WELFARE STATE BRITANNIQUE
L'expression Welfare State est le plus souvent traduite en français par État-providence. Elle semble être née en Angleterre en 1942, par un jeu de mots qui l'opposait à Warfare State (état de guerre), et son « inventeur » fut peut-être l'archevêque de Canterbury, William Temple, apôtre contemporain du christianisme social. Après la Seconde Guerre mondiale, son acception fut très large, s'appliquant aussi bien à des mesures économiques, nationalisations et dirigisme, qu'aux réformes sociales. Au cours des années 1950, elle se rétrécit à son sens purement social.
Le Welfare State britannique se caractérise, contrairement à l'américain, par le souci d'assurer à l'ensemble de la collectivité nationale des droits et des garanties qui fondent une véritable sécurité sociale pour tous, « du berceau à la tombe » : il s'oppose ainsi au Social Service State de l'avant-guerre, où les grandes mesures d'assurances ne s'appliquaient qu'à des catégories réduites de la population, en particulier les salariés. La justification de la généralisation résidant dans une fiscalité très discriminatoire aux dépens des plus hauts revenus et fortunes.
Parmi les « pères » du Welfare State, le plus important est sir William Beveridge. Président d'une commission gouvernementale, il a publié en 1942 un rapport célèbre sur les assurances sociales et préconisé les mesures à appliquer pour combattre les fléaux sociaux. En 1944, dans un autre rapport, intitulé Le Plein Emploi dans une société de liberté, il a abondé dans le sens des idées de Keynes sur le rôle moteur de la puissance publique pour relancer une machine économique défaillante, fût-ce au prix d'une certaine inflation monétaire. Les idées de Beveridge, accueillies avec réserve par les conservateurs, furent d'emblée très populaires et en partie reprises par les travaillistes qui les ajoutèrent à leurs programmes de 1934 et de 1936 et en firent une des armes de leur victorieuse campagne électorale de juin-juillet 1945.
C'est entre 1945 et 1951 que furent votées la plupart des lois d'organisation de l'État-providence et le Premier ministre Clement Attlee en fut donc le responsable. En 1946, les assurances nationales, fondées sur le principe de cotisations, sont étendues pratiquement à tous les citoyens, y compris les travailleurs indépendants. En 1948 entre en vigueur la grande réforme du système de santé qui doit tout à l'opiniâtreté du ministre Aneurin Bevan : la médecine et les hôpitaux nationalisés, la gratuité des soins et des médicaments garantie à tous. En application d'une loi de 1947 sur la planification des sols en milieu urbain et rural, une grande politique d'urbanisme vise à créer des cités plus humaines, à développer l'habitat de banlieue et des villes nouvelles (1949), à pousser les organismes publics à entreprendre la reconstruction et l'édification de nombreux logements. Ajoutons à ces quelques exemples majeurs les efforts éducatifs, en vertu d'une loi Butler adoptée dès 1944 par le cabinet Churchill d'union nationale, et qui se réclament, par la démocratisation de l'enseignement et l'ouverture d'établissements secondaires à tous les enfants, du grand principe de l'« égalité des chances ». Par ailleurs, en coordination avec les syndicats et grâce à une extrême dilution des tâches au sein des entreprises, le plein emploi est assuré.
Après 1951, le Welfare State devient un héritage accepté sans grande difficulté, bien qu'avec des nuances, par les conservateurs. La politique sociale fonde un consensus entre les principaux partis politiques.
Les critiques se multiplient pourtant à partir des années 1960. À gauche, on dénonce les insuffisances du système, la déception de la réforme de l'enseignement qu'à partir[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Roland MARX : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Médias
Autres références
-
BEVERIDGE WILLIAM HENRY (1879-1963)
- Écrit par André TUNC
- 769 mots
- 1 média
Après des études à Oxford, Beveridge est nommé, à vingt-quatre ans, sous-directeur d'un foyer londonien à but philanthropique ; bientôt il dirige les services officiels de chômage et de placement. Ces activités l'amènent à se pencher sur le problème de l'emploi. Nommé directeur de la London School...
-
RAPPORT BEVERIDGE
- Écrit par Jean-Marie PERNOT
- 218 mots
- 1 média
Fonctionnaire au ministère britannique du Travail, William Beveridge se voit confier, en mars 1941, la rédaction d'un rapport destiné à mettre de l'ordre dans les multiples prestations désordonnées de la protection sociale du Royaume-Uni. Le rapport de la commission Beveridge est...
-
ROYAUME-UNI - Histoire
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Bertrand LEMONNIER et Roland MARX
- 43 835 mots
- 66 médias
...des prothèses et de tous les types d'appareillage ; assurances nationales (1946) qui couvrent tous les accidents de la vie, « du berceau à la tombe ». L'originalité de toutes les institutions nouvelles est qu'elles ne sont pas sélectives et que toutes les classes de la société en bénéficient également.... -
ROYAUME-UNI - La société britannique contemporaine
- Écrit par Jacques LERUEZ
- 7 584 mots
- 4 médias