Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

RĀMĀYAṆA

Le cycle du « Rāmāyaṇa »

Pour établir le texte de la récente édition critique du Rāmāyaṇa (édition de Baroda), environ deux mille manuscrits de l'épopée ont été réunis. Après des éliminations successives, il s'en est trouvé près de quarante qui représentent les « meilleurs spécimens des divers états du texte », et confirment l'existence de deux recensions, l'une du Nord, se subdivisant en trois versions qui offrent entre elles bien des divergences, l'autre du Sud, plus uniforme. Une concordance avec les éditions de Bombay, Kumbhakonam (au sud de Madras), Lahore, et avec celle qui est due à Gorresio permet d'établir des comparaisons, souvent de strophe à strophe. Mais, tout autour du thème du Rāmāyaṇa s'est développée, avec une incroyable abondance, une littérature d'inspiration ramaïte. Elle est représentée par les plus grands noms de la littérature indienne.

Kumāradāsa, qui aurait été roi de Ceylan entre 517 et 526, est réputé être l'auteur – bien que son œuvre paraisse plus récente – de Jānākiharana, l'« Enlèvement de la Jānakī » (Sītā). Ce poème épico-lyrique en vingt chants (une quinzaine nous sont parvenus) reprend le sujet du Rāmāyaṇa depuis le début jusqu'au rapt de Sītā par Rāvana. Kālidāsa, le plus grand poète de l'Inde classique, dans le Raghuvamsa (poème en dix-neuf chants et quatorze cents strophes) chante la gloire de Vālmīki, l'unissant à celle des princes de la dynastie du Soleil dont le plus grand est Rāma. La forme de ce poème est si parfaite qu'il est proposé pour modèle de toute composition littéraire. À Kālidāsa est également attribué, mais sans vraisemblance, un très savant poème épique prākrit, le Setubandha, la « Construction du pont », qui conte l'histoire de Rāma depuis l'expédition contre Lankā jusqu'à la mort de Rāvana. Bhavabhūti, le plus célèbre dramaturge sanskrit après Kālidāsa, a consacré deux de ses pièces à Rāma. Il y exprime le conflit entre l'amour et le devoir en un style lyrique, plein de force descriptive. Dans Mahāviracarita, l'« Histoire du grand héros » (Rāma), il reprend en sept actes les six premiers livres du Rāmāyaṇa. Il donne, dans l'Uttararāmacarita, la « Fin de l'histoire de Rāma », dont les sept actes correspondent au livre VII du Rāmāyaṇa.

La légende de Rāma s'est prêtée, par ailleurs, à des initiatives singulières. Ainsi, au vie siècle ou peut-être dès le ive siècle, le Bhattikāvya, le « Poème de Bhatti », interprétation libre du Rāmāyaṇa, se présente tout en conservant le genre épique, comme une illustration constante des règles de la grammaire de Pānini et de la poétique. Et ce type d'ouvrage a été si apprécié qu'il a inspiré des imitateurs et a donné lieu à quatorze commentaires ! Au xie siècle, à la cour du roi du Kaśmir, Ananta, le poète Vyāsadāsa, devenu vichnouite après avoit été shivaïte, établit un résumé versifié du Rāmāyaṇa, la Rāmāyaṇamanjarī, le « Bouquet du Rāmāyaṇa ». À cette même époque, la Rāmāyaṇachampū offre en forme de champū (alternance de prose et de vers) un remaniement du Rāmāyaṇa. Achevé par Lakshmanabhatta, il est attribué au roi Bhoja (1018-1060), de Dhāra en Mālava (dynastie de Paramāra), auteur d'ouvrages d'astronomie, de poétique, d'architecture et créateur d'un collège sanskrit.

Mais, pour être compris de tous et pouvoir se prêter aux réalisations scéniques et aux chants, le Rāmāyaṇa a été traduit ou adapté dans toutes les langues de l'Inde. Dès le iie siècle, il apparaissait en tamoul, en telugu et en kannara. Des innombrables interprétations auxquelles il donna lieu émerge le Rāmāyaṇa bengali de Krttībās Ojha au xive siècle. Faisant à son tour une refonte[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : membre de l'École française d'Extrême-Orient, diplômée de l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Marie-Simone RENOU. RĀMĀYAṆA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Scène du mariage de Sita, art de l'Inde - crédits : Dinodia Picture Agency, Bombay,  Bridgeman Images

Scène du mariage de Sita, art de l'Inde

La geste de Ramakien - crédits :  Yvan Cohen/ LightRocket/ Getty Images

La geste de Ramakien

Autres références

  • RAMAYANA (anonyme) - Fiche de lecture

    • Écrit par Florence BRAUNSTEIN
    • 814 mots
    • 1 média

    Le Rāmāyana ou « Geste de Rāma » retrace la vie et la marche (« ayana »), l'offensive guerrière de Rāma, prince d'Ayodhyā, et de son épouse Sītā, fille du roi Janaka. Rédigée en sanscrit, divisée en sept livres, ou sections de longueur inégale mais d'environ 24 000 quatrains, soit près de 100 000...

  • BHAVABHŪTI (VIIIe s.)

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 408 mots

    L'art dramatique indien d'expression sanskrite est dominé par le nom de Kâlidâsa (peut-être du ive s.), mais la gloire de celui-ci a suscité toute une lignée de poètes désireux de l'égaler, sinon de le surpasser. Le plus important de ces continuateurs est Bhavabhûti (Bhavabhūti),...

  • HANUMANT ou HANUMAN

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 243 mots
    • 1 média

    Divinité hindoue que l'iconographie représente comme un singe à visage vaguement humanisé et à laquelle la dévotion populaire voue, en Inde, un culte particulier. Hanumant est un des personnages majeurs de l'épopée classique. Le Rāmāyana met en effet en scène une incarnation (...

  • ÉPOPÉE

    • Écrit par Emmanuèle BAUMGARTNER, Maria COUROUCLI, Jocelyne FERNANDEZ, Pierre-Sylvain FILLIOZAT, Altan GOKALP, Roberte Nicole HAMAYON, François MACÉ, Nicole REVEL, Christiane SEYDOU
    • 11 781 mots
    • 7 médias
    ...attendre les environs de l'ère chrétienne pour avoir de véritables récits suivis et pouvant recevoir la dénomination d'épopée : le Mahābhārata et le Rāmāyaṇa sanskrits, le Cilappatikāram tamoul, etc. La conscience de la narration épique comme genre littéraire remonte plus haut. Une Upaniṣad ancienne...
  • INDE (Arts et culture) - Les doctrines philosophiques et religieuses

    • Écrit par Jean FILLIOZAT
    • 16 660 mots
    • 3 médias
    Les grandes épopées, Mahābhārata et Rāmāyaṇa, montrent dans une affabulation épique la merveille des incarnations divines. Dans le Mahābhārata, ce sont des incarnations des dieux védiques dont les héros sont des fils et aussi l'incarnation directe en Kṛṣṇa de l'Être suprême, Viṣṇu. Dans...
  • Afficher les 18 références

Voir aussi