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ADAM DE LA HALLE (1235 env.-env. 1285)

Un théâtre non religieux

Dans les mêmes circonstances, sans doute, Adam composa, pour une confrérie locale, un Jeu de la Feuillée dramatique qui pourrait être l'ancêtre des « sotties » du xve siècle. On l'a comparé à nos « revues » modernes : ce n'est là que l'un de ses aspects. Trois éléments thématiques s'y nouent en un dialogue assez décousu, illustré de quelques refrains chantés : le motif burlesque de la folie qui embrasse le monde ; une suite d'interventions grotesques ou de tirades satiriques concernant des personnages ou événements arrageois (l'auteur se met lui-même en scène ainsi que plusieurs de ses concitoyens) ; et la fiction folklorique d'une visite nocturne des fées dans la ville.

Le Jeu de Robin et Marion, d'un type très différent, date probablement des années napolitaines d'Adam et constitue une sorte de divertissement de cour : les thèmes traditionnels des «   pastourelles » lyriques (rencontre d'un chevalier et d'une bergère ; vaine tentative de séduction ; fête paysanne et amours champêtres) y sont mis en dialogues, animés par la chorégraphie, le chant (quatorze intermèdes musicaux), la mimique. Cette œuvre exquise nous est parvenue précédée d'un bref et peu intéressant Jeu du Pèlerin, prologue probablement posthume qui peut avoir été ajouté à la pièce lors d'une reprise à Arras. Les deux « jeux » d'Adam sont les plus anciens exemples français d'un théâtre entièrement dépourvu d'éléments religieux : ils témoignent de la montée, au xiiie siècle, d'un besoin dramatique qui s'épanouira aux xive et xve siècles.

Les fonctions occupées par Adam à Naples l'amenèrent peut-être à entreprendre un poème à la gloire de Charles d'Anjou. Conçu selon le schéma formel de « laisses » de longueur égale (vingt alexandrins rimés), il prend pour modèle les chansons de geste, genre qui, vers 1280, était d'ores et déjà archaïque. Cette Chanson du roi de Sicile resta inachevée, et s'interrompt après la laisse xix.

— Paul ZUMTHOR

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Écrit par

  • : ancien professeur aux universités d'Amsterdam, de Paris-VII, de Montréal

Classification

Pour citer cet article

Paul ZUMTHOR. ADAM DE LA HALLE (1235 env.-env. 1285) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CONGÉ, genre musical

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 94 mots

    Poésie lyrique personnelle que composèrent certains trouvères du xiiie siècle pour célébrer l'adieu, courtois ou satirique, du poète à ses amis, à sa ville ou à son pays natal. Trois congés sont connus : celui de Jehan Bodel (1202), celui d'Adam de La Halle (vers 1269), celui...

  • JEU, genre dramatique

    • Écrit par Daniel POIRION
    • 1 996 mots
    Le Jeu de Robin et de Marion, œuvre du trouvère arrageois Adam de la Halle (1235 env.-1285 env.), traite sous forme dramatique un thème de pastourelle. La pastourelle est une chanson dans laquelle le poète raconte sa rencontre avec une bergère dans la campagne alors qu'il se promène à cheval ; il narre...
  • MOYEN ÂGE - La poésie lyrique

    • Écrit par Daniel POIRION
    • 5 690 mots
    ...bien des associations bourgeoises qui ont, cependant, favorisé, dans les villes du Nord, et en particulier à Arras, l'activité poétique. De Jean Bodel à Adam de la Halle, le monde des jongleurs arrageois se distingue en effet par sa cohésion, sa productivité, ses rapports avec la société locale. Quelle...

Voir aussi