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SPOLIATION DES ŒUVRES D'ART, France (1940-1944)

La participation française à la spoliation par l'« aryanisation »

Préalablement à cette mise en coupe réglée, les dispositions réglementaires de Vichy à l'encontre des Juifs (10 septembre 1940, second statut du 2 juin 1941) avaient atteint les œuvres d'art. L'aryanisation des biens et des entreprises appartenant à des Juifs avait conduit les administrateurs provisoires « aryens » nommés par le Commissariat général aux questions juives, prenant en main la gestion des biens immobiliers des Juifs déchus, déportés ou partis, à se saisir du reliquat du mobilier « oublié » par l'E.R.R. et à le mettre en vente à l'hôtel Drouot.

La recherche, sur ce chapitre, ne fait que commencer. Elle a déjà révélé que, à la requête de l'administrateur provisoire « aryen » Elie Pivert, les œuvres d'art et les objets négligés chez Alphonse Kann par l'E.R.R. furent vendus à Drouot en novembre 1942 et rapportèrent 1 million de francs ; ceux des Bacri, dont la vente fut échelonnée en trois vacations de janvier à mai 1943, rapportèrent 2 700 000 francs que l'administrateur provisoire versa au Commissariat général aux questions juives qui virait les fonds à la Caisse des dépôts... Pas un seul nom allemand n'apparaît dans la liste des adjudicataires des 199 lots de la vente Kann : seuls d'honorables marchands parisiens, de nombreux « puciers » et de futurs épurés se pressèrent à Drouot, attirés par l'annonce officielle qui précisait : « Vente de biens israélites Khann[sic] ». Sauver les meubles ? Se servir sur la bête ? Tous les comportements, toutes les motivations, peuvent être envisagés dans un secteur d'activité dopé par la soudaine irruption d'une telle manne et par le sentiment qu'on se la partageait entre Français.

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Écrit par

  • : conservateur en chef du Patrimoine, conservateur au centre Georges Pompidou, chargé de la documentation de la collection du musée national d'art moderne

Classification

Pour citer cet article

Didier SCHULMANN. SPOLIATION DES ŒUVRES D'ART, France (1940-1944) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ART SOUS L'OCCUPATION

    • Écrit par Laurence BERTRAND DORLÉAC
    • 7 408 mots
    • 2 médias
    ...tant bien que mal à l'appétit du vainqueur, refusant autant que faire se pouvait de lui livrer des œuvres françaises ou confiées aux Musées nationaux, les collections juives furent largement pillées, sans que cette politique de spoliation systématique ne fasse l'objet – du moins sur le moment –, d'une...
  • FRANCOFONIA. LE LOUVRE SOUS L'OCCUPATION (A. Sokourov)

    • Écrit par Michel ESTÈVE
    • 950 mots
    • 1 média
    ...l'Ermitage fut en partie détruit. Au contraire, les collections du Louvre demeureront intactes (les tableaux seront évacués dans des châteaux en province), le musée ne sera pas spolié par les nazis grâce à l'action concertée de deux hommes opposés par leur origine sociale, leur nationalité, leur fonction,...
  • PAUME JEU DE

    • Écrit par Universalis
    • 545 mots

    Le Jeu de Paume, à Paris, fut un musée d’art impressionniste, puis d’art moderne et contemporain, avant d’être consacré à la photographie.

    La salle du Jeu de Paume fut construite sous Napoléon III en 1862 dans le jardin des Tuileries, en symétrie avec le bâtiment voisin de l’Orangerie. On...

  • ŒUVRES D'ART & PRISES DE GUERRE (1945)

    • Écrit par Klaus GOLDMANN
    • 2 666 mots
    • 3 médias
    ...expositionEntartete Kunst (« art dégénéré »). Ils ont alors retiré des collections publiques des œuvres d'art moderne et les ont vendues. Ils ont de plus saisi de nombreuses œuvres d'art appartenant à des Juifs pour les transférer dans des musées ou leur donner une « affectation » privée....

Voir aussi