OPTIQUE Optique cohérente
Tous les expérimentateurs, de l'étudiant au prix Nobel, savent combien il est difficile de produire des franges d'interférence. L'homme de la rue, lui, sait bien que ce n'est pas un phénomène d'observation courante. De la réflexion sur cet aspect particulier de l'optique, surtout depuis la fin du xixe siècle, s'est peu à peu dégagée la notion de cohérence, notion si féconde qu'elle aboutit en 1960 à la réalisation d'une source de lumière sans équivalent connu dans la nature, le laser.
Émission de la lumière
Nous pouvons donner la définition suivante de la cohérence : « Deux ondes lumineuses sont dites mutuellement cohérentes si elles donnent naissance à une figure d' interférences assez stable pour être détectée. »
Par extension, nous parlons d'un faisceau de lumière cohérente, s'il est séparable en deux ondes mutuellement cohérentes. À l'opposé, deux ondes qui ne peuvent pas donner naissance à des interférences stables sont dites incohérentes entre elles. Il est bon de noter tout de suite le flou de la définition, flou qui se borne en fait à constater un phénomène bien banal : la variation de qualité d'une figure d'interférences à la suivante ou, si l'on préfère, l'existence de « bonnes » ou de « médiocres » franges d'interférence. La cohérence se manifeste à des degrés divers, passant continûment de l'incohérence totale à la cohérence parfaite.
Pour préciser la notion de cohérence, et voir dans quelles conditions une source de lumière émet des ondes cohérentes, nous devons revenir sur le processus d'émission par les milieux matériels. Dans les sources usuelles, dites sources thermiques, le mode dominant est l'émission spontanée. Les électrons périphériques des atomes sont portés à des niveaux d'énergie élevés, par absorption d'énergie thermique ou électrique. Revenant à un niveau inférieur, ils restituent l'énergie sous forme d'un train d'ondes de courte durée, de l'ordre de la nanoseconde (10-9 s). Le point important pour ce qui nous occupe est l'indépendance des trains d'ondes successifs : d'un atome à l'autre, et même d'un train à l'autre, pour un atome déterminé, l'émission est entièrement aléatoire.
Dans les lasers, par contre, le mode dominant est l' émission induite, ou stimulée. Un atome excité absorbe un train d'ondes et en réémet deux, de même fréquence, de même phase et de même direction. Ce mode d'émission peut être aussi considéré comme une amplification de la lumière, et nous verrons un peu plus loin que ces caractéristiques sont précisément celles qui assurent à la lumière sa cohérence.
Envisageons à présent deux atomes d'une même source de lumière, ou de deux sources voisines, émettant chacun son train d'ondes. Si ces deux trains d'ondes se rencontrent, ils interfèrent, durant un temps au plus égal à une nanoseconde. Les deux trains d'ondes suivants n'ont aucune relation de phase avec les précédents, et leur interférence n'a aucune raison de donner le même résultat que la précédente, non plus que la suivante. Pendant le temps nécessaire à une observation, de quelques millisecondes à quelques secondes, plusieurs millions, voire plusieurs milliards de couples de trains d'ondes se succèdent ainsi. L'état d'interférences au point d'observation varie avec la même rapidité, si bien que nous ne pouvons observer qu'un éclairement moyen, uniforme. Le remède, adopté dans tous les interféromètres, sans exception, consiste à diviser chacun des trains d'ondes émis par un atome, puis à faire interférer ces deux demi-trains d'ondes. Quel que soit l'instant d'émission, les deux demi-trains d'ondes sont en phase à ce moment et le seul déphasage qu'ils puissent acquérir est celui introduit par l'expérimentateur entre le moment où ils se séparent et le moment où ils se réunissent à nouveau pour interférer. Il est aisé de voir que ce retard ne dépend plus de la régularité d'émission des trains d'ondes, et que l'état d'interférences est maintenant stable. Notons que les deux demi-trains d'ondes ont la même durée que le train d'ondes générateur ; si l'expérimentateur leur impose un retard supérieur à cette durée, ils ne peuvent plus se rencontrer, et les interférences se produire.
Un atome unique, émettant des trains d'ondes de durée infinie, permettrait donc d'obtenir, sans aucune restriction, des interférences parfaites. Nous touchons ici « du doigt », encore que de façon plutôt simpliste, la dualité de la cohérence : dans la réalité, une source de lumière n'est pas restreinte à un seul atome, et de toute façon celui-ci n'émet pas des trains d'ondes de durée infinie. Nous disons que la première restriction limite la cohérence spatiale, et la seconde la cohérence temporelle. Précisons ce double visage et d'abord la cohérence temporelle.
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Écrit par
- Michel HENRY : agrégé de sciences physiques, docteur ès sciences, maître de conférences à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
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- FRÉQUENCE, physique
- FORMES RECONNAISSANCE DES
- AMPLIFICATION DE LUMIÈRE
- LENTILLES, optique
- COHÉRENCE, optique
- DIFFRACTION DE LA LUMIÈRE
- CONTRASTE DE PHASE
- ÉMISSION, physique
- STRIOSCOPIE
- FRANGES D'INTERFÉRENCE
- MICHELSON INTERFÉROMÈTRE DE
- ÉMISSION SPONTANÉE
- ÉMISSION STIMULÉE ou ÉMISSION INDUITE
- SOURCES, optique
- INTERFÉROMÉTRIE OPTIQUE, astronomie
- FAISCEAUX, optique
- TRAIN D'ONDES
- LONGUEUR DE COHÉRENCE
- IMAGES TRAITEMENT D'
- VAN DER LUGT HOLOGRAMME DE
- HANBURY, BROWN & TWISS INTERFÉROMÈTRE DE
- SPECTRE, optique
- MESURES OPTIQUES
- COHÉRENCE SPATIALE
- COHÉRENCE TEMPORELLE