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HITZIG EDUARD (1838-1907)

Psychiatre allemand, Eduard Hitzig est surtout connu pour ses travaux pionniers de stimulation électrique du cortex cérébral de mammifères, qui a permis l’élaboration de la théorie des localisations cérébrales, selon laquelle le cortex est organisé en aires spécialisées pour des fonctions comme le langage, la sensibilité ou la motricité.

Julius Eduard Hitzig est né à Berlin le 6 février 1838 dans une famille bourgeoise d’ascendance juive qui s’est inscrite dans le mouvement d’émancipation des juifs de Prusse inspiré de la philosophie des Lumières, la Haskala (de l’hébreu « éducation »). Son grand-père, Julius Eduard Hitzig (1780-1849), né Isaac Elias Itzig, est un juriste et criminologue célèbre, converti au protestantisme. Son père, Georg Heinrich Friedrich Hitzig (1811-1881), est un architecte berlinois, qui a notamment construit la banque impériale de Berlin.

Eduard Hitzig est un homme ambitieux, d’un caractère qui deviendra autoritaire au point d’être parfois présenté comme l’archétype du Prussien par son propre élève Robert Wollenberg (1862-1942). Jeune homme, il renonce à des études de droit et s’oriente vers la médecine. En 1862, il passe sa thèse dans ce domaine, centrée sur l’étude expérimentale de l’origine de l’urée. Il se forme aussi à la pathologie cellulaire chez Rudolf Virchow (1821-1902) à l’université de Würzburg au moment où ce dernier publie son traité Die Cellularpathologie (1858). Il poursuit à Berlin sa formation chez des maîtres prestigieux, en électrophysiologie chez Émile du Bois-Reymond (1818-1896), avec Moritz Heinrich Romberg (1795-1873), spécialiste des maladies nerveuses et auteur d’un des premiers traités de neurologie, et en psychiatrie avec Karl Friedrich Otto Westphal (1800-1879), qui enseigne cette discipline à partir de 1861.

Hitzig devient électrothérapeute, comme nombre de jeunes médecins intéressés par les développements de la neurologie. Il teste la pratique de la galvanothérapie (par des courants continus) en fabriquant ses propres électrodes, pour traiter la douleur associée à des lésions nerveuses chez certains patients, et peut-être aussi auprès de soldats blessés dont il soigne les plaies à la tête au cours de la guerre austro-prussienne de 1866, en tant que médecin en chef d’un hôpital militaire de Berlin.

En 1870, Hitzig réalise que ses pratiques cliniques et d’électrothérapie peuvent contribuer au débat sur les localisations cérébrales. Malgré des données anatomocliniques de Jean Bouillaud (1796-1881) en 1825 et de Paul Broca (1824-1880) en 1861, la plupart des médecins allemands demeurent prudents, même si la thèse « localisationniste » est favorisée par les travaux sur les aphasies, ceux de Hughlings Jackson (1835-1911) sur l’épilepsie, les doctrines anatomiques de Theodor Meynert (1833-1892) et la psychologie de Herbert Spencer (1820-1903). En 1865, Hitzig fait la recension des clinical lectures du Britannique John Churchill ; il démontre ainsi sa connaissance du débat et son enthousiasme pour les données en faveur des localisations.

Le 19 janvier 1870, Hitzig fait une étrange observation sur un patient atteint d’une paralysie oculaire : il arrive à produire des mouvements des yeux en appliquant ses électrodes entre le lobe de l’oreille et l’apophyse mastoïde du patient. Hitzig reproduit l’effet en excitant le lobe temporal du cerveau. Il pense alors que son électrode a excité un centre cortical. L’interprétation est audacieuse, en rupture complète avec la doctrine dominante de Pierre Flourens (1794-1867) selon laquelle il n’existe pas de sièges distincts pour les facultés du cerveau. La conception de Hitzig trahit un parti pris indéniable à ce stade. Car Broca lui-même pense que le centre de la motricité est localisé dans les noyaux de la base du cerveau. Hitzig se trompe dans ce cas, mais il est conscient dès le début[...]

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Pour citer cet article

Jean-Gaël BARBARA. HITZIG EDUARD (1838-1907) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Le club des « jeudis cliniques » de l’université de Berlin - crédits : Erinnerungen Bedanken und Meinungen, p.149/ Wellcome Collection

Le club des « jeudis cliniques » de l’université de Berlin

Autres références

  • HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX

    • Écrit par Pierre BUSER, Paul LAGET
    • 12 328 mots
    • 8 médias

    Bien des siècles avant l'Antiquité classique, on admettait déjà un étroit rapport entre les hémisphères cérébraux et les fonctions mentales supérieures : sensation consciente, motricité volontaire, mémoire, etc. Les anciens auteurs ont abondamment spéculé sur la région des hémisphères...

  • LOCALISATIONS CÉRÉBRALES THÉORIE DES

    • Écrit par Georges TORRIS
    • 604 mots
    • 1 média

    Théorie donnant un siège anatomique aux diverses fonctions psychologiques. C'est Albert le Grand (xiiie s.) qui le premier s'efforça de répartir les fonctions mentales entre les parties du cerveau. La phrénologie de Gall et Spurzheim donna, en 1810, aux localisations cérébrales...

  • NEUROLOGIE

    • Écrit par Universalis, Raymond HOUDART, Hubert MAMO, Jean MÉTELLUS
    • 30 259 mots
    • 7 médias
    Un peu partout dans le monde, les travaux se multiplient : les Allemands Hitzig et Frisch analysent, en 1870, la zone fronto-pariétale et en précisent, par l'excitation électrique, certaines caractéristiques. De telles recherches annoncent l'électrophysiologie. À Heidelberg, Wilhelm Erb...
  • PHYSIOLOGIE ANIMALE (histoire de la notion)

    • Écrit par Georges CANGUILHEM
    • 4 771 mots
    • 5 médias
    ...amorcé les recherches sur l'électricité animale qui ont permis à Helmholtz (1850) la première mesure de la vitesse de propagation de l'influx nerveux. En 1870, Fritsch et Hitzig, précédant Ferrier et Munk (1878), confirmaient expérimentalement l'existence, jusqu'alors inférée par la méthode anatomo-clinique...

Voir aussi