Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SOCIAL HISTORY

La Social History, l'« histoire sociale anglaise », se caractérise par deux traits : ses rapports étroits avec le Parti communiste auquel les historiens ont adhéré au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ; et une interprétation singulière du marxisme qui a conduit ces historiens, critiques à l'égard d'une histoire politique et diplomatique souvent conservatrice mais aussi réticents vis-à-vis d'une histoire économique quantitative, à revoir la sacro-sainte question du primat de l'économie en réintroduisant le politique et la culture. Cette révision ne se fera pas sans heurts et l'histoire sociale anglaise est marquée par de virulentes controverses qui seront en partie à l'origine du linguistic turn.

Mariage entre marxisme et histoire empirique britannique

En 1946, quelques historiens parmi lesquels Christopher Hill, Edward P. Thompson et Eric J. Hobsbawm constituent à l'intérieur d'un Parti communiste britannique – qui n'est pas, à l'inverse de ses homologues sur le continent, un parti de masse – une section d'histoire dotée de moyens de recherche et d'enseignement. Universitaires, enseignants dans l'éducation des adultes, militants actifs, ils revisitent les grandes questions de l'histoire britannique, telles que la transition du féodalisme au capitalisme, la révolution anglaise de 1688, la révolution industrielle. L'histoire qu'ils proposent est une histoire « d'en bas » (from below), histoire du peuple, de la marginalité, de la révolte, de la résistance (E. J. Hobsbawm, Primitive Rebels, 1959), et surtout histoire des classes sociales, des luttes de classes.

L'œuvre maîtresse de Thompson sur La Formation de la classe ouvrière anglaise (1963, trad. franç. 1988) prend à contre-pied les classiques analyses marxistes qui associent classe sociale et conscience de classe à l'état des rapports économiques de production. L'historien privilégie une lecture politique, analysant le chartisme (mouvement politique et social des années 1838-1848) dans sa dimension culturelle, pour mettre en évidence les conflits sociaux au travers desquels les classes sociales, et en particulier la classe ouvrière, forgent leur identité. Une classe sociale n'est pas une chose, ni une entité prédéterminée, mais une catégorie historique, l'expression sociale et politique d'un processus historique conflictuel fondé sur les expériences des hommes et des femmes en tant qu'agents de l'histoire. Elle se détermine également dans un contexte, en l'occurrence celui de la révolution industrielle, marqué à la fois par une croissance démographique, un développement technologique sans précédent et une contre-révolution politique, qui ont conduit à une véritable exclusion politique et sociale. La réception extrêmement tardive du livre de Thompson en France – il n'est traduit qu'au bout de vingt-cinq ans ! – témoigne du double décalage entre deux traditions nationales d'histoire sociale et d'histoire marxiste.

Pratiques politiques et savantes, histoires du peuple et pour le peuple ont caractérisé l'identité collective de ces historiens qui ont multiplié séminaires et colloques, collections d'ouvrages et publications commentées de sources. Ils fondent, en 1952, la revue Past & Present, largement ouverte à des historiens non marxistes, qui s'imposera en quelques années comme l'une des plus importantes revues d'histoire au monde. Mariage réussi entre le marxisme et une tradition historiographique nationale profondément empirique, l'histoire sociale anglaise imprègne durablement la discipline, en renouvelle les méthodes et les problématiques (recherches sur le capitalisme, les classes sociales, mais aussi les marginaux, les rebelles, les paysans, l'histoire des traditions, etc.).[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Bertrand MÜLLER. SOCIAL HISTORY [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • THOMPSON EDWARD (1924-1993)

    • Écrit par Michael BESS, Universalis
    • 817 mots

    Historien et activiste britannique, né le 3 février 1924, mort le 28 août 1993 à Upper Wick, dans le Worcester.

    Né dans une famille de missionnaires méthodistes, Edward Palmer Thompson dirige une unité de blindés en Afrique et en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1946, il termine ses...

Voir aussi