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SPENGLER OSWALD (1880-1936)

Oswald Spengler - crédits : ullstein bild/ Getty Images

Oswald Spengler

La Première Guerre mondiale n'était pas encore terminée qu'un auteur allemand inconnu, Oswald Spengler, diagnostiquait, dans un livre retentissant, le « déclin de l'Occident », et prophétisait les ultimes étapes de cette décadence. L'ouvrage, massif et désordonné, à l'obscurité trouée d'éclats fulgurants, rassemblait dans une synthèse violente quelques-uns des principaux thèmes de la pensée allemande au xixe siècle. À l'optimisme scientiste et démocratique il opposait un pessimisme aristocratique : à l'idée d'une histoire unique orientée dans le sens du salut ou du progrès, celle de « cultures » radicalement différentes, organismes vivants voués à la mort ; à la recherche rationnelle des « causes », la méditation sur le « destin ». La vieille Europe, l'Allemagne surtout trouva l'écho immédiat de ses inquiétudes dans ce livre symptomatique, mais la postérité devait faire payer cher son succès à Spengler, au prophète comme à l'historien. Sans doute n'aurait-il pas reconnu dans l'hitlérisme ce sursaut des forces instinctives qu'il appelait de ses vœux, mais trop d'images sinistres s'interposent désormais devant nos yeux pour que nous ne ressentions pas un malaise en lisant certaines de ses pages. Quant aux historiens de métier, ils ont à juste titre reproché à Spengler son « amateurisme », son information superficielle et lacunaire, ses analogies hasardeuses, ses systématisations rigides et parfois absurdes, son biologisme, philosophiquement aussi contestable que le mécanisme qu'il dénonçait. Avec tous ses défauts, Le Déclin de l'Occidentreste pourtant un ouvrage fascinant par la beauté de bien des passages et par la puissance visionnaire du « regard historique » qui s'y exerce. Source permanente d'irritation, mais aussi d'excitation, c'est un livre qui donne encore à penser.

L'homme d'un seul livre

Oswald Spengler est né le 29 mai 1880 à Blankenburg, en Allemagne. Il poursuit des études de sciences naturelles, de mathématiques et de philosophie et obtient son doctorat à Halle, en 1904, avec une thèse sur Héraclite. Jusqu'en 1910, il professe dans l'enseignement secondaire, puis, grâce à un petit héritage, il s'installe à Munich pour se consacrer entièrement à son œuvre. La seconde crise marocaine, en 1911, qui lui fait pressentir un conflit européen imminent, donne une impulsion décisive à sa pensée. L'ouvrage purement politique qu'il projette d'abord s'élargit aux dimensions d'une méditation philosophique sur le destin des différentes cultures. Ce sera Le Déclin de l'Occident (Der Untergang des Abendlandes), dont le plan général est terminé en 1914, et dont le premier volume paraît en juillet 1918, quelques mois avant l'effondrement de l'Empire Allemand. Le livre connaît aussitôt un immense succès. Le second volume est publié en 1922, et la version remaniée et définitive du premier en 1923. Désormais, Spengler va se consacrer à une activité de publiciste politique et afficher avec violence son hostilité envers la démocratie, le parlementarisme et le socialisme d'inspiration marxiste dans Prussianisme et socialisme (Preussentum und Sozialismus, 1919), Pessimisme ? (Pessimismus ?, 1921) et La Reconstruction du Reich allemand (Neubau des deutschen Reiches, 1924). Ces ouvrages rencontrent peu d'audience, et Spengler, qui a toujours vécu à l'écart des milieux universitaires et littéraires, voit son influence philosophique et politique diminuer rapidement. L'Homme et la technique (Der Mensch und die Technik, 1931) tente vainement de retrouver les accents du Déclin, et Années décisives (Jahre der Entscheidung, 1933), dont la parution coïncide avec l'arrivée de Hitler au pouvoir, vaut à son auteur d'être accusé par les[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Alain PONS. SPENGLER OSWALD (1880-1936) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Oswald Spengler - crédits : ullstein bild/ Getty Images

Oswald Spengler

Autres références

  • LE DÉCLIN DE L'OCCIDENT, Oswald Spengler - Fiche de lecture

    • Écrit par Éric LETONTURIER
    • 1 242 mots
    • 1 média

    Écrivain politique récemment établi à Munich, Spengler (1880-1936) rédige en 1918 le tome I (remanié en 1923) de cette somme historico-philosophique dont la sortie, coïncidant avec l'époque sombre et tourmentée de la défaite allemande, lui valut, pour s'être fait le dépositaire de la ...

  • DÉCADENCE

    • Écrit par Bernard VALADE
    • 9 945 mots
    ...cependant présente dans les Considérations d'un apolitique (1918), l'Avenir de l'Europe (1918) et les écrits de Rathenau. Elle est exclue par O. Spengler. L'homme civilisé, l'homme des cités pétrifiées, a définitivement dirigé son énergie au-dehors ; il ne lui reste plus que des possibilités...
  • DÉCOLONISATION

    • Écrit par Charles-Robert AGERON
    • 7 311 mots
    • 31 médias

    Le terme « décolonisation », contrairement à une opinion répandue, n'est pas un néologisme créé au début des années 1950. En réalité, le mot est attesté dès 1836, notamment dans le manifeste de Henry Fonfrède : Décolonisation d'Alger, qui recommandait l'évacuation de l'...

  • ESPACE, architecture et esthétique

    • Écrit par Françoise CHOAY, Universalis, Jean GUIRAUD
    • 12 347 mots
    • 4 médias
    Spengler, à son tour, a privilégié l'espace de l'architecture, qu'il prend soin de distinguer des espaces abstraits – irréels – des mathématiques, comme forme d'accès directe à l'univers des grandes cultures : « L'espèce de l'étendue », telle qu'elle est éprouvée par l'expérience créatrice de la profondeur,...
  • FAUST

    • Écrit par André DABEZIES
    • 3 901 mots
    • 7 médias
    À la fin de 1918 paraît à Munich un ouvrage imposant de philosophie de l'histoire, Le Déclin de l'Occidentd'Oswald Spengler. L'« homme faustien » y est présenté comme le type constant de l'homme occidental depuis le Moyen Âge. Sa force et sa grandeur lui viennent de sa passion de...

Voir aussi