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CHIMIE Histoire

L'étude des gaz ou la chimie pneumatique

Une théorie empirique des gaz supposait d'abord la mise en œuvre d'une technique d'isolement. Au début du xviiie siècle, Hales inventa le dispositif simple mais indispensable de la cuve à eau, qui sera perfectionné quand on remplacera l'eau par le mercure. Hales recueillit ainsi de nombreux gaz dégagés par chauffage de diverses substances ; mais il s'en tenait à mesurer les volumes libérées ; ses expériences ne furent pas un gain pour la théorie moderne des éléments. Il pensait, comme le rappelle Lavoisier, que c'« était l' air lui-même, celui de l'atmosphère, qui se combinait avec les corps, soit par l'opération de la végétation et de l'économie animale, soit par les opérations de l'art ». Pourtant, ses travaux de laboratoire aidèrent à franchir une étape méthodologique. Il avait montré que de l'« air » était présent, « fixe », dans un grand nombre de substances, et qu'on pouvait l'en extraire par la chaleur. Les différences organoleptiques reconnues entre les divers gaz produits dans la nature ou par l'art étaient attribuées à des accidents qui ne modifiaient pas le « fond » essentiel de l'« air », ces accidents pouvant être aussi bien un changement de disposition des atomes que l'entraînement des « parties les plus subtiles des corps », qui rendaient hypothétiquement compte des changements de propriétés.

C'est à Black, si fort loué par Lavoisier, que revient la gloire de fonder positivement la chimie « pneumatique ». Grâce à lui, le caractère d'espèce chimique d'un gaz, l'« air fixe », notre anhydride carbonique, est défini sans ambages. Il démontre, dans sa dissertation de 1754, que les différences chimiques entre « alcalis effervescents » (les carbonates) et alcalis caustiques (les bases alcalino-terreuses) étaient strictement imputables à l'« air fixe » combiné dans les carbonates. Outre la reconnaissance d'un « air » chimiquement distinct de l'air ordinaire, ses travaux, conduits avec une rigoureuse exactitude quantitative, impliquaient des propositions fondamentales, à savoir que la masse totale d'un système chimique ne varie pas et qu'un gaz combiné peut être pesé.

Témoignage de la difficulté invétérée de rompre avec la représentation d'homogénéité de l'air, Black hésitait sur la nature de cet « air fixe », qu'il décrivit comme « une espèce d'air disposé et répandu dans l'atmosphère soit sous forme d'une poudre extrêmement subtile, ou peut-être sous celle d'un fluide élastique ». La réaction chimique se constitue théoriquement dans ses expériences quand il démontre le transfert de l'« air fixe » de la craie à l'alcali volatil (l'ammoniaque). La formation de cristaux par la rencontre de deux gaz (l'anhydride carbonique et l'ammoniac) dans un tube de verre est une de ses démonstrations qui préparèrent les chimistes à rompre avec les notions obscures de la simplicité élémentaire, tout en détachant les phénomènes surprenants du merveilleux alchimique. La synthèse frappante du carbonate d'ammonium par Black rappelle aussi l'importance de certaines déterminations purement techniques ; c'est parce que les chimistes ont pu opérer avec des instruments de verre que certains phénomènes décisifs ont été isolés et observés. Qu'on songe à la synthèse eudiométrique de l'eau par Cavendish ou à la dissociation thermique de l'oxyde rouge de mercure.

À la suite de Black, l'étude positive des gaz se développe fructueusement. Cavendish isole et caractérise l'« air inflammable » (l'hydrogène) en 1766. Daniel Rutherford différencie, en 1772, l'« air fixe » (l'anhydride carbonique) de l'« air nuisible » (l'azote), résidu[...]

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Pour citer cet article

Élisabeth GORDON, Jacques GUILLERME et Raymond MAUREL. CHIMIE - Histoire [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Robert Boyle - crédits : Oxford Science Archive/ Print Collector/ Getty Images

Robert Boyle

Laboratoire de chimie au XVIII<sup>e</sup> siècle - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Laboratoire de chimie au XVIIIe siècle

John Dalton - crédits : Rischgitz/ Hulton Archive/ Getty Images

John Dalton

Autres références

  • ACIDES & BASES

    • Écrit par Yves GAUTIER, Pierre SOUCHAY
    • 12 364 mots
    • 7 médias

    Un acide est un corps capable de céder un ou des protons (une particule fondamentale chargée d'électricité positive) et une base est un corps capable de capter un ou des protons. Chacun a ses caractéristiques. Les acides ont une saveur aigre (l'adjectif latin acidus signifie « aigre...

  • AIR, élément

    • Écrit par Georges KAYAS
    • 719 mots
    • 1 média

    Anaximène (~ 556-~ 480), à la différence de Thalès, enseignait que toute substance provient de l'air (pneuma) par raréfaction et condensation ; dilaté à l'extrême, cet air devient feu ; comprimé, il se transforme en vent ; il produit des nuages, qui donnent de l'eau lorsqu'ils sont...

  • ANALYSE ET SYNTHÈSE, chimie

    • Écrit par Pierre LASZLO
    • 1 526 mots
    • 1 média

    Ces deux notions, en principe complémentaires et réciproques, ne le sont pas en fait. Certes, les deux tendances à l'analyse et à la synthèse s'opposent, la première visant à couper les entités chimiques en petits morceaux et la seconde se donnant pour objectif la reconstruction des ensembles mis à...

  • ANALYTIQUE CHIMIE

    • Écrit par Alain BERTHOD, Jérôme RANDON
    • 8 885 mots
    • 4 médias

    « C'est dans les cas situés au-delà de la règle que le talent de l'analyste se manifeste. L'important, le principal est de savoir ce qu'il faut observer. » Edgar Allan Poe (Histoires extraordinaires, 1844)

    La chimie analytique est la branche de la chimie qui a pour but l'identification,...

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