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NÉO-POSITIVISME ou POSITIVISME LOGIQUE

L'empirisme

L 'expérience, en tant qu'elle se résout en sensations, telle est en effet, pour les néo-positivistes, la source unique du contenu de nos connaissances. Il n'y a pas de jugements synthétiques a priori ; toute proposition valide a priori est analytique, c'est-à-dire que sa vérité ne dépend que des propriétés du langage. Il est vrai qu'un philosophe pourtant proche par ses origines du néo-positivisme, Willard Van Orman Quine, a poussé si loin la critique du langage que la distinction entre analytique et synthétique s'estompe, et que son empirisme tend vers un pragmatisme. Mais c'est là un exemple des voies divergentes qu'autorise l'attitude néo-positiviste ; et la distinction de l'apport analytique du langage et de l'apport synthétique de la sensation demeure caractéristique de cette attitude.

La construction logique du monde

Cet empirisme présente un aspect constructif et un aspect critique. L'aspect constructif se manifeste, par exemple, dans l'œuvre de jeunesse de Carnap, Der logische Aufbau der Welt (1928). Le philosophe veut y « constituer » le monde, c'est-à-dire, à partir des données irréductibles de l'expérience individuelle, d'une certaine relation abstraite fondamentale, et de la logique symbolique, édifier un système de concepts tel que toute proposition se rapportant au monde puisse être adéquatement traduite par une proposition ne se rapportant qu'aux notions du système. Entreprise qui ne doit nullement être confondue avec les grandes synthèses idéalistes, car elle ne consiste pas à recomposer le monde.

Il ne s'agit de rien de moins que de l'application à la totalité de l'expérience de la méthode employée par Bertrand Russell et Alfred N. Whitehead pour la construction logique des objets mathématiques. Un effort aussi systématique a été critiqué et repris d'une autre manière par N. Goodman (1951). Rudolf Carnap lui-même en a postérieurement souligné les défauts, et il abandonnera l'entreprise en faveur de la réduction physicaliste déjà mentionnée. L'Aufbau n'en demeure pas moins l'un des plus beaux monuments, trop mal connu, de la philosophie moderne. Elle a permis de poser de façon neuve et profonde le problème de l'abstraction, et de définir les limites d'une réduction logique de l'expérience.

La vérification des énoncés empiriques

L'aspect critique de l'empirisme néo-positiviste se manifeste comme une mise en question de la vérification des énoncés d'expérience, considérée comme critère même de leur sens. Diverses solutions ont été présentées et vivement discutées à l'intérieur même du mouvement. Carnap et Neurath, dès 1931, proposent la théorie des « constats d'expérience » (Protokollsätze). Toute vérification d'énoncé pourvu de sens reposerait sur le crédit accordé à des propositions élémentaires de la forme : « N, au tempst, au lieu x, a perçu ceci. » De tels énoncés portent donc sur des expériences explicitement individuées, dont il n'est pas possible de justifier en général le choix. Ainsi Neurath en vient à admettre que ce choix est purement conventionnel et qu'il n'existe aucun énoncé expérimental absolument primitif pour la construction de la science.

Schlick, poursuivant l'analyse, proposera comme point de départ de toute science les « énoncés d'observation » (Beobachtungsaussage), expressions d'une expérience non seulement individuée mais encore purement momentanée, que les Protokollsätze ne feraient que traduire en langage intersubjectif.

K. Popper enfin, dans sa Logik der Forschung (1935), critiquant le psychologisme de la thèse de Schlick, propose comme points d'appui de toute vérification les « propositions de base » (Basissätze) qui ont la forme d'énoncés[...]

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Pour citer cet article

Gilles Gaston GRANGER. NÉO-POSITIVISME ou POSITIVISME LOGIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Wittgenstein - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Wittgenstein

Autres références

  • AYER ALFRED JULES (1910-1989)

    • Écrit par Francis JACQUES
    • 1 310 mots

    Né en 1910, professeur de logique à Oxford, A. J. Ayer fut tout d'abord, dans les pays anglo-saxons, le meilleur artisan de cette forme extrême d' empirisme qu'est le positivisme logique. Son premier livre (1936), programmatique et d'emblée classique, en offre un vigoureux exposé,...

  • DÉTERMINISME

    • Écrit par Étienne BALIBAR, Pierre MACHEREY
    • 9 713 mots
    La seconde attitude est celle qu'adoptèrent dans leur majorité les premiers fondateurs de la mécanique quantique, autour de Bohr et Heisenberg et de « l'école de Copenhague ». Elle peut être dite néo-positiviste, puisqu'elle comporte la définition de la science comme une « langue bien faite » adaptée...
  • EMPIRISME

    • Écrit par Edmond ORTIGUES
    • 13 324 mots
    • 1 média
    ...xxe siècle. On peut dire, en gros, que la « théorie reçue » dans la première moitié de celui-ci s'inspire des conceptions générales du cercle de Vienne, dites positivisme logique. La seconde partie du siècle est, au contraire, marquée par un éventail de recherches dont le seul point commun...
  • ÉPISTÉMOLOGIE

    • Écrit par Gilles Gaston GRANGER
    • 13 112 mots
    • 4 médias
    ...conjoint, d'une mathématique et d'une physique semble poser plus que jamais la question de leurs statuts respectifs et de leurs rapports instrumentaux. Les néo-positivistes du Cercle de Vienne, qui se sont explicitement posé le problème dans les années trente, l'ont généralement résolu d'une façon radicale...
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Voir aussi