Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MICROÉCONOMIE Économie du bien-être

Justice et éthique

Etant donné qu'il existe une infinité d'optimums de Pareto qui ne peuvent – par définition – être comparés entre eux, une branche de l'économie du bien-être s'est penchée sur les critères d'ordre supérieur qui peuvent être utilisés pour les départager.

Le critère égalitariste

La doctrine éthique appelée utilitarisme – dont se réclament notamment Adam Smith, Jeremy Bentham, John Stuart Mill − retient le critère du bien-être collectif, et procède à des comparaisons interpersonnelles de bien-être (ou d'utilité). Une façon de faire, qui remonte au moins à Bentham, considère tous les hommes identiques du point de vue de l'utilité, le bien-être collectif étant conçu comme la somme des bien-être individuels. Cette somme est maximale lorsque la répartition des ressources est strictement égalitaire, du moins si on suppose que le bien-être individuel augmente de plus en plus lentement avec la quantité consommée, ce qui semble raisonnable. En effet, dans ce cas, tant que la répartition des ressources est inégalitaire le bonheur collectif peut être augmenté en prélevant un peu de ses ressources au plus riche pour les donner au plus pauvre. Et ce, ainsi de suite, jusqu'à ce que tout le monde soit sur le même plan. À cet argument en faveur de l'égalitarisme, on peut cependant en opposer un autre : la redistribution des revenus a un effet négatif sur les incitations − ceux sur lesquels les prélèvements sont faits mettront moins d'ardeur au travail, ce qui finalement peut avoir un effet négatif sur le bien-être collectif (la « taille du gâteau » à partager étant moindre que s'il n'y avait pas eu redistribution). À ce propos, on dit parfois qu'il y a dilemme entre équité et efficacité.

Les droits naturels

Certains penseurs contestent le fait que le critère du bien-être (ou du bonheur) de la collectivité soit le bon critère pour décider des mesures à mettre en œuvre. Ils pensent qu'il existe un critère supérieur, celui de certains droits, considérés comme naturels ou inaliénables − droit à la vie, droit de propriété, par exemple − dont le respect passe avant le bien-être collectif, dans le cas où il y a conflit entre ces critères. Telle est la position d'auteurs comme Anne Robert Jacques Turgot, Marie Jean Antoine Nicolas Caritat (marquis de Condorcet), Léon Walras ou, plus récemment, John Rawls. Walras s'opposait ainsi à la taxation de l'héritage, en tant qu'atteinte au droit de propriété (les biens légués étant le résultat du travail du légataire), tout en étant pour la nationalisation des terres (celles-ci étant un « don de la nature », sur lequel personne n'a de droit a priori − les droits peuvent, en revanche, porter sur leur produit, fruit du travail de l'agriculteur).

John Rawls se réclame, lui aussi, de la doctrine des droits naturels. Dans sa Théorie de la Justice (1971) il considère en effet que « chaque membre de la société est supposé posséder une inviolabilité fondée sur la justice ou, comme le disent certains, sur le droit naturel, qui a priorité sur tout, même sur le bien-être de tous les autres. La justice nie que la perte de liberté de certains puisse être justifiée par un plus grand bien qui serait partagé par les autres ». C'est dans cette perspective que Rawls propose deux principes de justice, en établissant une hiérarchie entre eux. D'abord, il y a le droit de chaque personne à un égal accès au système de la liberté la plus étendue (c'est ce que l'on appelle la priorité accordée à la liberté). Puis, dans le cas où deux situations sont équivalentes selon ce premier principe, il y a le principe de différence : on choisit la situation dans laquelle l'individu (ou la catégorie d'individus) le plus mal loti est le moins défavorisé (on maximise la situation du plus[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : maître de conférences en sciences économiques au laboratoire CRIISEA, universIté de Picardie Jules Verne

Classification

Pour citer cet article

Emmanuelle BÉNICOURT. MICROÉCONOMIE - Économie du bien-être [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Autres références

  • ACHAT POUVOIR D'

    • Écrit par
    • 5 643 mots
    • 2 médias
    Dans les manuels de microéconomie, la théorie du consommateur fournit une définition de la notion d'indice du coût de la vie. Elle considère un consommateur à deux dates consécutives. Celui-ci choisit son panier de biens selon ses préférences, en fonction des prix et du revenu dont il dispose. À la...
  • CHÔMAGE - Politiques de l'emploi

    • Écrit par
    • 7 302 mots
    • 2 médias
    Pour les économistes, l'évaluation peut se faire à deux niveaux : au niveau des bénéficiaires des mesures (études microéconomiques), et au niveau de l'ensemble de l'économie (études macroéconomiques). Pour chacun des niveaux, les hypothèses testées sont mises en relation avec des modèles théoriques couramment...
  • COASE RONALD HARRY (1910-2013)

    • Écrit par
    • 1 310 mots
    ...Nobel 1991 a particulièrement distingué sa théorie des coûts de transaction introduite dès 1937 dans son article sur la nature de la firme, considérant même que cette notion, alors très originale dans lathéorie micro-économique, avait été une sorte de nouvelle « particule élémentaire ».
  • DROIT - Économie du droit

    • Écrit par
    • 3 751 mots
    • 2 médias

    L' analyse économique du droit constitue un mouvement de l'économie vers le droit puisqu'elle se propose d'utiliser les outils de l'analyse économique afin d'étudier des questions relevant de la sphère juridique. Plus précisément, elle peut se définir comme l'application des hypothèses théoriques...

  • Afficher les 16 références