ANGLAIS (ART ET CULTURE)Peinture
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Le siècle des Stuarts et l'art de cour
Le règne de Charles Ier (1625-1649) marqua un tournant dans l'histoire du goût et de la peinture en Angleterre. Le souverain et quelques-uns de ses courtisans comme Buckingham et Arundel se passionnèrent pour la peinture vénitienne et flamande. Le roi avait découvert les œuvres de Titien lors d'un voyage en Espagne et commencé à constituer une remarquable collection de tableaux qui fut dispersée à la Révolution. Il commanda à Rubens un plafond pour la salle des Banquets de Whitehall, réalisé en 1635, et sut obtenir les services de Van Dyck (1599-1641) qui, comblé de faveurs, s'installa définitivement à Londres en 1632. Il y renouvela magistralement l'art du portrait qui s'était quelque peu figé dans les conventions élisabéthaines. Le peintre anversois savait flatter habilement ses modèles, rendant les hommes plus majestueux et les femmes plus séduisantes que nature. Mais surtout il savait choisir des poses naturelles et variées et animer l'arrière-plan de paysages lumineux. Le Charles Ier du Louvre (vers 1635) est un morceau de bravoure d'où se dégage une impression d'énergie indomptable grâce au traitement du cheval fougueux, de la végétation luxuriante et du ciel à la Tintoret, bien que la stature du roi ait été assez frêle. Dans les portraits de groupe comme Thomas Killigrew et lord Crofts (1638, collection royale, Windsor), Van Dyck traduit admirablement l'idéal aristocratique du temps, fait d'un mélange de dignité et de désinvolture. La virtuosité du peintre (comme celle de Holbein un siècle plus tôt) dépassait de loin celle de la plupart de ses confrères britanniques ou étrangers. Seul William Dobson (1611-1646) manifesta un savoir-faire et une originalité assez remarquables pour qu'Ellis Waterhouse l'ait appelé « le peintre d'origine anglaise le plus éminent avant Hogarth ». Son art du portrait est moins sophistiqué que celui de Van Dyck, mais parfois plus vigoureux et plus savoureux dans son humanité débordante. Ainsi Endymion Porter (vers 1645, Tate Gallery, Londres), qui apparaît en tenue de chasse, avec son chien, sous un buste géant d'Apollon, se présente comme un gentilhomme à la fois bon vivant et raffiné. Les portraits de groupes de Dobson, même s'ils sont d'une composition peu adroite, traduisent un souci nouveau d'exprimer des relations psychologiques entre les personnages et préfigurent la conversation piece du siècle suivant.
Le portrait en miniature continue à être aussi prisé sous les Stuarts qu'au siècle précédent, et plusieurs membres des familles Oliver et Hoskins perpétuent avec bonheur l'art illustré jadis par Hilliard. Samuel Cooper (1609-1672) apparaît comme le plus doué, et son attention scrupuleuse aux particularités physiques (Cromwell est peint avec ses verrues !) et à la personnalité du modèle lui vaut d'être considéré comme un des grands peintres anglais du temps.
Après la restauration des Stuarts, en 1660, sir Peter Lely (1618-1680), peintre d'origine hollandaise, devient le portraitiste attitré de la famille royale et gagna la faveur de l'aristocratie qui voyait en lui le successeur de Van Dyck. Pourtant, l'art de Lely n'a pas tout à fait la puissance et la sobriété de son inspirateur, et tend parfois à une certaine mièvrerie. Si beaucoup de ses personnages féminins paraissent se ressembler, ses portraits d'hommes, comme le Duc de Lauderdale (vers 1665, Scottish National Portrait Gallery, Édimbourg), sont mieux caractérisés. À la génération suivante, l'Allemand naturalisé sir Godfrey Kneller (env. 1646-1723) manifeste plus de pénétration dans ses meilleures œuvres, et notamment dans la série de portraits en buste peints pour les membres du club Kit-Cat.
Peter Lely, «Marie II Stuart», 1677. Huile sur toile, 123 cm × 99 cm.
Crédits : Sotheby's/ AKG
Quant à la peinture décorative, Charles II et Jacques II favorisèrent son essor dans les palais royaux dans la mesure de leurs moyens limités, mais sans réussir à véritablement l'acclimater en Grande-Bretagne. Ni l'Italien Antonio Verrio ni le Français Louis Laguerre, employés à Windsor et Hampton Court, ne purent égaler en qualité ou en ampleur le travail de Le Brun à Versailles. Au début du xviiie siècle, Sebastiano Ricci et Gian Antonio Pellegrini décorèrent en style vénitien quelques demeures privées comme Narford Hall et Burlington House, mais sans créer d'engouement dans le public arist [...]
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Écrit par :
- Jacques CARRÉ : professeur à l'université de Clermont-Ferrand-II-Blaise-Pascal
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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Pour citer l’article
Jacques CARRÉ, Barthélémy JOBERT, « ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Peinture », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 23 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/anglais-art-et-culture-peinture/