. Les commentateurs modernes rattachent cette fête d'automne aux cérémonies rituelles marquant les vendanges et la nouvelle année chez les peuples sémites occidentaux. Ces constructions éphémères apparaissent donc liées aux « rites de passage », de renaissance et de renouvellement, bien connus des ethnologues. Pour ces peuples urbanisés ou semi-urbanisés, dotés d'une architecture plus durable et élaborée, la hutte primitive représente un souvenir des premiers ancêtres. Y vivre, c'est séjourner dans le temps mythique, favoriser l'« éternel retour » au point de départ et à la pureté originelle, mais aussi délimiter une aire sacrée hors de l'espace profane.

Comme cette anti-architecture, l'architecture éphémère restera longtemps liée au contexte de la fête dans ses définitions les plus larges : la célébration du sacré, l'opposition au monde profane, ou simplement la rupture[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

<em>Crystal Palace</em>, lithographie de George Baxter - crédits : Library of Congress, Washington, D.C.

Crystal Palace, lithographie de George Baxter

Autres références

  • ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) - Bois

    • Écrit par
    • 4 628 mots
    • 22 médias
    ...flottage. Sa légèreté lui permet en outre une mise en œuvre rapide avec une main-d'œuvre réduite. Ces données expliquent l'usage du bois dans l'architecture «  éphémère » : de la hutte du charbonnier aux extraordinaires édifices mis en place pour quelques jours à l'occasion de grands événements comme au ...
  • CARÊME MARIE-ANTOINE (1784-1833)

    • Écrit par
    • 443 mots

    Pâtissier et architecte, Carême a participé à l'élaboration de la gastronomie comme art, associant l'érudition architecturale au sensualisme culinaire. Pâtissier et rôtisseur, il entre chez Talleyrand, alors ministre des Relations extérieures, et collabore à la renommée d'une des plus célèbres...

  • CHRISTO ET JEANNE-CLAUDE CHRISTO JAVACHEFF (1935-2020) et JEANNE-CLAUDE DENAT DE GUILLEBON (1935-2009), dits

    • Écrit par
    • 1 702 mots
    • 2 médias
    Proches du land art, les artistes s'en distinguent toutefois par le caractère strictement réversible de leurs interventions et ladimension éphémère de leurs créations, qui peuvent occuper un espace d'autant plus grand qu'elles demeurent marquées de la fragilité même du matériau qui les constitue....
  • DIVERTISSEMENT DE COUR

    • Écrit par
    • 904 mots

    À l'origine, la fête de cour mêle des éléments religieux, aristocratiques et populaires. Elle a pour principale fonction de célébrer la continuité d'une société et du pouvoir qui la régit. Chacun, en principe, y a sa place, mais le personnage central en est le prince. La fête de cour...

  • Afficher les 7 références