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NIJINSKI VASLAV (1889-1950)

Figure emblématique de son art, le danseur et chorégraphe polonais Vaslav Fomitch Nijinski a révélé au cours de sa brève et fulgurante carrière (1907-1919) un génie singulier dont le rayonnement international, l'originalité et le charisme demeureront légendaires. Doté d'aptitudes physiques exceptionnelles, il s'est distingué par sa virtuosité et sa prodigieuse faculté d'envol. Timide et secret à la ville, il a déployé sur scène une présence fascinante qui, jointe à une remarquable faculté de métamorphose, lui permit de créer et d'interpréter de façon mémorable des rôles variés. Issu de l'école classique franco-russe, il en a renouvelé le langage et bouleversé les codes en élaborant des chefs-d'œuvre qui furent d'abord objets de scandale avant de devenir des références obligées de l'art du xxe siècle : Prélude à l'après-midi d'un faune (musique de Claude Debussy, décor de Léon Bakst, 1912) puis Le Sacre du printemps (musique d'Igor Stravinski, décor de Nicolas Roerich, 1913). Sa brutale rupture, en 1913, avec son protecteur et ami Diaghilev et la longue épreuve de la Première Guerre mondiale plongèrent prématurément cet artiste affectivement très vulnérable dans une profonde dépression, dont témoignent ses bouleversants Cahiers, rédigés en 1919. En dépit de tentatives multiples, aucun des soins prodigués assidûment ne parvient, jusqu'à son décès en 1950, à le libérer de son désordre intérieur. Cette nuit de l'âme succédant à la gloire et la personnalité mystique de l'artiste ont suscité l'intérêt de ses émules. En 1972, Maurice Béjart fit de son Nijinsky, clown de Dieu (musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski et Pierre Henry), le lieu géométrique d'un triangle danse-femme-Dieu, évoquant le paradis perdu des Ballets russes, la haine de la guerre, la rédemption par la grâce. Cette même grâce a inspiré le sensible Nijinski (musique Piotr Ilitch Tchaïkovsky, 1999), portrait subtilement tracé par le chorégraphe John Neumeier, fervent admirateur de l'artiste déjà évoqué dans Vaslav (musique de Frédéric Chopin, 1979). Association d'amis fondée par Françoise Stanciu-Reiss, prix, médailles et expositions célèbrent la mémoire de ce génie tôt foudroyé.

Les années d'apprentissage

Fils cadet de Tomasz Lavrentievitch Nijinski (1862-1912) et d'Eleonora Nicolaievda Bareda (1856-1932), danseurs polonais, Vaslav Fomitch voit le jour le 12 mars 1889 à Kiev, en Ukraine. Mais sa naissance n'est officialisée que le 12 décembre 1889 à Varsovie, lors de son baptême catholique. De son père brillant interprète, Vaslav hérite des hautes pommettes et des yeux en amande, indices d'une origine tatare, ainsi que de la virtuosité et de la prodigieuse faculté de « bondir », également transmise à sa jeune sœur, la danseuse et chorégraphe Bronislava Nijinska (1891-1972). De sa mère, il prendra la douceur et la tendresse vulnérable. À l'âge de six ans, il est affecté par la chute de son frère aîné Stanislas (1886-1917) qui, tombé d'une fenêtre, ne recouvrera jamais la raison et sera interné dans un hôpital psychiatrique. Après une période d'errance foraine à travers la Russie, durant laquelle Nijinski apprend les bases de la technique classique, sa mère, qui s'est séparée définitivement de son mari en 1897, se fixe avec ses deux plus jeunes enfants à Saint-Pétersbourg. Vaslav est admis en 1898 comme élève à l'École impériale de danse, où sa sœur entre en 1900, date à laquelle il obtient la bourse d'étude Charles Didelot. Il suit les cours de Serge et Nicolas Legat. En 1902, il devient l'élève de Mikhaïl Oboukhov qui, malgré le mutisme de l'adolescent, pressent son génie et le protège des agressions de ses camarades jaloux. À l'exception de David Copperfield[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres, conservateur honoraire à la Bibliothèque nationale de France, écrivain et critique

Classification

Pour citer cet article

Marie-Françoise CHRISTOUT. NIJINSKI VASLAV (1889-1950) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Vaslav Nijinski dans <it>Petrouchka</it> - crédits : AKG-images

Vaslav Nijinski dans Petrouchka

Autres références

  • BALLET

    • Écrit par Bernadette BONIS, Pierre LARTIGUE
    • 12 613 mots
    • 20 médias
    ...légèreté, Anna Pavlova restera prisonnière d'une conception classique ; en revanche, Tamara Karsavina saura se plier aux exigences du ballet moderne. Vaslav Nijinski invente le bond qui est, selon Claudel, « la victoire de la respiration sur le poids ». Battant l'entrechat douze, le danseur semble suspendu...
  • CHORÉGRAPHIE - L'art d'écrire la danse

    • Écrit par Marie-Françoise CHRISTOUT
    • 2 169 mots
    • 1 média
    ...impériale de ballet de Saint-Pétersbourg, ce système sert à Nicolas Sergueïev qui enregistre ainsi les principaux ballets de Marius Petipa et Lev Ivanov. Vaslav Nijinsky s'en inspire lorsqu'il entreprend d'élaborer vers 1915 une méthode restée inachevée. Souvent liés à la démarche personnelle d'un chorégraphe,...
  • CHORÉGRAPHIE - L'art de créer les gestes

    • Écrit par Agnès IZRINE
    • 3 702 mots
    • 6 médias
    Cette révolution ne touche pas que la danse moderne. Dès 1912,Vaslav Nijinski, dans L'Après-midi d'un faune, témoigne lui aussi de ce renouveau. Ses mouvements choquent, car ils sont totalement détachés de l'idée d'un corpus de pas connus du public et traduisent sa vision personnelle d'un...
  • DANSE

    • Écrit par Marie-Françoise CHRISTOUT, Serge JOUHET
    • 5 050 mots
    • 17 médias
    Or c'est en chorégraphiant l'Après-midi d'un faune que Nijinski déploie sa quasi-nudité animale en des mouvements et des gestes tels qu'on n'en avait encore jamais vu sur scène. Diaghilev venait d'arriver pour faire parler à la danse le même langage nouveau que la musique et la peinture....
  • Afficher les 8 références

Voir aussi