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TERAYAMA SHŪJI (1935-1983)

Dans le Japon de l'après-guerre et jusqu'à sa mort, Terayama Shūji fut souvent celui par lequel le scandale arriva. Enfant terrible, il chercha sans cesse, face au réel, la la provocation poétique. Il passe d'ailleurs très tôt « de l'autre côté du miroir » : son père disparaît à la fin de la guerre, sa mère, serveuse dans une base américaine, l'abandonne ; recueilli par un parent, il vivra dès lors derrière un écran de cinéma et dans les coulisses d'un théâtre. Nourri de films américains, il écrit à Humphrey Bogart, une de ses stars préférées.

Mais sa première identité, il la trouve dans la composition de tanka, courts poèmes de cinq vers de 5, 7, 5, 7, 7 syllabes. Son intérêt pour l'œuvre du poète Ishikawa Tokuboku (1885-1912) qui renouvela, par l'emploi du langage parlé, cette forme traditionnelle, rend compte de l'importance fondamentale pour Terayama du jeu de la langue, expression de la « modernité ». En 1954, il reçoit le prix « Poésie nouvelle » au festival Tchekhov. Malade, il restera ensuite cloué au lit pendant près de quatre ans. Il assouvit alors une passion dévorante de la lecture, celle des auteurs étrangers, français en particulier : Sade, Lautréamont, Jules Verne, Artaud, Jarry... Son imagination et sa pensée s'en nourrissent si fort qu'on l'a quelquefois accusé de plagiat ! Il a pourtant toujours su les assimiler à son univers propre : ainsi de l'influence qu'exerça Fellini sur son œuvre de cinéaste.

Il appartient à des groupes étudiants de théâtre comme « Les Barbes de verre » (1955) et vit désormais à Tōkyō, où il écrit : Territoire oublié (1955), Mai, pour moi (1957), et une anthologie de la poésie intitulée : Livres au ciel (1958). En 1959, il commence à écrire avec succès pour la radio. Un de ses textes, Chattologie, deviendra son premier film, en 8 mm (1960). Il signe alors ses premiers scénarios pour la Shōchiku : Le Lac séché réalisé par Shinoda Masahiro, Adieu flingue ! ; une pièce, Le sang dort debout, ainsi qu'une réalisation pour la télévision.

En 1961, il s'attache à regrouper l'avant-garde. Lui-même passe à la réalisation de courts métrages expérimentaux comme La Cage (16 mm, 1962) et travaille beaucoup pour la télévision : Ippiki (Le Corps d'une bête) ou Pauvre papa, ce n'est pas le tueur qui l'a assassiné, c'est le chant de l'oiseau à une plume. En 1963, il affronte un problème de société : les fugues d'adolescents. En dehors de ses innombrables œuvres pour la radio — Parfois, tel un enfant sans mère (1964), ou La Femme du Dieu-Chien (1965) —, il écrit une pièce, Étude des vampires (1964), et publie un important recueil de poèmes autobiographiques, Cache-cache pastoral (1965), qu'il mettra en images en 1974. Son premier roman, Aa ! Koya (Devant mes yeux le désert), paraît en 1966. L'année suivante, il crée sa propre troupe de théâtre et une intense activité théâtrale commence pour lui. Il fonde donc Tenjosajiki (ou les « Places du plafond ») en référence au film Les Enfants du paradis. Pour Tenjosajiki, il monte Le Bossu du département d'Aomori, Le Crime du gros patapouf Ooyama, La Marie-Vison. Le recours au fantastique, à l'anormal, au monstrueux renvoie toujours chez Terayama, de la « fiction des planches » à celle, plus cruelle encore, de la « réalité ». Avec Jetons les livres et sortons dans la rue !, il renoue par le biais du théâtre avec l'obsession de la fugue. Il en fera un film en 1971. En 1968, au festival du théâtre d'avant-garde, il présente Les Mille et Une Nuits de Shinjuku, Barbe Bleue, Le Petit Prince, L'Enfant-Loup. Pour le cinéma, il écrit Premier Amour, version infernale que réalise Hani Susumu. Il publie beaucoup : La Guerre dans la rue, Album photo du théâtre japonais[...]

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Écrit par

  • : maîtrise de droit, université de Paris-I, licenciée de japonais, Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Pour citer cet article

Josiane PINON. TERAYAMA SHŪJI (1935-1983) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉROTISME

    • Écrit par Frédérique DEVAUX, René MILHAU, Jean-Jacques PAUVERT, Mario PRAZ, Jean SÉMOLUÉ
    • 19 774 mots
    • 7 médias
    En cette époque de normalisation de l'image, le Japon se signale par quelques films audacieux. Shuji Terayama signe en 1970 un premier manifeste désabusé sur la prise de pouvoir. L'Empereur Tomato-Ketchupest est un enfant qui gouverne un royaume dont la constitution prévoit que « tous les enfants...
  • JAPON (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Jean-Jacques ORIGAS, Cécile SAKAI, René SIEFFERT
    • 20 234 mots
    • 2 médias
    ...underground), se répandirent les décors saike (pour psychedelic). Jette les livres, sortons dans la rue (Showosuteyomachi ni deyō), lançait en 1971 Terayama Shūji (1934-1983). Il garda ce même titre pour un livre et pour un film, et sans cesse partagea son activité entre le cinéma, le théâtre et l'écriture,...

Voir aussi