ANGLAIS (ART ET CULTURE)Peinture
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L'ère des « connaisseurs » (1714-1830)
L'accession de la dynastie des Hanovre en 1714 marque le début d'une ère de stabilité politique et de prospérité économique, où la Grande-Bretagne devient une grande puissance européenne. Les élites sociales, désormais, ne fondent plus leur autorité seulement sur la possession de la terre et sur le pouvoir politique, mais aussi, de plus en plus, sur la maîtrise du goût et de la vie artistique. Le philosophe Shaftesbury explique que le vrai gentilhomme doit allier le culte du beau à l'amour de la vertu. L'âge d'or des « connaisseurs » commence donc à cette époque. Ceux-ci tentent fébrilement de rattraper le retard artistique du pays, tant dans le domaine des collections que dans celui de la création. La pratique du « grand tour », ce voyage éducatif qu'accomplissaient beaucoup de jeunes nobles, se développa. Certains peintres en profitèrent également, en faisant partie de leur suite. Ces voyages ont ainsi permis aux Anglais la découverte de l'art italien, notamment dans le domaine de la peinture et de l'architecture. Les châteaux anglais construits en style palladien se sont peu à peu remplis de collections de tableaux acquis à l'étranger ou dans les ventes publiques. L'accès à ces collections était le plus souvent aisé, ce qui a permis à des peintres comme Gainsborough et Constable de développer leur culture artistique sans avoir franchi la Manche.
Entre autres conséquences, la pratique du « grand tour » a suscité un engouement pour la peinture de paysage, dont le prestige va croître progressivement durant le siècle. Les collectionneurs idolâtrent « Claude » (Lorrain) et « Gaspard » (Dughet), au détriment des anciens « topographes » Wenceslas Hollar et Jan Siberechts. John Wootton et George Lambert peignent aussi bien des scènes de chasse que des scènes mythologiques où le paysage a la part belle, et où l'influence des maîtres romains du xviie siècle est prépondérante. Mais c'est incontestablement Richard Wilson (1713-1782) qui est le premier grand paysagiste anglais. Ruskin a écrit qu'avec lui « commence en Angleterre l'histoire d'un art sincère du paysage fondé sur un amour méditatif de la nature ». Originaire du pays de Galles, Wilson a longtemps séjourné en Italie. Il a laissé des vues de la campagne romaine, de parcs et châteaux anglais, mais aussi des paysages sauvages du pays de Galles comme le Mont Snowdon (vers 1760, Walker Art Gallery, Liverpool). Dans ses meilleures toiles, il a manifesté une extrême attention à la luminosité du ciel, à l'étagement habile des plans et à l'originalité du point de vue. Son œuvre de pionnier a permis l'épanouissement du paysage comme genre pictural novateur dans le pays.
Le Mont Snowdon vu de Llyn Nantlle, R. Wilson
Richard WILSON, Le Mont Snowdon vu de Llyn Nantlle, 1760, huile sur toile. Version du Castle Museum and Art Gallery Nottingham, Royaume-Uni.
Crédits : Bridgeman Images
Pendant que les connaisseurs aristocratiques accumulaient des collections de tableaux anciens et encourageaient leurs imitateurs anglais, même les plus médiocres, William Hogarth (1697-1764) élabora une œuvre puissamment originale, qui s'adressait à une nouvelle clientèle, urbaine et bourgeoise. Comme son ami le romancier Fielding, il chercha à créer un art narratif, réaliste et moralisateur. Certes, il a laissé quelques délicieux portraits comme Les Enfants du docteur Graham (1742, Tate Gallery, Londres), mais sa grande spécialité a été la série de tableaux narratifs (destinés à être gravés ultérieurement) comme La Carrière de la prostituée (1733-1735, Soane Museum, Londres) et Le Mariage à la mode (1744, National Gallery, Londres). Formé à l'esthétique rococo par son apprentissage de graveur sur argent, Hogarth saisit ses personnages (ses acteurs, devrait-on dire) à des moments révélateurs de leur histoire, choisit le geste et l'expression les plus parlants ; il organise autour d'eux un réseau de significations annexes et de renvois au passé et à l'avenir, grâce à une profusion de détails symboliques. La touche de son pinceau est vive et chaleureuse, et une impression de vitalité irrésistible se dégage de ses toiles. Pourtant, le mépris de Hogarth pour les connaisseurs fera de lui un artiste en marge du monde de l'art, dont l'apport ne sera pleinement reconnu qu'à l'époque victorienne.
La mort de Hogarth coïncide avec les efforts de plusieurs artistes [...]
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Écrit par :
- Jacques CARRÉ : professeur à l'université de Clermont-Ferrand-II-Blaise-Pascal
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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Pour citer l’article
Jacques CARRÉ, Barthélémy JOBERT, « ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Peinture », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 17 avril 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/anglais-art-et-culture-peinture/