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LOCALISATIONS CÉRÉBRALES THÉORIE DES

Théorie donnant un siège anatomique aux diverses fonctions psychologiques. C'est Albert le Grand (xiiie s.) qui le premier s'efforça de répartir les fonctions mentales entre les parties du cerveau. La phrénologie de Gall et Spurzheim donna, en 1810, aux localisations cérébrales une base scientifique, malheureusement accompagnée de déductions fantaisistes qui jetèrent sur la théorie un certain ridicule ; et l'on continua, avec P. Flourens (1794-1867), à penser que le cerveau fonctionne comme un tout. Pourtant, L. Rolando (1773-1831) avait repéré sur l'animal les déficits spécifiques liés à l'ablation de diverses parties du cerveau ; J.-B. Bouillaud (1796-1881) localise le centre du langage dans le lobe temporal, et P. Broca (1824-1880) délimite cette zone avec précision : la mémoire des mots, démontre-t-il, a son siège au pied de la troisième circonvolution frontale (1861).

Jeu de l'oie du caractère - crédits : Internet Archive Book Images/ FlickR ; CC0

Jeu de l'oie du caractère

Ce sont les travaux de Broca qui habilitent la théorie, dont le sort restera ainsi lié avant tout aux recherches sur l'aphasie. Dans le dernier quart du xixe siècle, elle a la faveur des psychologues associationnistes, et se traduit par des descriptions d'innombrables schémas de centres d'images et de leurs associations. Il en résulte des discussions passionnées qui mettent en relief la fragilité des localisations autres que motrices ( Fritsch et Hitzig) et visuelles (H. Munk). Sous l'influence des idées de H. Jackson (1884) et du renouvellement des études de l'aphasie opéré par P. Marie (1863-1940), la critique de la théorie des localisations cérébrales peut sembler définitive tant dans les discussions de Bergson (Matière et mémoire, 1896) que dans la reprise du problème par des neurologues influencés par la Gestalttheorie et la phénoménologie husserlienne, tels C. von Monakow et R. Mourgue (Introduction biologique à l'étude de la neurologie et de la psychopathologie, 1928, notion de « localisation chronogène »), K. Goldstein (La Structure de l'organisme, 1934, dont on connaît l'influence sur l'œuvre du philosophe M. Merleau-Ponty) et V. von Weizsaecker (Le Cycle de la structure, 1939).

En fait, leur mérite se limite à repousser définitivement les théories localisatrices « pointillistes ». Les recherches du dernier demi-siècle ont réhabilité dans une certaine mesure l'idée de localisation cérébrale. Par les dégénérescences secondaires, la neurochirurgie stéréotaxique, les méthodes raffinées d'exploration radiologique et isotopique, la stimulation électrique cérébrale, etc., et avec les chercheurs de ce siècle (H. Cushing, E. Moniz, C. Sherrington, W. Penfield, H. Teuber, K. Primbram, J. Delgado et beaucoup d'autres), on est aujourd'hui amené à penser que tout processus neuropsychique, d'une part, met en activité le cerveau tout entier et, d'autre part, s'appuie plus particulièrement sur des centres ou des nœuds, dont la carte assez précise est dressée (depuis les premiers essais d'A. Campbell, 1905, jusqu'à P. Bailey et G. von Bonin, 1951) et où s'entrelacent stimulations et associations. Mais, si localisation d'une fonction il y a, ce sera plutôt sous la forme d'un circuit qu'on devra désormais la concevoir ; par exemple, la mémoire engage un système hippocampo-thalamo-mamillo-cingulaire.

Quant à l'intelligence, elle engage trop d'associations pour qu'on espère en dresser la topographie.

— Georges TORRIS

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Georges TORRIS. LOCALISATIONS CÉRÉBRALES THÉORIE DES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jeu de l'oie du caractère - crédits : Internet Archive Book Images/ FlickR ; CC0

Jeu de l'oie du caractère

Autres références

  • BROCA PAUL (1824-1880)

    • Écrit par Jacqueline BROSSOLLET
    • 676 mots
    • 1 média

    Créateur de la chirurgie moderne du cerveau et fondateur de l'anthropologie, né à Sainte-Foy-la-Grande (Gironde). Paul Broca étudie la médecine à Paris en 1841, soutient sa thèse de doctorat en 1849. Agrégé en 1853, il est alors chirurgien des hôpitaux et obtient, en 1867, la chaire de pathologie...

  • CERVEAU HUMAIN

    • Écrit par André BOURGUIGNON, Cyrille KOUPERNIK, Pierre-Marie LLEDO, Bernard MAZOYER, Jean-Didier VINCENT
    • 12 782 mots
    • 9 médias
    Puis commence la bataille des localisations cérébrales, avec trois noms clés : ceux de Franz Josef Gall (1758-1828), de Paul Broca (1824-1880) et de Korbinian Brodmann (1868-1918). Sans doute faut-il rendre justice à Gall, dont une certaine tradition a fait un phrénologiste dérisoire, alors qu'il a été...
  • HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX

    • Écrit par Pierre BUSER, Paul LAGET
    • 12 328 mots
    • 8 médias
    ...différentes portions de la surface des hémisphères cérébraux. L'obtention de mouvements intéressant tel ou tel muscle, ou segment corporel, la description par le patient des sensations éprouvées, ont permis de dresser unecarte relativement détaillée des localisations corticales (W. Penfield et coll.).
  • HITZIG EDUARD (1838-1907)

    • Écrit par Jean-Gaël BARBARA
    • 1 349 mots
    • 1 média

    Psychiatre allemand, Eduard Hitzig est surtout connu pour ses travaux pionniers de stimulation électrique du cortex cérébral de mammifères, qui a permis l’élaboration de la théorie des localisations cérébrales, selon laquelle le cortex est organisé en aires spécialisées pour des fonctions...

Voir aussi