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CHURCHILL WINSTON (1874-1965)

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Un témoin de l'histoire

Le général de Gaulle a écrit de Churchill, qu'il connaissait bien, qu'il avait été « le grand champion d'une grande entreprise et le grand artiste d'une grande histoire ». Sa place dans la société britannique apparaît, en effet, comme celle d'un remarquable leader national pendant la guerre, mais aussi d'un témoin de l'histoire chez qui le passé a quelquefois estompé les difficultés du présent.

Bombardements de Londres - crédits : Keystone/ Getty Images

Bombardements de Londres

Il a été le leader de la Grande-Bretagne et du Commonwealth en guerre : en mai 1940, il est appelé à remplacer Chamberlain comme Premier ministre, parce que l'opinion et les députés savent qu'il s'impose pour diriger la guerre ; en juillet 1945, il se retire parce qu'aux élections les Anglais lui ont préféré, pour la paix, Attlee et les travaillistes. À sa mort, ces années ont été parfaitement résumées par le message de la reine Elizabeth : « La survivance de notre pays [...] sera un monument perpétuel à la mémoire de ses dons de chef, de sa clairvoyance et de son indomptable courage. » Pendant cinq ans, « il a fait la guerre », et sa suprématie n'a jamais été mise en question. Il s'est montré un animateur exceptionnel qui sut inspirer aux Anglais sa passion de l'Angleterre. Il s'est manifesté comme un éminent chef de guerre, à la fois par sa capacité de déterminer les grands choix politiques et par son aptitude à régler personnellement les affaires militaires, même si ses généraux s'en sont quelquefois plaints. Churchill appartient à cette lignée d'hommes d'État qui font l'histoire, parce qu'il a marqué la vie de son pays à un moment dramatique.

Ses valeurs étaient tournées vers le passé, mais il ne faut pas y voir un élément contrariant au sein d'une nation où les institutions et les libertés sont traditionnelles. Il a été un homme d'État du xixe siècle, imprégné de la grandeur victorienne, à un de ces moments privilégiés où le génie politique n'a pas d'époque.

Toutefois, le rétablissement de la paix a relancé la dynamique de l'histoire et, lorsqu'il est revenu au pouvoir en 1951, « Mr. Churchill appartenait au passé ». Sa légende a maintenu son prestige jusqu'à son départ en 1955, sans que son gouvernement soit véritablement efficace et apprécié. Ses proches et ses amis politiques se faisaient cependant de plus en plus pressants pour l'inviter à la retraite. C'est seulement après sa mort (à Londres en 1965), après quelques polémistes isolés, que lord Moran fait de son illustre malade une critique décisive : « Il a été foncièrement victorien par son incapacité à se mettre au pas de son époque en mouvement. » Le jugement est sévère sur l'après-guerre : « Il est certain que l'âge et les congestions cérébrales successives expliquent en partie pourquoi il ne fut pas plus efficace dans son rôle de leader de l'opposition, et plus tard de Premier ministre de la Couronne. » Mais la condamnation va plus loin et met en cause son obstination, sa conception personnelle du pouvoir, l'excentricité de son jugement, à qui le familier impute les échecs politiques d'après guerre. Cette opinion peut paraître outrancière, mais Churchill n'en a pas moins été dépassé par les problèmes du temps de paix et il émerge finalement du déclin de la Grande-Bretagne d'après guerre par une admirable légende, qu'il faut bien rattacher aux grandeurs victoriennes.

— Albert MABILEAU

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Écrit par

  • : professeur de sciences politiques à l'université de Bordeaux-I

Classification

Pour citer cet article

Albert MABILEAU. CHURCHILL WINSTON (1874-1965) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Winston Churchill le jour de la victoire - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Winston Churchill le jour de la victoire

Boers au combat - crédits : Van Hoepen/ Hulton Archive/ Getty Images

Boers au combat

Churchill à Lille - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Churchill à Lille

Autres références

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