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COMMERCES URBAINS ET MIGRATIONS

Avec la confection et l’artisanat, le commerce de détail est une activité associée de longue date aux migrations, au point que Georg Simmel déclarait dès 1908 que « l’étranger fait partout son apparition comme commerçant, et le commerçant comme étranger » (Simmel, 1990). Les réseaux de solidarité entre compatriotes, les obstacles liés au manque de maîtrise de la langue du pays d’accueil et la possibilité d’exercer rapidement des emplois peu qualifiés font de la petite entreprise indépendante un secteur privilégié d’activité pour les immigrés. Aussi les activités commerciales développées par des immigrés ou leurs descendants dans les espaces urbains constituent-elles un champ de recherche ancien depuis les travaux pionniers de l’école de Chicago qui, dès les années 1920, s’attachèrent à souligner le lien entre l’installation d’immigrés dans une ville et la production d’un entrepreneuriat capable de transformer des quartiers. Certains de ces espaces marchands sont devenus emblématiques de la présence de groupes venant d’un ailleurs plus ou moins lointain, à l’image des Little Italy ou des Chinatownqui se sont répandus dans de nombreuses métropoles. Les travaux sociologiques de l’école de Chicago ont inspiré un vaste champ de recherche dans le monde anglophone dans les années 1970, notamment les travaux d’Ivan Light (1972) sur l’ethnicbusiness, mais ce n’est qu’à partir des années 1980 que le commerce en migration a suscité l’intérêt de chercheurs francophones. Pour saisir cet objet aux multiples facettes, l’anthropologie entretient depuis plusieurs décennies un dialogue constant avec d’autres disciplines : histoire, sociologie et géographie.

Les évolutions terminologiques associées au petit commerce immigré reflètent les évolutions de la recherche, mais aussi de la place et du rôle de ces espaces marchands dans les métropoles occidentales. Les liens entre commerce et migrations sont très largement pensées en termes d’ethnicité dans la recherche anglo-saxonne dès les années 1970, jusqu’à qualifier ce champ de recherche d’ethnicentrepreneurship. Il s’agit de comprendre comment des identifications à une culture commune interviennent dans le fonctionnement entrepreneurial (confiance, circulation de l’information et des produits, solidarités et embauche) et sont à l’œuvre dans des espaces marchands souvent décrits comme des « enclaves ethniques » (Waldinger, 1993). La grille de lecture ethnique est moins mobilisée dans la recherche francophone bien qu’elle soit utilisée dans des travaux portant sur les stratégies entrepreneuriales (Ma Mung, 1996) et les échanges marchands (Raulin, 2000). Alors que le terme « ethnique » s’est largement étendu dans divers milieux professionnels (marketing, politique, etc.), il tend à être laissé de côté par l’anthropologie au profit de l’étude de la « diversité » et plus encore de la « superdiversité », apparue dans les années 2000 (Vertovec, 2007). Ces travaux mettent en avant l’extrême variété des origines géographiques des entrepreneurs qui animent certains espaces marchands métropolitains et qui contribuent à complexifier les paysages urbains commerciaux en y démultipliant les références culturelles.

Depuis plusieurs décennies, l’anthropologie francophone étudie le commerce urbain lié au phénomène migratoire selon différentes approches. D’assez nombreux travaux monographiques inspirés par l’école de Chicago ont analysé les formes urbaines produites par ces activités commerciales, en explorant la concentration de boutiques dans des quartiers décrits comme des « centralités immigrées » (Toubon et al., 1990) ou encore des « centralités minoritaires » (Raulin, 2000). Tout autant que les conditions qui rendent possibles les transformations d’un quartier (disponibilité de locaux commerciaux et de logements, attractivité des commerces[...]

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Pour citer cet article

Lucine ENDELSTEIN. COMMERCES URBAINS ET MIGRATIONS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 15/03/2018

Autres références

  • DIASPORAS URBAINES

    • Écrit par
    • 1 588 mots
    • 1 média

    Ce qui caractérise la ville – coprésence d’étrangers, effervescence de la vie sociale, intensité des relations avec d’autres localités – tient, entre autres, à la présence de diasporas.

    Dès l’apparition des premières villes, des communautés de marchands forment des réseaux interconnectés...