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PASTORALE, genre littéraire

L'Inde

Les tribus pastorales de l'Inde, superficiellement brahmanisées, se réclament en général d'un ancêtre éponyme appartenant à la caste guerrière, tel que Yadu, l'ancêtre mythique des Yādava, ou Jādons : le dernier et le plus célèbre prince Yādava fut Kṛṣṇa (Krishna), l'un des héros, partiellement divinisé, de la grande épopée indienne, le Mahābhārata. Les populations pastorales, encore nombreuses dans le nord-ouest et l'ouest de l'Inde, Jādons, Gujars (gurjara), Āhirs (ābhīra), bien qu'en majeure partie sédentarisées, n'en ont pas moins conservé, à travers tout le Moyen Âge et jusqu'à l'époque moderne, leur culture et leurs traditions originales, nettement distinctes de celles des populations sédentaires et agricoles parmi lesquelles elles vivent. Les traditions des tribus pastorales concernent tout particulièrement le pays Braj, région humide, propice aux pâturages, située le long de la rivière Jamna, au sud de Delhi, aux alentours de l'ancienne cité de Mathurā ; c'est la terre sacrée où naquit et grandit leur héros divinisé, le jeune pasteur Kṛṣṇa-Gopāl.

La geste de Kṛṣṇa, le dieu pasteur

Les événements qui entourent l'enfance et l'adolescence de Kṛṣṇa (événements que la vieille épopée semble ignorer totalement) forment le thème principal d'un riche folklore proprement pastoral. La naissance mystérieuse de Kṛṣṇa, ses espiègleries enfantines, ses prouesses, ses jeux, son art de danseur et de musicien, les accents enchanteurs de sa flûte de bambou, l'attrait irrésistible qu'exerce sa beauté sur les jeunes Gopis, les femmes de la tribu, sont célébrés par le chant et la danse. Ces chants et ces danses qui, aujourd'hui, sont généralement exécutés par de jeunes garçons, sont traditionnellement attribués aux Gopis elles-mêmes ; d'abord mères attentives, protectrices attendries de l'enfant Kṛṣṇa, puis amantes éperdues de l'Adolescent divin, ce sont elles qui sont censées chanter et mimer la geste krishnaïte. Aux jeux du pâtre Kṛṣṇa sont le plus souvent associés, outre le chœur des Gopis, le frère aîné du héros, Baldev, et une très jeune Gopi, Rādhā (dans le sud de l'Inde, NappiNai), favorite et amante de Kṛṣṇa.

La tradition musicale et chorégraphique des castes pastorales centrée sur la geste du jeune dieu-pasteur semble s'être emparée très tôt, apparemment dès le haut Moyen Âge, de l'imagination de tout le peuple indien, du nord au sud du pays. Il n'est pas de thème plus populaire et plus abondamment traité dans la littérature lyrique des langues indiennes modernes que la geste krishnaïte, et surtout les jeux érotiques de Kṛṣṇa avec les Gopis : jeux et ris qui ont pour corollaires la douleur des séparations et les affres de l'absence. Kṛṣṇa-Gopāl étant reconnu, au moins à partir du xve siècle, dans le Nord, comme un « avatār » ou une manifestation du dieu Viṣṇu, ou même de l'Être suprême, il s'ensuit que la vaste littérature vishnouite en langues indo-aryennes se trouve être une littérature en grande partie « pastorale », puisqu'elle a pour thème principal les amours sylvestres du dieu-pasteur.

Les amours de Kṛṣṇa et de Rādhā

Rādhā n'apparaît pas dans les Purāṇas, récits légendaires composés en sanscrit – ou du moins son nom ne s'y trouve pas. Mais dans les provinces orientales, au Bengale et au Bihar, dès le xive siècle, se développe une remarquable littérature composée essentiellement de chansons sur le thème des amours de Kṛṣṇa et Rādhā. Le décor est toujours le même : la solitude boisée du Vṛndāban, émaillé de fleurs éclatantes, bruissant de cris d'oiseaux, animé par la danse des paons et les bondissements des gazelles, la plage de sable fin et les eaux fraîches de la rivière[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur de littérature française à l'université de Sassari, Italie
  • : ancienne élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-X
  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université de Paris-IV
  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)

Classification

Pour citer cet article

Daniela DALLA VALLE CARMAGNANI, Jacqueline DUCHEMIN, ETIEMBLE et Charlotte VAUDEVILLE. PASTORALE, genre littéraire [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ABENCÉRAGE L'

    • Écrit par Charles Vincent AUBRUN
    • 786 mots

    C'est une courte nouvelle d'aventures galantes et chevaleresques. La meilleure version qui nous en soit parvenue parut sous le titre de El Abencerraje dans un ouvrage de miscellanées littéraires, El Inventario (Medina del Campo, 1565, sous le nom d'Antonio de Villegas). Ce roman pastoral,...

  • L'ASTRÉE, Honoré d'Urfé - Fiche de lecture

    • Écrit par Christian BIET
    • 1 511 mots

    On a, de nos jours, trop tendance à négliger les grands romans des xvie et xviie siècles. On se fie à Cervantès pour repousser les romans de chevalerie, on croit sur parole les Scarron, Sorel et autres Furetière, qui parodient les auteurs d'Amadis, de L'Astrée et du Grand Cyrus, en...

  • BASQUES

    • Écrit par Universalis, Jean HARITSCHELHAR, Pierre LAFITTE, Pierre LETAMENDIA, Maitane OSTOLAZA
    • 13 395 mots
    • 3 médias
    Parallèlement à l'essor du théâtre classique, un autre genre, traditionnel pourtant, retrouvera une nouvelle jeunesse. Il s'agit de la pastorale, théâtre psalmodié, introduit en Soule depuis le xve siècle apparemment. Longtemps cantonnée dans les thèmes religieux (vies de saints, etc.), la pastorale...
  • BION (IIIe s. av. J.-C.)

    • Écrit par Dominique RICHARD
    • 177 mots

    Né près de Smyrne, Bion passe une partie de sa vie en Sicile. Poète bucolique, probablement disciple immédiat de Théocrite, il chante la vie pastorale et les amours héroïques dans le style de ce grand poète alexandrin qui inspirera Virgile ainsi que les parnassiens du xixe siècle. Nous possédons...

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Voir aussi