PÉTROLE La fin du pétrole : mythes et réalités
La forte augmentation du prix du pétrole depuis le début du xxie siècle, est venue remettre sur le devant de la scène une série de préoccupations concernant le futur énergétique de notre planète : perspective d'un épuisement des ressources pétrolières, exploitation d'énergies renouvelables, risque nucléaire, etc. Des questions, déjà ouvertes avec les « chocs pétroliers » des années 1970 et que le contre-choc des années 1980 avait éloignées, se posent aujourd'hui dans un contexte renouvelé par les inquiétudes sur le changement climatique. L'ère de l'après-pétrole a-t-elle pour autant vraiment commencé ?
Un peu d'histoire
Les hydrocarbures et le pétrole en particulier sont historiquement liés à l'essor des pays industrialisés qui, au xxe siècle, ont véritablement fondé leur économie et développé leur mode de vie sur cette ressource énergétique.
On retient comme date de départ la découverte, en 1859, par le colonel Drake, à Titusville en Pennsylvanie, du premier gisement de pétrole exploité de façon moderne (existence d'un marché, exploration relativement systématique, techniques de forage et de transport, commercialisation). Utilisé tout d'abord pour l'éclairage, où il remplace l'huile de baleine, lui-même bientôt concurrencé dans cet emploi par le gaz de houille et l'électricité, le pétrole, en fait, n'aurait eu que peu d'applications si le transport n'avait pris la relève au début du XXe siècle. L'industrie automobile naissante avait besoin d'une source d'énergie compacte et facile à mettre en œuvre, suscitant alors un grand foisonnement de réponses, depuis les solutions électriques jusqu'à l'utilisation d'huiles végétales, et même d'hydrogène. Ces mêmes solutions sont de nouveau envisagées aujourd'hui, avec, fort heureusement, des progrès techniques considérables par rapport à cette époque pionnière.
En dépit de quelques inconvénients (pollutions diverses, approvisionnement lointain donc aléatoire...), c'est la voie des carburants pétroliers qui s'est rapidement imposée pour l'automobile grâce à des avantages techniques indiscutables : forte densité énergétique massique et volumique, état liquide, existence de filières internationales de production industrielle opérationnelles. Devenue prépondérante pour le transport automobile, la filière du pétrole a vite permis l'émergence de l'aviation, dont les concepts, pourtant anciens, n'avaient jamais pu connaître de réalisations industrielles, faute d'une source d'énergie adaptée.
L'entrée en scène des chars vers la fin de la Première Guerre mondiale, après l'exploit des taxis de la Marne et le rôle joué par les camions sur la voie sacrée de Verdun, avait convaincu les dirigeants politiques de l'importance stratégique d'un accès au pétrole. Dans les années 1920, l'Allemagne, privée au profit de ses vainqueurs français et britanniques de ses espérances pétrolières au Moyen-Orient, réussissait à mettre au point la transformation du charbon en hydrocarbures liquides. Le procédé Fischer-Tropsch sera pour l'Allemagne en guerre l'un des moyens d'alimenter ses armées en carburants, malgré les blocus mis en place par les Alliés. Il sera ensuite repris par l'Afrique du Sud, lors du blocus anti-apartheid, et se trouve aujourd'hui à la base de la valorisation actuelle du gaz par la filière dite GTL (gas to liquid).
Les Trente Glorieuses qui vont de la fin de la Seconde Guerre mondiale au choc pétrolier de 1973 ont connu une expansion économique sans précédent. L'essor pétrolier du Moyen-Orient et l'organisation internationale de l'industrie pétrolière par les grandes compagnies intégrées « du puits à la pompe » y ont joué un rôle déterminant en fournissant à un monde avide l'aliment abondant et peu cher de sa croissance. Le transport automobile connaît alors une véritable explosion. Cette période voit encore la pétrochimie supplanter complètement la traditionnelle chimie du charbon et le gaz naturel remplacer le gaz de houille. Toutefois, en 1972, un rapport du Club de Rome tirait le signal d'alarme. Halte à la croissance ?, plus explicitement intitulé en anglais The Limits to Growth, démontrait, en s'appuyant sur des modélisations relativement frustes, qu'un tel développement de l'économie mondiale n'était, à terme, pas tenable : il devait buter sur les limites physiques des ressources naturelles non renouvelables telles que les minerais et, bien sûr, le pétrole. Objet de controverses passionnées, ce rapport, également connu sous le nom de « rapport Meadows », a anticipé le passage à la phase d'incertitude dans laquelle nous sommes entrés depuis lors, même si les hypothèses de calcul qu'il utilisait se sont révélées quantitativement inexactes.
La brutalité des chocs pétroliers et la volatilité des cours qui est dès lors devenue la règle expriment en fait la montée en puissance des États producteurs et la désorganisation du marché, elle-même illustrée, à partir des années 1980, par le développement des marchés à terme ; les tensions sur l'offre, qui reflètent de nombreux facteurs conjoncturels, ne doivent pas être interprétées comme le signe d'un épuisement matériel des ressources. Les crises des années 1970 ont ainsi relancé l'exploration pétrolière hors Moyen-Orient et la mise en production de zones nouvelles (mer du Nord, Afrique de l'Ouest...), mais aussi suscité de vastes programmes d'équipements nucléaires en France, aux États-Unis, au Japon. Elles ont été suivies d'un accroissement considérable des réserves et des productions pétrolières, donnant en quelque sorte tort aux prévisions du Club de Rome. Des améliorations importantes de l'efficacité énergétique ont aussi été obtenues, tant dans l'industrie que dans le transport automobile (à l'exception toutefois majeure des États-Unis). Les fluctuations du cours du baril n'ont pas empêché un fort développement du parc automobile mondial, passé de quelque 180 millions de véhicules au début des années 1970 à plus de 500 millions au début des années 1990. Enfin, le contexte énergétique est dominé, depuis les années 1990, par une véritable prise de conscience des modifications que l'usage des énergies fossiles apporte à la composition de l'atmosphère et des risques que cette manipulation à l'échelle planétaire fait subir au climat.
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Écrit par
- Claude JABLON : ancien directeur scientifique du groupe Total
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Voir aussi
- TRANSPORTS ÉCONOMIE DES
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- CHOCS PÉTROLIERS
- ÉNERGIE SOURCES D'
- RÉSERVES NATURELLES
- ÉNERGIE NUCLÉAIRE
- DRAKE EDWIN LAURENTINE dit LE COLONEL (1819-1880)
- TRANSPORT ROUTIER
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- ÉNERGIE ÉCONOMIE DE L'
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