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PRAGUE (PRINTEMPS DE)

1962 à 1989. De la guerre froide à la détente - crédits : Encyclopædia Universalis France

1962 à 1989. De la guerre froide à la détente

La période de libéralisation et de démocratisation du système socio-politique tchécoslovaque dite Printemps de Prague a été préparée dès le début des années 1960. À partir de 1961, le pays subit en effet une crise sans précédent : le système d'économie extensive, calqué sur celui de l'U.R.S.S., ne convient plus à ce pays industrialisé ; de 1961 à 1965, le taux de croissance stagne puis baisse, de même que les salaires. En janvier 1965, une importante réforme économique réhabilite les notions de rentabilité et de déconcentration, mais ses effets sont limités par l'action des bureaucrates qui refusent de laisser un pouvoir quelconque aux techniciens ; ceux-ci, Ota Šik en tête, rallient alors les oppositions politiques. Ces oppositions sont diverses et soudées entre elles par le refus du stalinisme des années cinquante. Il aura en effet fallu attendre 1962-1963 pour qu'une déstalinisation timide prenne corps en Tchécoslovaquie. La réforme économique et la liberté d'expression deviennent alors indissociables.

Le Printemps de Prague commence en 1967 par une révolte des intellectuels. Les écrivains, réunis en congrès en mai-juin, réclament la liberté d'expression. Le pouvoir monopolisé depuis 1956 par Antonin Novotny, à la fois premier secrétaire du Parti communiste et président de la République, réagit de manière brutale. En octobre, les étudiants sont durement réprimés par la police alors qu'ils manifestaient pour des revendications matérielles ; Novotny traite de « nationaliste bourgeois slovaque » le secrétaire du Parti communiste slovaque, Alexander Dubček, qui réclamait un plus grand contrôle des Slovaques sur leurs richesses. Ce plenum du comité central reprendra en décembre-janvier, les oppositionnels sachant attendre et s'organiser. Novotny, lui, accumule erreur sur erreur (tentative de coup de force déjouée par les officiers libéraux, visite intempestive d'un Brejnev rassuré par Dubček). Le 5 janvier 1968, le présidium élit Dubček en remplacement de Novotny au premier secrétariat ; Dubček s'entoure de centristes prudents, double le présidium d'une « commission préparatoire » émanant de la base et organise des conférences régionales. Novotny attaque ouvertement, devant les ouvriers, les « forces de droite » et les intellectuels, ce qui porte le débat dans les usines où les techniciens et les vieux communistes font alliance avec les travailleurs, d'où les comités d'entreprise pour la liberté de la presse et la victoire des libéraux dans les syndicats. Le 25 février, le général Šejna, ami intime du fils du président Novotny, s'enfuit aux États-Unis avec de l'argent volé et des documents. La mesure est comble : les syndicats et la jeunesse, forces les plus avancées, réclament la démission du président. Elle est obtenue le 22 mars ; une semaine plus tard Novotny est remplacé par Svoboda, vieux héros national, ami de l'U.R.S.S. et victime des purges.

L'équipe Dubček abolit la censure, réhabilite les victimes des procès et prépare la transition de l'étatisation à la socialisation par un système de cogestion avec l'État ainsi que par la fédéralisation du pays (« Programme d'action du Parti communiste tchécoslovaque » adopté en avril), la « révolution froide » du palais gagne la rue en passant par le remplacement des hommes du passé dans tous les corps intermédiaires. Dès mars, les attaques des Soviétiques et de la République démocratique allemande, qui tentent de freiner Dubček et de le couper des éléments les plus avancés, créent dans l'opinion un extraordinaire rassemblement autour des leaders du Printemps doués d'une personnalité souvent très attachante (Dubček, Smrkovsky). Sous la pression de la « gauche » portée par l'opinion, le comité central décide de convoquer un congrès pour le 9 septembre, mais le lendemain de cette décision,[...]

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Écrit par

  • : docteur de troisième cycle, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, diplômé de l'École nationale des langues orientales, chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Vladimir Claude FISERA. PRAGUE (PRINTEMPS DE) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

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1962 à 1989. De la guerre froide à la détente

Autres références

  • BACILEK KAROL (1896-1974)

    • Écrit par Ilios YANNAKAKIS
    • 643 mots

    Le nom de Karol Bacilek est étroitement lié à la période la plus sombre de l'histoire tchécoslovaque de l'après-guerre : les « procès » politiques des années 1950. Surnommé le Beria tchécoslovaque, Bacilek a été un des principaux organisateurs des procès contre Slansky et d'autres éminents dirigeants...

  • DUBČEK ALEXANDRE (1921-1992)

    • Écrit par Universalis, Jacques RUPNIK
    • 1 329 mots
    • 1 média
    Aussi audacieuses que fussent les réformes duPrintemps de Prague, elles devaient corriger et non abolir le « rôle dirigeant » du parti. Alors que la suppression de la censure favorisait l'émergence d'une opinion publique indépendante, les limites du changement commencèrent à apparaître clairement....
  • GUERRE FROIDE (notions de base)

    • Écrit par Universalis
    • 3 554 mots
    ...Gaulle, puis l’Ostpolitik de Willy Brandt en Allemagne. Pendant ce temps, à l’Est, la remise en cause de la tutelle soviétique se poursuit avec le Printemps de Prague en Tchécoslovaquie, en 1968, et, surtout, avec la rupture entre la Chine et l’URSS, qui provoque des affrontements armés sur leur...
  • HUSÁK GUSTÁV (1913-1991)

    • Écrit par Bernard FÉRON
    • 900 mots
    • 2 médias

    Né à Bratislava, Gustáv Husák adhère au mouvement communiste alors qu'il est étudiant. Pendant la guerre, il prend une part active au travail clandestin du parti. Il est l'un des organisateurs du soulèvement de la Slovaquie en 1944. Il est alors nommé membre du præsidium du...

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Voir aussi