DISNEY WALT (1901-1966)

De Blanche-Neige à Mary Poppins

Les sceptiques qui raillaient la mégalomanie du maître d'œuvre et doutaient de la capacité de ses vedettes dessinées à amuser et émouvoir le public au-delà d'une dizaine de minutes durent s'incliner devant un triomphe sans précédent, tant public que financier, et cela à l'échelle mondiale. En pleine gloire, dès l'achèvement et le triomphe de Blanche Neige et les sept nains (1937), Disney envisageait le développement narratif et artistique de Bambi, parallèlement à la mise en chantier d'autres grands projets, sans interrompre pour autant la production des courts-métrages. Il fallut cinq ans pour que Bambi puisse cabrioler, en 1942, sur les écrans. Après la féerie fantastique de Pinocchio (1940), ce furent les fastes, tantôt silly, tantôt symphoniques, de Fantasia (1940) et de Dumbo (1941), autre mélodrame animalier animé de main de maître. Si quelques personnages de Blanche-Neige furent calqués sur la gestuelle humaine, Bambi, basé sur l'étude de vrais animaux, fut, en dépit de moments de franche gaieté, le film le plus sombrement réaliste de Disney (lorsque le faon perd sa mère, aucune bonne fée ne la ramène à la vie). Le film sortit durant la Seconde Guerre mondiale, ce qui priva l'entreprise d'importants revenus. Le maître de Burbank ne récupéra sa mise, au centuple, qu'après de multiples rediffusions à la fin des hostilités.

Entre-temps, une grève du personnel – le studio comprenait quelque 900 artistes – perturba davantage la bonne marche de l'entreprise. Se chargeant de régler le contentieux avec les syndicats, le gouvernement américain proposa à Disney d'accomplir une mission de bon voisinage dans les pays d'Amérique latine, afin d'y contrebalancer l'influence des puissances de l'Axe. Acclamé comme un chef d'État, accompagné d'une poignée de fidèles, il en revint avec une moisson d'images réelles et dessinées. Ainsi Donald Duck, mobilisé pour stigmatiser le régime nazi dans divers cartoons de choc (tel Education for Death, Oscar 1943), déboulait la même année dans les rues de Rio et au bord du lac Titicaca (Saludos Amigos, 1942). On le vit également avec de vraies baigneuses sur la plage d'Acapulo dans The ThreeCaballeros(1945).

La paix revenue, quelques courts-métrages regroupés en séquences musicales (tels Make Mine Music, 1946 ; Melody Time, 1948) ne suscitèrent qu'un accueil mitigé. L'entreprise, au creux de la vague, ne redora son blason qu'en renouant avec la féerie. L'année 1950 fut celle de Cendrillon. Ni le pays des merveilles d'Alice (1951) ni l'île des pirates de Peter Pan (1953) n'égalèrent ses prouesses au box-office, sinon La Belle et le Clochard (premier Disney en Cinémascope, 1955). Réalisée en Technirama, La Belle au bois dormant, la plus coûteuse de ces productions, sortie à l'aube des années 1960 sur les écrans, ne récupéra pas d'emblée sa mise. Mais l'intérêt de Walt Disney, délaissant progressivement le cartoon supplanté par la marée montante des séries TV bon marché (il commentait lui-même sur le petit écran les meilleurs moments de l'âge d'or), outre sa passion, qui se concrétise à partir de 1955 pour les parcs d'attractions, se tourna tant vers le documentaire animalier que vers le long-métrage en vues réelles. Acclamée deux ans avant sa mort : MarryPoppins (1964), comédie musicale ne comportant que quelques séquences animées, marqua le couronnement de sa carrière d'homme-orchestre de son propre royaume.

Idolâtré ou décrié (notamment à cause de son rôle au temps du maccarthysme), Walt Disney demeure une référence incontournable dans un domaine qu'il a durablement codifié. « Il a déteint sur nous tous », reconnaissaient ses proches collaborateurs. Même si la routine prend trop souvent le pas sur[...]