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PHRÉNOLOGIE

Jeu de l'oie du caractère - crédits : Internet Archive Book Images/ FlickR ; CC0

Jeu de l'oie du caractère

Art de reconnaître les instincts, les penchants, les talents et les dispositions morales et intellectuelles des hommes et des animaux par la configuration de leur cerveau et de leur tête : ce titre d'un ouvrage de Franz Josef Gall (1757-1828) est la meilleure définition de la phrénologie, bien que son inventeur l'appelât « cranioscopie » et que le terme « phrénologie » ait été forgé par un disciple, G. Spurzheim (1776-1832), en 1810.

Gall, né à Tiefenbronn (Bade), chassé de Vienne pour ses idées, parcourut l'Europe avant de se fixer à Paris. Précurseur de la neurophysiologie, il étudia le cerveau chez l'animal et chez l'embryon, et, après Herder, il soutint, contre la conception unitaire des philosophes spiritualistes de l'école éclectique, que les diverses fonctions correspondent à une pluralité d'organes cérébraux. En rapportant les phénomènes de l'intelligence à l'organisation physiologique, il fonda la psychologie moderne, ce que comprirent Esquirol, d'une part, Broussais et Comte, de l'autre. Enfin, la collection craniologique qu'il avait recueillie, acquise par le Muséum de Paris en 1831, fut au départ des recherches anthropologiques d'A. Serres et, surtout, de Broca, lequel, par ailleurs, lui doit l'idée des localisations cérébrales. Mais, doué d'un caractère enthousiaste, Gall se laissa aller à fonder une pseudo-science que ses contemporains accueillirent avec passion. Il eut la première intuition de la phrénologie le jour où il fut frappé par la proéminence des yeux de ceux de ses étudiants qui avaient le plus de mémoire ; de là, il conclut à l'existence de l'organe de la mémoire en arrière des yeux, et découvrit ainsi peu à peu trente-sept organes de ce genre, soigneusement répertoriés : centres ou organes de l'amour physique, de l'amitié, de la ruse, de la finesse, de la prévoyance, de l'esprit métaphysique... Il dressa une carte de « protubérances » (dont l'expression commune « bosse » est le souvenir) et mit au point une méthode diagnostique par palpation digitale du crâne.

Outre Spurzheim, la phrénologie séduisit l'Écossais G. Combe qui fonda une société de phrénologie à Édimbourg (1823), et ensuite exporta la doctrine aux États-Unis, où elle eut un certain succès. Broussais fonda à son tour la Société parisienne de phrénologie (1832). Cependant, cette construction naïve ne survécut guère à son inventeur, si ce n'est par l'influence qu'elle exerça sur quelques écrivains, comme Balzac et Poe. Hegel traite de la phrénologie en un paragraphe (V, A, c, 111) de la Phénoménologie de l'esprit (1807) ; il la connaissait par l'enseignement de Gall à Iéna et en avait décelé l'inanité : elle revient à dire que « la réalité de l'esprit est un os » ; plus que la physiognomonie (de Lavater), elle révèle l'impasse dans laquelle s'est engagée la raison observante, qui isole l'extérieur et l'intérieur.

— Georges TORRIS

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Pour citer cet article

Georges TORRIS. PHRÉNOLOGIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

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Jeu de l'oie du caractère

Autres références

  • CERVEAU ET NOMBRES

    • Écrit par Mauro PESENTI
    • 980 mots
    Au xixe siècle, la phrénologie localise les fonctions cognitives en appariant les compétences observées avec les bosses à la surface du crâne, l'idée étant que plus une fonction cognitive se développe, plus la structure cérébrale qui la prend en charge croît en volume et presse sur la paroi...
  • CRÂNE

    • Écrit par Yves FRANÇOIS, Didier LAVERGNE, Pierre-Antoine SAINT-ANDRÉ
    • 5 245 mots
    • 5 médias
    Cela avait beaucoup intrigué, au xixe siècle, les adeptes dela pseudo-science appelée phrénologie qui, à la suite de Franz Gall, cherchaient à attribuer un sens à chaque microanomalie de la surface crânienne : la fameuse « bosse des maths » a servi à ridiculiser ces tentatives. Les obsessions...
  • LOCALISATIONS CÉRÉBRALES THÉORIE DES

    • Écrit par Georges TORRIS
    • 604 mots
    • 1 média

    Théorie donnant un siège anatomique aux diverses fonctions psychologiques. C'est Albert le Grand (xiiie s.) qui le premier s'efforça de répartir les fonctions mentales entre les parties du cerveau. La phrénologie de Gall et Spurzheim donna, en 1810, aux localisations cérébrales...

  • NEUROLOGIE

    • Écrit par Universalis, Raymond HOUDART, Hubert MAMO, Jean MÉTELLUS
    • 30 259 mots
    • 7 médias
    Fondateur de la phrénologie, Gall, dont les publications s'échelonnent de 1810 à 1818, voulait localiser la mémoire des mots derrière les orbites. Il fondait cette institution sur l'excellente mémoire manifestée par des camarades de classe « aux yeux à fleur de tête » ! Il finit par localiser le langage...

Voir aussi