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ANTHROPOCÈNE

L’Anthropocène ou la complexe définition de l’impact de l’homme sur sa planète

La communauté scientifique s’interroge sur l’existence de l’Anthropocène : il s’agit non seulement d’évaluer l’ampleur des modifications de l’environnement induites par l’homme, mais aussi de démontrer que l’homme a effectivement changé le fonctionnement même de la planète. Ceci constituerait alors une rupture dans l’histoire de la Terre et justifierait pleinement la fondation d’une nouvelle époque géologique.

Vue d'artiste des premiers agriculteurs indiens - crédits : Library of Congress, Washington, D.C.

Vue d'artiste des premiers agriculteurs indiens

La principale difficulté que les spécialistes rencontrent pour définir l’Anthropocène consiste en la diversité et la complexité des phénomènes en cours. Celui de l’ érosion est particulièrement significatif : l’action de l’homme surpasse d’au moins dix fois les mouvements naturels (par l’eau, le vent, les précipitations). Il peut s’agir d’une action délibérée, par exemple par l’utilisation ou le déplacement de matériaux (roches, sables, terres, minerais, etc.), auquel s’ajoute l’érosion découlant directement de l’utilisation des terres agricoles. Il faudrait ajouter à ce rapide inventaire les profondes modifications apportées à l’érosion naturelle par la construction de barrages sur la plupart des grands fleuves.

D’autres phénomènes découlent de certaines activités humaines. L’exemple le plus connu – qui est d’ailleurs l’un des éléments clés de la définition de l’Anthropocène – est le réchauffement climatique, entraînant fonte des glaciers, réduction des calottes glaciaires, élévation du niveau des mers principalement du fait de la fonte des glaciers, acidification des océans par diminution du pH de l’eau de mer à la suite du réchauffement (provoquant un dépérissement des récifs coralliens), modification des courants marins, etc.

Les périodes géologiques précédentes se caractérisent notamment par la transformation de la biodiversité : la disparition massive d’un grand nombre d’espèces constituant un repère important pour identifier un horizon géologique. Comme le réchauffement climatique, l’érosion d’origine humaine ou l’accumulation de certains produits chimiques, le phénomène d’extinction d’origine humaine est en cours. Savoir s’il laissera une trace géologique relève d’une évaluation précise de la situation actuelle et de l’estimation des tendances futures. Tous les indicateurs montrent un double mouvement : la diminution de la biodiversité globale et l’augmentation de la biodiversité locale. Des espèces, souvent endémiques et donc propres à une région donnée, disparaissent, mais dans le même temps un nombre plus bien important d’espèces est introduit. Ces introductions sont d’ailleurs l’une des principales causes de l’érosion de la biodiversité globale. Il est extrêmement difficile d’évaluer avec précision le nombre d’espèces déjà disparues : l’inventaire des espèces est loin d’être fini (on connaît moins d’un insecte sur sept) ; pour une grande majorité des espèces déjà décrites, on ne dispose d’aucune connaissance précise de leur situation écologique (qui permettrait de savoir si l’ espèce est en danger ou pas) ; enfin, le processus qui permet d’affirmer qu’une espèce est réellement éteinte est long, bien plus long que sa description initiale. S’il suffit d’un spécimen (ou d’un petit groupe de spécimens) pour décrire une nouvelle espèce, l’affirmation de l’extinction d’une espèce repose sur un grand nombre d’observations, à la fois géographiquement (pour couvrir l’ensemble de l’aire de répartition) et temporellement (pour être sûr que l’absence d’observation n’est pas le reflet d’une mauvaise observation). L’affirmation selon laquelle les activités humaines ont radicalement accéléré le rythme naturel des extinctions est le reflet d’une certitude, mais le phénomène est difficile à mesurer avec précision. Cette particularité est souvent utilisée par certains activistes pour mettre[...]

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Écrit par

  • : docteur en sciences de l'environnement, historienne des sciences et de l'environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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Pour citer cet article

Valérie CHANSIGAUD. ANTHROPOCÈNE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Vue d'artiste des premiers agriculteurs indiens - crédits : Library of Congress, Washington, D.C.

Vue d'artiste des premiers agriculteurs indiens

Rivage pollué de débris d’origine humaine - crédits : Education Images/ Universal Images Group/ Getty Images

Rivage pollué de débris d’origine humaine

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