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TORQUEMADA TOMÁS DE (1420-1498)

Célèbre inquisiteur espagnol. Neveu du théologien Jean de Torquemada (archevêque de Valladolid et défenseur du pape contre la théorie conciliaire au concile de Bâle), Tomás était, comme son oncle, frère prêcheur. Prieur du couvent de Santa Cruz de Ségovie, de 1452 à 1474, il réforme les prieurés aragonais de son ordre. Il devient confesseur de la reine Isabelle de Castille, puis aussi de son époux, le roi Ferdinand d'Aragon, et il exerce une profonde influence sur ces deux monarques, dont le mariage réalise la première union des territoires espagnols. Austère, ne recherchant pas les honneurs, persévérant et ardent, convaincu que son devoir est d'exterminer les adversaires du catholicisme, il donne sa mesure, avec tous les excès possibles, lorsque Ferdinand et Isabelle décident d'établir l'Inquisition en Castille pour poursuivre les juifs et les musulmans convertis (marranes et morisques), ainsi que tous les hérétiques. Il joue aussitôt un grand rôle dans cette entreprise avec son ami Mendoza. En 1482, il est nommé par le pape inquisiteur général en Castille et en Aragon, sa juridiction étant étendue à la Catalogne en 1486. Il entre en même temps dans le Conseil du roi. Il réorganise alors l'Inquisition, avec quatre tribunaux importants et une cour d'appel, où il siège. En 1484, il promulgue un code de procédure pour agir contre les juifs, les morisques, les hérétiques et les gens coupables de sorcellerie, de bigamie, d'usure, etc. Un nombre impressionnant de suspects sont poursuivis, parmi lesquels plus de 2 000 sont exécutés. Torquemada est enfin l'un de ceux qui conseillent à Ferdinand et à Isabelle d'expulser les morisques de leurs États, ce qui est fait en 1492. En 1494, âgé et malade, il se retire à Ávila, où il meurt.

En 1869, Victor Hugo consacre à Torquemada un drame (qui a pour titre ce même nom) auquel il pense depuis longtemps, mais qu'il ne publiera qu'en 1882 ; c'est une de ses œuvres les plus géniales mais aujourd'hui les moins connues. L'un des sommets du drame se place à la rencontre des « trois prêtres » : François de Paule qui incarne la sainteté et la douceur selon l'Évangile, mais qui se désintéresse de la marche du monde pour ne songer qu'au salut individuel des meilleurs ; le pape Alexandre Borgia, libertin et sceptique, uniquement avide de puissance temporelle ; le fanatique Torquemada, possédé du désir de sauver tous les hommes, et convaincu qu'en brûlant les hérétiques et les pécheurs il les purifie et les sauve par une sorte de baptême du feu. Si Hugo prête cette théologie fantaisiste au zèle tout dominicain du Torquemada de l'histoire, c'est qu'à travers lui il poursuit sa réflexion capitale sur le rôle de la violence dans l'action révolutionnaire pour le bonheur universel ; il met dans la bouche de Torquemada certaines phrases qui rappellent de très près ses propres vers écrits quelques années plus tôt pour évoquer Marat.

— Marcel PACAUT

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Écrit par

  • : professeur d'histoire du Moyen Âge à l'université de Lyon-II-Lumière

Classification

Pour citer cet article

Marcel PACAUT. TORQUEMADA TOMÁS DE (1420-1498) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • INQUISITION

    • Écrit par Marcelin DEFOURNEAUX, Yves DOSSAT
    • 5 845 mots
    • 2 médias
    ...suspects de « judaïser » en secret. Parmi eux se recrute la majeure partie de ceux qui comparaissent dans les autos de fe organisés à partir de 1481. Tomás de Torquemada, premier inquisiteur général (1485-1494), se signala par sa rigueur impitoyable qui suscita de vives protestations, surtout en Aragon...

Voir aussi