NEGRI ANTONIO (1933-2023)
Philosophe italien, Antonio – dit « Toni » – Negri est né le 1er août 1933 à Padoue. Il est d'abord militant de l'Action catholique avant d'adhérer en 1956 au Parti socialiste italien, où il restera jusqu'en 1963. Par la suite, il occupe une place importante dans des organisations de la nouvelle gauche italienne telles que Potere operaio et Autonomia operaia, et collabore à de nombreuses publications liées à ces courants telles que Quaderni Rossi, Classa operaia, Contropiano et Rosso. Simultanément, il travaille comme professeur de théorie de l'État à l'université de Padoue, où il se fait le théoricien et l'activiste de « l'autre mouvement ouvrier », de « l'auto-valorisation prolétarienne », de « l'autonomie ouvrière » sans médiation syndicale ni partisane. Arrêté en 1979 à la suite de l'assassinat d'Aldo Moro par les Brigades rouges, il est accusé d'« association subversive » et d'« insurrection armée contre les pouvoirs de l'État ». Après quatre ans de prison préventive qui n'aboutissent à aucun procès, il est élu député dans le Parti radical de Mario Panella, ce qui lui permet de bénéficier de l'immunité parlementaire. À l'automne de 1983, alors que celle-ci va être révoquée, il s'enfuit à Paris où il vivra durant quatorze années, enseignant à l'université de Paris-VIII et au Collège international de philosophie. À l'été de 1997, il décide de rentrer en Italie, où il est immédiatement arrêté et incarcéré à la prison de Rebibbia. Pour Negri, « on peut être aussi libre en prison qu'en dehors d'elle. La prison n'est pas un manque de liberté, de même que la vie n'est pas la liberté – tout au moins la vie des travailleurs ». Dans son esprit, cette seconde incarcération devait être une incitation à trouver une solution pour des centaines de personnes exilées ou en prison à cause des activités politiques conduites dans les années 1960 et 1970. Pourtant, la page ne fut pas tournée, et l'amnistie que quelques-uns attendaient n'eut pas lieu. Soumis par la suite aux arrêts domiciliaires, Toni Negri retrouva la liberté en 2003.
Sa fréquentation du milieu intellectuel français – en particulier Michel Foucault, Gilles Deleuze et Félix Guattari, ou encore Étienne Balibar – lui a permis de trouver un espace de confrontation, notamment pour la réflexion conduite sur le refus du travail, compris comme résistance à la société disciplinaire ou comme ligne de fuite pour « retourner les choses vis-à-vis de la théorie postmoderne » et laisser la place à la biopolitique productive, où « la symbiose et la confusion entre les éléments vitaux et économiques, les éléments institutionnels et administratifs, la construction de la chose publique, peut être conçue seulement comme production de subjectivité ». De cette expérience témoignent ses études notamment Spinoza subversif (1994), Le Pouvoir constituant (1997) ou Les Nouveaux Espaces de liberté (en collaboration avec Félix Guattari, 1985), ou l'entreprise menée avec beaucoup d'autres dans la revue Futur antérieur, dont l'actuelle revue Multitudes est la fidèle héritière.
L'élaboration la plus accomplie de sa pensée théorique et politique sur l'ordre capitaliste contemporain dans toutes ses dimensions se trouve dans Empire (2000) et Multitude. Guerre et démocratie à l'époque de l'Empire (2004), écrits en collaboration avec Michael Hardt. Pour Toni Negri, les luttes ouvrières internes provoquées par l'État-nation et les luttes anti-impérialistes et anticoloniales ont épuisé cette forme historique en tant que modalité qui garantissait jusqu’alors le développement capitaliste. De même que la souveraineté du « socialisme réel » a été mise en crise par la revendication[...]
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Écrit par
- Victor Manuel MONCAYO : professeur à l'université nationale de Colombie
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