Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BHAVABHŪTI (VIIIe s.)

L'art dramatique indien d'expression sanskrite est dominé par le nom de Kâlidâsa (peut-être du ive s.), mais la gloire de celui-ci a suscité toute une lignée de poètes désireux de l'égaler, sinon de le surpasser. Le plus important de ces continuateurs est Bhavabhûti (Bhavabhūti), un brahmane de haute culture qui fit carrière à la cour du roi Yashivarman (Yaśivarman), de Kanauj (Kanyākubja, au bord du Gange), au viiie siècle. Selon la tradition littéraire de son temps, Bhavabhûti cherche la source de son inspiration dans les grandes épopées, et principalement dans la plus populaire d'entre elles, le Râmâyana (Rāmāyana). Ainsi les deux drames jumeaux, Histoire de Râma, le grand héros (Mahāvīracarita) et Seconde Histoire de Râma (Uttararāmacarita), mettent-ils en scène les amours malheureuses de Râma et de Sîtâ. Le premier est plutôt une sorte de récitatif dans lequel la Geste de Râma, le Râmâyana, est contée tout au long par les protagonistes ; le second est une tragédie véritable, au sens grec du terme : on y voit Râma contraint par la pression sociale à répudier celle qu'il aime. Le happy end, que rendent obligatoire les normes du théâtre sanskrit, intervient de façon originale : Bhârata, le fondateur légendaire de la tradition dramatique indienne, organise une représentation théâtrale dans un ermitage que Râma est venu visiter ; il y montre Sîtâ malheureuse parce qu'injustement punie ; les spectateurs touchés pressant Râma de la reprendre, il y consent pour le bonheur de tous. La mise en scène de ce « spectacle dans le spectacle » est caractéristique du génie du Bhavabhûti. On trouve un autre signe de ce génie dans le fait que le poète, rompant délibérément avec les habitudes du théâtre de cour, choisit pour sujet d'un autre drame, Mâlati et Mâdhava (Mālatīmādhava, une intrigue profane. Il s'agit encore une fois de deux amants qui ne parviennent à s'épouser qu'après diverses péripéties : on voit, par exemple, l'héroïne manquer d'être immolée par des sectateurs de la déesse Durgâ. La langue de Bhavabhûti est tenue, à bon droit, pour un modèle de sanskrit élégant ; de même, le sens dramatique avec lequel il anime ses intrigues fait de lui l'un des grands noms du théâtre classique de l'Inde ancienne.

— Jean VARENNE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

Classification

Pour citer cet article

Jean VARENNE. BHAVABHŪTI (VIIIe s.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • RĀMĀYAṆA

    • Écrit par Marie-Simone RENOU
    • 2 435 mots
    • 2 médias
    ...Setubandha, la « Construction du pont », qui conte l'histoire de Rāma depuis l'expédition contre Lankā jusqu'à la mort de Rāvana. Bhavabhūti, le plus célèbre dramaturge sanskrit après Kālidāsa, a consacré deux de ses pièces à Rāma. Il y exprime le conflit entre l'amour et le devoir...

Voir aussi