OZAWA SEIJI (1935-2024)

Le Japonais Seiji Ozawa est le premier chef d'orchestre originaire d'Extrême-Orient qui se soit imposé à l'échelon international dans le répertoire musical occidental. Avant lui, le Japon, et dans une moindre mesure, la Corée et la Chine avaient certes formé des interprètes de talent, mais aucun n'était parvenu à une telle stature, réalisant la synthèse des cultures et s'imposant comme l'un des principaux chefs d'orchestre de son temps.

De Tōkyō à Vienne

Seiji Ozawa naît le 1er septembre 1935 à Moukden (aujourd'hui Shenyang), en Mandchourie, d'un père bouddhiste et d'une mère presbytérienne. Il reçoit une éducation chrétienne qui le met en contact avec la musique religieuse occidentale. C'est l'époque de l'occupation japonaise en Mandchourie. En 1941, sa famille retourne au Japon. Il commence à étudier le piano avec Noboru Toyomasu dès l'âge de douze ans, mais un accident de rugby, dans lequel il se brise les deux index, l'empêche de poursuivre dans cette voie. À l'âge de seize ans, il entre à l'école de musique Tōhō de Tōkyō, où il travaille la composition et la direction d'orchestre, notamment avec le grand pédagogue, violoncelliste et chef d'orchestre Hideo Saito, qui l'influence profondément. En 1958, il obtient ses diplômes de composition et de direction d'orchestre. Il a déjà commencé à diriger quelques orchestres de son pays. Mais l'Europe l'attire. Il vend des scooters pour payer son voyage et se présenter au concours international de jeunes chefs d'orchestre de Besançon, où il remporte le premier prix en 1959. À Paris, il travaille avec Eugène Bigot – qui présidait le jury à Besançon – et, grâce à Charles Münch, autre membre du jury, il peut aller étudier au Berkshire Music Center de Tanglewood, où il obtient un an plus tard la bourse Koussevitzky. Il se perfectionne aussi avec Herbert von Karajan à Berlin. En 1961, il remporte le concours Mitropoulos à New York, ce qui lui permet de devenir l'assistant de Leonard Bernstein à l'Orchestre philharmonique de New York (1961-1962 et 1964-1965).

La carrière de Seiji Ozawa s'accélère alors : il fait ses débuts américains avec l'Orchestre philharmonique de New York (1961) et devient directeur musical du festival de Ravinia, résidence d'été de l'Orchestre symphonique de Chicago (1964-1968) et de l'Orchestre symphonique de Toronto (1965-1969). Puis il prend la tête de l'Orchestre symphonique de San Francisco (1970-1976) et partage la direction du Berkshire Music Center avec Gunther Schuller (1970) avant d'en être le seul maître trois ans plus tard. La consécration survient en 1973, lorsqu'il est nommé directeur musical de l'Orchestre symphonique de Boston, poste occupé auparavant par celui qui fut son mentor, Charles Münch. Il devient le premier chef asiatique nommé à la tête de l'un des principaux orchestres américains. Il restera vingt-neuf ans directeur de cet ensemble (1973-2002), auquel il redonne les couleurs françaises développées par ses prédécesseurs Monteux, Koussevitzky et Münch. Les tournées se succèdent : l'Europe en 1976, le Japon en 1978, où le scepticisme initial des musiciens japonais se transforme en une véritable fierté nationale, la Chine et les festivals européens en 1979, sans oublier la grande tournée du centenaire de l'orchestre, en 1981, aux États-Unis, au Japon, en France, en Allemagne, en Autriche et en Grande-Bretagne. À cette occasion, il passe plusieurs commandes à des compositeurs comme Leonard Bernstein, Roger Sessions, John Harbison, Peter Lieberson, Andrzej Panufnik, Peter Maxwell Davies (Deuxième Symphonie, 1981), Michael Tippett, Leon Kirchner.

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En Europe, Seiji Ozawa dirige l'Orchestre philharmonique de Berlin, l'Orchestre philharmonique de Vienne, l'Orchestre de Paris et l'Orchestre national de France, les grands orchestres londoniens ; aux États-Unis, ceux de Chicago, Philadelphie, New York. Malgré cette carrière internationale très remplie, il conserve des attaches profondes avec son pays natal. Il participe en 1972 à la fondation du New Japan Philharmonic Orchestra, dont il sera le principal chef invité de 1972 à 1991, puis le directeur artistique honoraire. Il fait ses débuts lyriques au festival de Salzbourg en dirigeant Così fan tutte de Mozart en 1969. Parmi les grandes étapes de sa carrière lyrique, on peut noter Covent Garden (débuts avec Eugène Onéguine de Tchaïkovski en 1976), l'Opéra de Paris, où il se produit pour la première fois en 1979 (L'Enfant et les sortilèges de Ravel et Œdipus Rex de Stravinski), la Scala de Milan, la Staatsoper de Vienne, le Metropolitan Opera de New York (toujours avec Eugène Onéguine, respectivement en 1988 et 1992)... Passionné dès ses débuts par la musique d'Olivier Messiaen, il dirige, le 28 novembre 1983 à l'Opéra de Paris (Palais-Garnier), la création de son opéra Saint François d'Assise.

En 1984, Seiji Ozawa fonde au Japon l'Orchestre international Saito Kinen (littéralement « en hommage à Saito »), qui réunit chaque été les principaux instrumentistes nippons membres des grands orchestres occidentaux. En 1992 se déroule pour la première fois à Matsumoto, au sein des montagnes japonaises, le festival et l'Académie de Saito Kinen autour de cet orchestre, pour lequel une salle a été spécialement construite. L'académie permet à Ozawa de poursuivre l'œuvre missionnaire de son maître Saito.

Directeur musical de la Staatsoper de Vienne de 2002 à 2010, Ozawa devient le premier chef d'orchestre japonais invité à diriger le fameux concert du Nouvel An de l'Orchestre philharmonique de Vienne (2002). En 2005, il fonde et prend la direction musicale d'une nouvelle compagnie lyrique, le Tokyo Opera Nomori (« Opéra de la forêt de Tōkyō »), qui doit son nom au parc dans lequel est basée la compagnie. Toujours en 2005, il fonde l'International Music Academy Switzerland (IMAS), qui réunit à Rolle, sur les rives du lac Léman, quelques jeunes instrumentistes à cordes venus travailler le répertoire du quatuor et de l'ensemble à cordes avec les meilleurs professeurs de la spécialité. Il s'implique lui-même dans l'enseignement. Gravement malade, il interrompt sa carrière en 2010 et en 2012. Il reprend sa baguette en 2013, mais limite ses engagements. Il meurt le 6 février 2024 à Tōkyō.

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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