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SOMA, religion védique

Mot sanskrit qui signifie simplement « jus » (obtenu par pressurage d'une substance végétale) et qui désigne dans la religion védique l'élixir d'immortalité, le nectar, l'ambroisie (amṛta). C'est parce qu'ils consomment quotidiennement le soma qui leur est offert en sacrifice par les hommes que les dieux conservent leur statut d'immortels (dans la perspective hindoue, les immortels sont ceux « qui vivent aussi longtemps que dure le cycle cosmique ») : lorsque le dernier brahmane aura offert le dernier sacrifice, les dieux disparaîtront avec l'univers tout entier. Ce « crépuscule des dieux » (Götterdämmerung) n'est pas imminent, car l'Inde compte encore aujourd'hui de nombreuses familles où le culte védique est maintenu vivant. Il l'est cependant de façon réduite, car le soma n'est plus préparé depuis une période indéterminée (probablement depuis le ~ xe siècle) : le lait répandu en oblation dans le feu sacré lors du sacrifice du matin (agnihotra) est considéré comme une nourriture de substitution pour les dieux, jouissant des mêmes vertus. Mais il s'agit d'un pis-aller, car à l'époque védique l'agnihotra et le sacrifice de soma coexistaient. L'impossibilité où les brahmanes se sont trouvés de préparer le soma tient à plusieurs causes : la première est que la plante dont il était tiré ne devait pas se trouver dans les plaines du Pendjab, où les Aryens venaient de s'installer ; la seconde est que les rites du soma furent critiqués par des réformateurs religieux qui rejetaient à la fois l'immolation de victimes animales et la consommation rituelle de breuvages toxiques. En Iran, Zarathuštra (Zoroastre) est responsable de la réforme qui visa à éliminer, de la même façon, l'usage du haoma (équivalent iranien du soma) et le sacrifice des bovins. On a longtemps disputé en Occident pour tâcher de découvrir l'identité du végétal utilisé pour la préparation du soma. Un ethnologue américain (R. G. Wasson, Soma, 1968), approuvé par C. Lévi-Strauss (article dans la revue L'Homme, 1970), en systématisant toutes les données contenues dans le Véda, prouva que cette plante qui pousse sur les pentes des montagnes humides, sous les arbres, et qui est dépourvue de feuilles et de fleurs mais porte un chapeau, ne pouvait être qu'un champignon. Comparant ces données à celles d'autres secteurs du domaine indo-européen (surtout celtiques et slaves), Wasson montra que le soma était le jus de l'Amanita muscaria (amanite tue-mouches, ou fausse oronge), dont on peut, en effet, obtenir une préparation ayant des vertus hallucinogènes. De plus, l'ethnologie sait que toutes les communautés spirituelles connaissent des rites communiels où des adeptes dûment initiés sont invités à des banquets au cours desquels on consomme des offrandes consacrées en buvant un breuvage sacré (vin, hydromel, ambroisie, soma) ; inversement, ces pratiques sont battues en brèche par ceux qui prêchent l'abandon du secret et la recherche du salut sans autre moyen que le progrès moral de l'individu. La plupart des grandes religions s'efforcent d'équilibrer les deux tendances, et souvent le breuvage d'immortalité est conservé de façon purement symbolique (par exemple, vin de messe, haoma anodin des zoroastriens modernes). En Inde même, lorsque l'on prétend encore célébrer un sacrifice de soma (ce qui est plus une reconstitution archéologique qu'une véritable cérémonie religieuse), on utilise un substitut insignifiant, l'Ephedra vulgaris.

Quoi qu'il en soit de ces problèmes, il reste que le prestige du soma était si grand dans la religion védique que le jus sacré en vint à être tenu pour l'un des dieux majeurs du panthéon. Près de cent cinquante hymnes lui sont dédiés dans le [...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

Classification

Pour citer cet article

Jean VARENNE. SOMA, religion védique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AMANITE TUE-MOUCHES ou FAUSSE ORONGE

    • Écrit par Olivier JUILLIARD
    • 372 mots
    • 1 média

    Du genre des agaricacées, l'amanite tue-mouches, ou fausse oronge (Amanita muscaria), est un champignon courant dans les régions septentrionales de l'Eurasie et de l'Amérique du Nord. De nombreuses légendes font de lui, sous le nom d'amanite muscarine, un champignon maléfique,...

  • EAUX SYMBOLISME DES

    • Écrit par Gilbert DURAND
    • 4 082 mots
    • 1 média
    ...prières du Véda), l'eau soudain devient blanche et tiède, l'Océan devient la « mer de lait ». On sait d'ailleurs comment, dans le Rigveda, la boisson est valorisée sous l'appellation de soma ou d'haoma. Le soma, boisson sacrée, assure la vie, la fertilité, la régénération.
  • HAOMA

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 316 mots
    • 1 média

    Nom iranien du « breuvage d'immortalité » qui correspond au soma hindou. La religion iranienne ancienne, analogue en cela à la religion védique, plaçait au centre du culte solennel un sacrifice offert aux dieux les plus importants du panthéon ; au cours de ce sacrifice était préparé...

  • VEDA

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 13 397 mots
    • 1 média
    Un autre groupe de rites était centré autour de la consommation d'un breuvage sacré, appelé soma (« jus »). Il est maintenant à peu près certain qu'il s'agissait d'une drogue hallucinogène, vraisemblablement obtenue à partir d'un champignon (l'amanite « tue-mouche », ou...

Voir aussi