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POLICE SOUS LA IIIè RÉPUBLIQUE

La IIIe République (1870-1940), qui naît dans un contexte difficile – guerre, invasion, occupation –, doit construire, sans grande préparation ni réflexion préalables, une police adaptée à une démocratie parlementaire. Les républicains ont-ils réussi à respecter la « loi des lois » que constitue la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon laquelle la force publique, « instituée pour l'avantage de tous », a pour mission essentielle la garantie des « droits naturels et imprescriptibles de l'homme » que le Code des délits et des peines de l'an IV a définis comme le « maintien de l'ordre, de la tranquillité publique, de la liberté, de la propriété, de la sûreté individuelle » ? La police ne saurait être un simple instrument au service du pouvoir politique, mais elle doit constituer un rempart de la démocratie et être garante des libertés. Alors que l'opinion exige à la fois plus de sécurité et plus de liberté, les échecs de la police dans la lutte contre la criminalité, ses « bavures » et ses empiétements sur les droits et libertés sont systématiquement imputés au débit d'un régime républicain mis en cause par les extrêmes politiques soit pour son laxisme, son angélisme, soit pour sa brutalité. À cet enjeu politique majeur, il faut ajouter les préoccupations d'un personnel politique régulièrement interpellé par ses électeurs sur une insécurité et une criminalité perçues comme en constants progrès – un sentiment intolérable à l'aube du xxe siècle. Pour la première fois, les questions de police deviennent des objets du débat public et politique.

Dans le même temps, le monde policier lui-même n'échappe pas aux transformations des mentalités et de la société. Quoique divisé et pluriel, il va tout naturellement partager, avec des fonctionnaires et des ouvriers auxquels il fait souvent face, le souci de ses droits, de ses conditions de travail et de ses émoluments. En revendiquant une reconnaissance de ses compétences professionnelles, il montre son aspiration à une plus grande autonomie vis-à-vis du pouvoir.

C'est pourquoi la période 1870-1940 est fondamentale dans la réflexion sur l'essence même de la police dans une démocratie. Les intérêts – rarement convergents – des pouvoirs publics, de la demande sociale, de la société et de l'institution policières expliquent les continuités, mais aussi des ruptures déterminantes qui affectent une police sur laquelle pèse le lourd héritage napoléonien. Ses réussites sont à chercher dans la mise en place d'une police judiciaire – chargée des crimes et des délits –, spécialisée, moderne et mobile ; dans la lente définition et mise en place de services politiques dédiés à la défense de la démocratie et censés renoncer aux procédés détestables hérités des deux Empires ; dans la difficile élaboration d'un maintien de l'ordre qui défend la liberté contre ses propres excès ; et, corrélativement, dans la nécessaire formation professionnelle des hommes en charge de ces missions bien différentes.

Les révolutions de la police judiciaire

Au tournant des xixe et xxe siècles, la France a peur. Peur du crime et peur des criminels se mêlent inextricablement et se conjuguent pour persuader une opinion angoissée que jamais l'insécurité n'a été aussi grande. Cette psychose d'insécurité est nourrie par la redondance du fait-divers sanglant dans une presse à grand tirage qui met « le sang à la une ». Face aux figures de la peur qu'incarnent vagabonds et bohémiens dans les campagnes, jeunes « apaches » à Paris et bandes de « chauffeurs » attaquant fermes et habitations isolées comme au temps des écorcheurs, les pouvoirs publics paraissent bien mal armés et l'organisation de la police semble totalement inadaptée, au point que[...]

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Jean-Marc BERLIÈRE. POLICE SOUS LA IIIè RÉPUBLIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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