NÉO-POSITIVISME ou POSITIVISME LOGIQUE
Logique et langage
Si l'entreprise encyclopédiste des néo-positivistes repose en définitive sur une unification du langage, c'est que la fonction logique de l'expression linguistique est pour eux essentielle.
L'héritage wittgensteinien
C'est avant tout du Wittgenstein du Tractatus logico-philosophicus(1921) qu'ils reçoivent sur ce point l'héritage. Pour ce philosophe, le langage est l'image du monde, et la science n'est rien d'autre que l'ensemble des propositions qui le décrivent. Chacune de ces propositions est l'image d'un « fait », qui s'analyse par liaisons entre faits élémentaires, ou « états de choses », à chacun desquels correspond une proposition élémentaire qui en est l'image et qui consiste en l'association d'un prédicat et des noms qui s'y rapportent. Ainsi, la logique, c'est-à-dire l'aspect a priori de la connaissance scientifique, se réduit à l'ensemble des contraintes qui règlent l'usage des liaisons propositionnelles et l'usage des prédicats. La logique n'est rien d'autre qu'une « grammaire » de la langue qui décrit le monde.
Les néo-positivistes en retiendront que l'analyse du langage est la seule voie d'accès à la logique et que l'appareil de la logique symbolique est l'instrument que doit appliquer le philosophe à l'élucidation de tout énoncé quel qu'il soit.
Syntaxe, sémantique, pragmatique
L'importance de cette « nouvelle logique » est telle, pour les néo-positivistes, que l'association du formalisme linguistique et de l'empirisme constitue l'une de ses novations fondamentales.
L'un des représentants de cette attitude, Charles W. Morris, introduira une triple distinction, devenue classique, dans cette analyse du langage à laquelle il donnera le nom général de « sémiotique », théorie des signes, à la fois science particulière et organon de toutes les sciences. Les signes ont des rapports entre eux en tant que signes : leur étude constitue la syntaxe ; ils ont des rapports avec les objets et les faits auxquels ils renvoient : leur étude est la sémantique ; des rapports enfin avec les personnes qui en usent, et leur étude est la pragmatique.
Carnap, le premier, dès 1934, avait développé une syntaxe logique, qu'il considérait comme représentant à elle seule tout l'apport formel du langage. De ce point de vue, il déterminait un langage au moyen des règles de « formation » des énoncés propositionnels corrects, et au moyen des règles de « transformation » permettant de passer d'une ou plusieurs propositions à une proposition qui en est la conséquence. Carnap construisait ainsi à titre d'exemple deux langages de richesse croissante, dont le second seulement offrait la possibilité de développer l'arithmétique et l'ensemble des mathématiques classiques. Cette hiérarchie possible des langages le conduisait alors à énoncer un « principe de tolérance » : en matière de syntaxe – c'est-à-dire de logique –, « ce n'est pas notre affaire de formuler des interdits, mais d'arriver à des conventions ». Tout système syntaxique est, en principe, valable, pourvu qu'il soit explicitement constitué et qu'on en puisse alors saisir les conséquences. Ainsi pouvaient être présentés sous un nouveau jour les problèmes relatifs au fondement des mathématiques et de la logique.
En 1942, Carnap reconnaissait cependant, sous l'influence de Tarski, l'importance d'un autre point de vue, qui consiste à considérer les symboles dans leur rapport avec des désignations possibles. Un langage est alors défini au moyen de règles de formation, de règles de désignation et de règles de « vérité », qui indiquent à quelles conditions générales les propositions seront considérées comme vraies. Par opposition[...]
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Écrit par
- Gilles Gaston GRANGER : professeur au Collège de France
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