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STRAUSS RICHARD (1864-1949)

Entre Garmisch et le monde entier (1924-1939)

Délivré de tout poste permanent, mais invité partout, Strauss ne cesse d'aller et venir entre sa villa des Alpes bavaroises et les différentes capitales allemandes et européennes. Ses ouvrages lyriques continuent d'être composés et représentés. Hélène d'Égypte, sur un livret remarquable d' Hofmannsthal, pour une partition qui tire vers la convention, et Intermezzo en sont les deux titres principaux. Pour cette dernière pièce, Strauss a abandonné un temps son librettiste habituel pour écrire lui-même le livret d'une « pochade » où, dans la veine de la Sinfonia domestica, il met lui-même en scène un épisode de sa vie conjugale. L'œuvre, amusante, bien écrite, enlevée, n'est pas loin d'être du meilleur Strauss – n'était-ce la minceur du propos !

Arabella - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Arabella

Avec Arabella, Strauss retrouve Hofmannsthal... et Vienne, pour une comédie amère sur la décomposition d'un monde – la bourgeoisie viennoise au milieu du xixe siècle. L'œuvre abonde en pages splendides (deux duos) et en séquences assez banales. La mort brutale de Hofmannsthal en 1929 met fin à une collaboration exemplaire, où l'homme de théâtre n'est peut-être pas celui qu'on pense, mais où la finesse et l'intelligence sensible du poète complétaient bien le réalisme poétique du musicien. Après cette disparition, Strauss ne cessera de déplorer le manque de librettiste. Il semblait avoir trouvé un écrivain à sa convenance en la personne de Stefan Zweig (Viennois, habile traiteur d'une matière qui n'est pas la sienne, et homme de véritable et belle culture, bref, toutes les qualités d'un bon librettiste), qui lui donna le livret de La Femme silencieuse (1935), lorsque les événements politiques, que Strauss eût bien voulu ignorer, mirent fin à une collaboration heureuse : Zweig était juif, et il dut s'exiler – avant de se suicider en Amérique latine en 1942.

Les « événements » de 1933 trouvèrent un Strauss qui n'avait en fait ni sympathie ni antipathie pour le régime, plutôt de l'antipathie d'ailleurs à cause de ses rapides excès culturels, mais dont le profond égoïsme allait le mener à ce qu'on a pu à juste titre nommer de la complaisance : président de la Reichsmusikkammer en 1933 par sentiment de « devoir d'État », mais inconscient qu'il servait de caution à un régime qui en avait tant besoin (et qui persécutait ses amis, ses collègues et ses collaborateurs mêmes), il en démissionne en 1935, après un épisode où il soutint Zweig davantage par volonté arrogante de ne pas s'en laisser conter que par courage politique conscient et sincère. En 1936, il ne croit pas devoir refuser de composer et diriger un méchant Hymne olympique, qui ouvrira les Jeux de Berlin. À part cela, il se retire le plus possible dans sa villa, tandis que sa veine de compositeur semble s'exténuer : plusieurs ouvrages lyriques voient le jour (L'Amour de Danaé, Friedenstag, Daphné...), ainsi que de nombreuses œuvres « de circonstances » : préludes solennels, marches de fête, chœurs...

Pendant la guerre, passée en bonne partie à Garmisch, Strauss va composer un ouvrage singulier dont l'action se déroule au moment de la querelle des glückistes et des piccinistes, Capriccio, où la fable amoureuse sert de prétexte à un ouvrage à thèse sur le fameux dilemme propre à l'opéra : prima la musica doppo la parola – ou l'inverse ?

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Écrit par

  • : conseiller en musique du xxe siècle, producteur à France-Musique

Classification

Pour citer cet article

Dominique JAMEUX. STRAUSS RICHARD (1864-1949) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Elektra</em> de R. Strauss, mise en scène de Ruth Berghaus - crédits : Jean Marc Zaorski/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Elektra de R. Strauss, mise en scène de Ruth Berghaus

Richard Strauss - crédits : General Photographic Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Richard Strauss

Le Chevalier à la rose - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Le Chevalier à la rose

Autres références

  • ARIANE À NAXOS (R. Strauss)

    • Écrit par Timothée PICARD
    • 1 173 mots

    Ariadneauf Naxos (Ariane à Naxos) de Richard Strauss, sur un livret de Hugo von Hofmannsthal, connut tout d’abord une première version en un acte, conçue pour remercier Max Reinhardt de sa mise en scène du Der Rosenkavalier (LeChevalier à la rose), et destinée à être jouée après Le...

  • ELEKTRA (R. Strauss), en bref

    • Écrit par Christian MERLIN
    • 212 mots

    Elektra, opéra en un acte de Richard Strauss d'après la tragédie de Hugo von Hofmannsthal, est créé au Königliches Opernhaus de Dresde le 25 janvier 1909. L'opéra, qui n'est pourtant pas avare de meurtres et de sentiments exacerbés, ne connaît aucun autre exemple d'illustration musicale...

  • ELEKTRA (R. Strauss)

    • Écrit par Timothée PICARD
    • 1 390 mots
    • 1 média

    Chef-d'œuvre de l'expressionnisme musical allemand, Elektra, de Richard Strauss (1864-1949) est créé le 25 janvier 1909 au Königliches Opernhaus de Dresde. Un fait est à noter, qui manifeste la portée de la collaboration qui va s'instaurer entre le musicien et le poète autrichien : la...

  • BEHRENS HILDEGARD (1937-2009)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 1 482 mots

    Cette cantatrice allemande était considérée comme la plus grande soprano wagnérienne de sa génération. Contrairement aux chanteuses qui l'avaient précédée dans le même répertoire, elle était dotée d'un grand tempérament d'actrice. Sa voix, moins puissante que celle de ...

  • BÖHM KARL (1894-1981)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 1 664 mots
    • 2 médias

    Karl Böhm fut l'ultime représentant des chefs d'orchestre autrichiens et allemands qui avaient connu les derniers compositeurs postromantiques ainsi que les créateurs des chefs-d'œuvre de Brahms et de Wagner. Avec lui a disparu une conception de l'interprétation transmise de maître à disciple,...

  • DELLA CASA LISA (1919-2012)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 684 mots
    • 2 médias

    Ni Mozart, ni Richard Strauss ne sont parvenus à les départager. Certes, dans l'esprit du plus grand nombre, les sortilèges jetés par la magicienne de la sophistication absolue, Elisabeth Schwarzkopf, ont paru l'emporter. Les vrais amateurs le savent bien pourtant : la pudique vestale du ...

  • Elektra, STRAUSS (Richard)

    • Écrit par Christian MERLIN
    • 806 mots
    Lorsque Elektra est créée à Dresde, le 25 janvier 1909, Richard Strauss n'est pas encore un compositeur d'opéra confirmé. Il est alors plus connu pour ses poèmes symphoniques – Don Juan (1889), Till Eulenspiegel (1895), Ainsi parlait Zarathoustra (1896)... – et entame la deuxième...
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