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POLICE SOUS LA IIIè RÉPUBLIQUE

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Un louvoiement entre principe municipal et tentations centralisatrices

À la question qui court depuis l'Ancien Régime de savoir si les pouvoirs de police appartiennent au pouvoir municipal ou au pouvoir central, la IIIe République répond par la loi de 1884 qui confirme à des maires élus – alors que, de 1795 à 1882, ils étaient essentiellement désignés et révoqués par l'exécutif – leurs prérogatives définies par la législation de 1789-1790 : « Il appartient à l'administration municipale de faire jouir ses habitants d'une bonne police. » Cette confirmation, pour être nette, n'en dissimule pas moins quelques ambiguïtés, n'en souffre pas moins quelques exceptions, dont les plus notables sont celles de Paris et de Lyon (dont la police a été étatisée en 1851), et provoque quelques remords : ces polices municipales échappant depuis 1884 au pouvoir central, plusieurs projets d'étatisation vont voir le jour au prétexte de l'inefficacité policière résultant de cette situation. Cette conception municipale explique en effet une organisation singulière dans un pays et sous un régime à la forte réputation centralisatrice qui voit en réalité coexister une constellation de polices aux moyens différents, tandis que l'État, par le biais du ministère de l'Intérieur, ne dirige directement lui-même qu'une Sûreté générale aux effectifs squelettiques, « un état-major sans troupe », une « armée de porte-plume ».

Les policiers, les magistrats, la presse déplorent l'hétérogénéité, les ressorts très limités – sans droit de suite –, l'absence de liens organiques entre des polices municipales aux budgets et aux effectifs souvent étiques, désarmées face à la criminalité moderne. Comme le note amèrement, en 1898, un avocat spécialiste du sujet : « Ce qu'est notre police : un corps sans cohésion, sans hiérarchie, sans chef véritable, qui n'est au fond qu'un agrégat de petits groupes autonomes, agissant en un cercle restreint, sans solidarité, avec presque la haine du voisin. » Ce sont ces raisons « techniques », mais aussi la volonté de reprendre en main un outil abandonné à des maires qui peuvent être des adversaires politiques, qui expliquent – à défaut d'une étatisation générale souhaitée dès 1907 par Célestin Hennion – une politique prudente et progressive d'étatisation au coup par coup : Marseille (1908), Toulon (1918), Nice (1920), les villes d'Alsace-Lorraine (1925), dix-neuf villes de Seine-et-Marne et cent soixante-quatorze de Seine-et-Oise (1935), toujours à la demande des municipalités concernées, voient le transfert des pouvoirs de police des maires aux préfets. Cette politique est largement soutenue par les organisations professionnelles policières, apparues au début du xxe siècle et de plus en plus structurées à partir de la fin des années 1920, qui dénoncent « l'anachronisme » d'une « poussière » de polices locales et espèrent, avec l'étatisation, trouver des avantages techniques – unification et centralisation de centaines de polices différentes, harmonisation des effectifs, moyens plus importants – et bénéficier de progrès réels sur le plan professionnel et corporatif – efficacité accrue, salaires et carrières améliorés.

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Jean-Marc BERLIÈRE. POLICE SOUS LA IIIè RÉPUBLIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 23/07/2013

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Alphonse Bertillon - crédits : Apic/ Getty Images

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