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SOCIAL HISTORY

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L'influence des études féministes et des approches du discours

Cependant, dans les années 1970, cette history from below est contestée. Les interprétations en termes de classes sont remises en cause par le développement des études féministes et de nouvelles recherches ébranlent le mythe d'une élite ouvrière plus conservatrice que révolutionnaire et révèlent l'importance des conflits intraclassistes, plus virulents que ceux entre ouvriers et patrons. Ces travaux s'intéressent à d'autres formes de mouvements sociaux (histoire des femmes, immigration). Le paysage historiographique se renouvelle avec de nouvelles publications : History Workshop Journal qui, en 1982, inscrit le terme feminist dans son sous-titre (A Journal of Socialist and Feminist Historians), et la revue Social History dont le premier numéro sort en 1976 et se place sous la double inspiration de l'école des Annales et du marxisme.

L'émergence d'une histoire féministe (Sheila Rowbotham, Women's Liberation and the New Politics, 1969), qui présente l'histoire du point de vue des femmes, bouleverse les catégories traditionnelles de l'histoire sociale en y introduisant de nouvelles problématiques : l'étude des rapports entre sphère privée et sphère publique, le réexamen des chantiers traditionnels concernant les stratégies d'exclusion ou de marginalisation (immigration) et enfin une nouvelle grille de lecture du social qui intègre la division sexuelle des rôles et la construction sociale des genres.

Cette double offensive politique et historiographique se prolonge par le développement de nouvelles interprétations des classes sociales qui mettent l'accent sur le langage et le discours. Gareth Stedman Jones publie, en 1983, un ouvrage jamais traduit en français, Languages of Class, dans lequel il réinterprète les catégories de l'expérience et de l'agir (agency) proposées par Thompson. Composé d'articles, ce livre – un des points de départ du linguistic turn – apporte une vision nouvelle des classes sociales analysées au travers du langage, perspective inédite et iconoclaste dans les études marxistes, et propose de repenser l'identité de classe à partir des pratiques politiques plutôt que l'inverse. Revisitant l'histoire du chartisme, Stedman Jones interroge la signification du vocabulaire et des expressions employés dans des discours et des écrits. Cette approche a été largement reprise et poursuivie par un courant postmoderne. Ainsi Patrick Joyce (Visions of the People, 1991) étudie l'art et le théâtre populaires, les expressions littéraires, et le langage politique des ouvriers de l'industrie anglaise du xixe siècle, afin de « regarder derrière la classe » (to look beyond class) pour y retrouver des expressions populaires ou des « visions du peuple ». La classe apparaît ainsi comme une construction sociale et discursive. Le langage de classe a constitué l'un des thèmes favoris de ce courant postmoderne, mais ce sont des historiens sociaux qui avaient lancé les premières études sur le vocabulaire et les concepts, notamment celui de classe (John Saville et Asa Briggs dir., Essays in Labour History, 1960).

Les débats furent particulièrement virulents mais également singulièrement riches. L'historien James Vernon se demandait qui pouvait avoir peur du tournant linguistique (« Who's afraid of the Linguistic Turn ? », in Social History, 1994) alors que Patrick Joyce concluait plus dramatiquement à la fin de l'histoire sociale. Il n'est pas indifférent de rappeler que ces controverses n'ont pas concerné seulement l'historiographie anglaise mais ont marqué, sous des traits différents, le paradigme d'histoire sociale tel qu'il s'était construit dans l'après-guerre. Ce qui est en jeu, en premier lieu et peut-être principalement, c'est l'héritage et l'avenir de la tradition[...]

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Pour citer cet article

Bertrand MÜLLER. SOCIAL HISTORY [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Autres références

  • THOMPSON EDWARD (1924-1993)

    • Écrit par et
    • 817 mots

    Historien et activiste britannique, né le 3 février 1924, mort le 28 août 1993 à Upper Wick, dans le Worcester.

    Né dans une famille de missionnaires méthodistes, Edward Palmer Thompson dirige une unité de blindés en Afrique et en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1946, il termine ses...