Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ANTHROPOLOGIE URBAINE

Quelques grandes orientations thématiques de l’anthropologie urbaine

En travaillant sur la ville, les anthropologues ont de fait privilégié l’étude de groupements relativement homogènes, fondés sur la coexistence (immeuble, rue, quartier, îlot) ou sur une appartenance ou un genre de vie communs (groupes ethniques, diasporas, groupes professionnels, bandes et groupes de pairs, milieux organisés autour d’une activité ou d’une passion, etc.) et construisant souvent entre leurs membres des relations de proximité et d’interconnaissance.

Des études sur les milieux sociaux urbains ont ainsi porté sur la façon dont certains groupes sociaux (classe ouvrière [Schwartz, 1990], grande bourgeoisie [Pinçon et Pinçon-Charlot, 1989, 2000], minorités ethniques [Raulin, 2009], etc.) fonctionnaient et se reproduisaient dans la durée en développant des pratiques d’entre-soi, de sociabilités, mais aussi de concentrations (quartiers ouvriers, ethniques, ghettos, gatedcommunities) ou de dispersion spatiales (diasporas, réseaux, territoires circulatoires [Tarrius, 1995]) et enfin des formes spécifiques d’économies (commerces et entreprises ethniques [Raulin, 2000]).

Les problématiques des cultures et des identités urbaines ont également été largement abordées à travers des travaux portant aussi bien sur un concept comme celui d’ethnicité (Poutignat et Streiff-Fenart, 1995), que sur les subcultures de la marginalité, de la délinquance, de la jeunesse populaire (Whyte, 1996 ; Lepoutre, 1997) ou encore sur les multiples expressions artistiques (hip-hop, break dance, rap, graff et tag) liées à la culture de rue (Métral, 2000). D’autres travaux ont par ailleurs porté sur ce qu'Anne Raulin (2001) désigne par théâtre urbain : fêtes identitaires et religieuses, défilés, carnavals (Agier, 2000), processions et festivals, ferias, manifestations politiques, sportives (Bromberger, 1995) ou commerciales comme les marchés (de La Pradèle, 1996) ou les foires, autant d’événements publics transfigurant les espaces urbains tout en leur imposant des temporalités particulières. Ces événements peuvent être, selon leur importance, l’expression d’une appartenance sociale ou culturelle spécifique, ou au contraire représenter l’ensemble d’une ville et de sa population.

Une partie de la recherche anthropologique sur la ville a enfin tourné autour de la question du rapport entre espaces et sociétés en privilégiant trois grandes orientations :

– mobilités et circulations (marchandes, diasporiques, migrantes) et la façon dont celles-ci contribuaient à construire, dans l’étirement des liens d’une ville ou d’un pays à l’autre, autant d’espaces réseaux ;

– inscriptions territoriales liées à l’habitat, au quartier résidentiel, à des cheminements quotidiens, à des espaces ressources que l’on s’approprie provisoirement ou de façon permanente ;

– espaces publics, espaces d’accessibilité généralisée et de passage, de côtoiement, de croisement, d’évitement, mais aussi d’exposition de soi (Goffman, 1973).

Le citadin est là surtout un passant et fait, dans l’expérience des rapports de trafic auxquels il participe, celle aussi de la différence et de l’hétérogénéité des situations et des publics (Joseph, 1984, 1991). Et c’est sans doute dans cette expérience de la différence vécue en dehors des territoires propres à chacun que se situent, pour partie, la culture de la ville et la part la plus spécifiquement urbaine de l’expérience de la ville (Hannerz, 1983). Individu mobile, jouant de ses appartenances sociales multiples, le citadin dispose ainsi de répertoires de rôles qu’il mobilise avec plus ou moins de compétences, dans différentes situations (famille, travail, loisirs, espaces publics et lieux de consommation, etc.) et selon les normes, les codes et les formes de civilité propres à chaque société.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : anthropologue, maître de conférences à l'université de Lyon-II-Lumière

Classification

Pour citer cet article

Thierry BOISSIÈRE. ANTHROPOLOGIE URBAINE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 31/05/2017

Médias

Chicago, 1929 - crédits : Chicago History Museum/ Getty Images

Chicago, 1929

Schéma des « aires concentriques » d’Ernest Burgess - crédits : Encyclopædia Universalis France

Schéma des « aires concentriques » d’Ernest Burgess

Autres références

  • MÉMOIRES URBAINES (anthropologie)

    • Écrit par
    • 2 471 mots
    • 1 média

    Dans le domaine de l’anthropologie de la ville, les mémoires urbaines représentent un thème relativement neuf, qui a gagné en visibilité dans les années 2000. Cette expression fait référence à des processus, des pratiques et des supports de construction mémorielle (et de l’oubli) qui interviennent...

  • ANTHROPOLOGIE

    • Écrit par et
    • 16 158 mots
    • 1 média
    Signalons enfin une autre orientation de la discipline, l'anthropologie urbaine, qui se démarque de la sociologie par sa méthode spécifique et son horizon théorique et qui prend pour objet d'étude les grandes villes africaines ou américaines, les banlieues françaises, les entreprises ou les immeubles...
  • COMMERCES URBAINS ET MIGRATIONS

    • Écrit par
    • 1 097 mots

    Avec la confection et l’artisanat, le commerce de détail est une activité associée de longue date aux migrations, au point que Georg Simmel déclarait dès 1908 que « l’étranger fait partout son apparition comme commerçant, et le commerçant comme étranger » (Simmel, 1990). Les réseaux de solidarité...

  • DIASPORAS URBAINES

    • Écrit par
    • 1 588 mots
    • 1 média

    Ce qui caractérise la ville – coprésence d’étrangers, effervescence de la vie sociale, intensité des relations avec d’autres localités – tient, entre autres, à la présence de diasporas.

    Dès l’apparition des premières villes, des communautés de marchands forment des réseaux interconnectés...

  • MÉTROPOLISATION

    • Écrit par
    • 6 701 mots
    • 4 médias
    L’idée de différenciation voire de fragmentation qui accompagne la métropolisation renvoie aux inégalités socio-économiques entre habitants et usagers de la ville ; on pourrait presque évoquer une barrière, tant physique qu’administrative – et fiscale – et symbolique. Par exemple, des ...