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POLICE SOUS LA IIIè RÉPUBLIQUE

À la recherche d'un maintien républicain de l'ordre

Comment concilier l'ordre de la rue, la sécurité des citoyens, la défense du régime avec les libertés et les principes et idéaux hérités de 1789 ? La mise au point d'un maintien de l'ordre prenant en compte la lente émergence d'un droit de manifestation longtemps assimilé à un « droit à l'émeute » et en rupture avec les pratiques sanglantes et meurtrières du xixe siècle a préoccupé les pouvoirs publics à partir des années 1890, car ni le régime, ni les élus ne sortaient grandis de drames comme ceux de Fourmies (mai 1891), Narbonne (juin 1907), Draveil-Vigneux et Villeneuve-Saint-Georges (juillet 1908), provoqués par les face-à-face éprouvants entre conscrits ou gendarmes et grévistes ou manifestants.

Le prélude d'un maintien de l'ordre apaisé et qui ne tue plus est à rechercher à Paris sous les deux préfectorats de Louis Lépine (1893-1897 et 1899-1913). Par l'emploi en grand nombre de gardiens de la paix, renforcés par la garde républicaine, usant de tactiques et de moyens originaux (comme l'emploi de lances à incendie), il démontre un souci nouveau de préserver la vie humaine, tout en « tenant la rue » contre les « trublions » et, finalement, de protéger la République et la liberté contre « ses propres excès ».

La deuxième étape de ce processus de « civilisation » et d'apaisement relatifs du maintien de l'ordre intervient au lendemain de la Première Guerre mondiale et correspond à la création d'une force spécialisée : la garde républicaine mobile, qui s'organise de 1921 à 1927. C'est à cette « gendarmerie mobile » qu'il revient d'imaginer, théoriser et mettre en œuvre un répertoire adapté, qui deviendra la marque distinctive d'un maintien de l'ordre français fondé sur une psychologie élémentaire des foules. Face à des citoyens en colère ou « temporairement suggestionnés », tout l'art vise à éviter, autant que possible, contacts et corps-à-corps qui ne peuvent que dégénérer. Il s'agit de contenir, canaliser, tronçonner, isoler, disperser foules et cortèges par des tactiques appropriées et en s'appuyant sur des principes simples tels que la gradation des ripostes, une gestuelle qui agresse davantage les sens que les corps. Ce maintien de l'ordre moderne exige une capacité de temporisation et de retenue des forces de l'ordre qu'un entraînement adéquat vise à développer. Ces pratiques ne constituent pas une garantie absolue, comme le démontrent nombre d'événements tragiques (6 et 9 février 1934 à Paris, échauffourée de Clichy en mars 1937), mais elles expliquent une « modération tendancielle », qui se lit dans l'inversion des statistiques du nombre de manifestants tués entre Paris et la province après 1918 et correspond à la lente intégration d'un droit de manifestation aux libertés républicaines.

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Jean-Marc BERLIÈRE. POLICE SOUS LA IIIè RÉPUBLIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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