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MÉDECINE Droits des malades

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En France, plus de deux années ont été nécessaires pour que le projet de loi sur le droit des malades prenne forme et soit adopté par l'Assemblée nationale en octobre 2001, avant de devenir la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. À l'origine de cette gestation laborieuse, on retrouve l'éternelle question de l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, sur laquelle, depuis trente ans, plusieurs ministères avaient déjà achoppé. Sur le principe, nul ne conteste l'intérêt de constituer un fonds de garantie pour pouvoir indemniser les personnes victimes d'un accident médical non imputable à une faute. Mais toute la difficulté réside dans le financement de ce fonds. Que ce soit par ses aspects les plus spectaculaires, comme l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, ou par des mesures plus discrètes, mais non moins attendues, comme l'organisation de la formation médicale continue (F.M.C.), ce nouveau droit des malades va, à l'évidence, dans le sens de meilleures garanties pour le patient.

Les mesures de démocratie sanitaire, telles que l'accès direct au dossier, déjà en vigueur dans des pays proches, comme l'Allemagne ou les Pays-Bas, marquent un assouplissement du pouvoir médical, sinon dans les faits, au moins dans l'esprit. Elles confortent aussi un véritable droit d'ingérence des usagers dans l'organisation des soins, déjà amorcé depuis plusieurs années avec le rôle croissant joué par les associations de malades.

La réparation des risques sanitaires

Grâce à des procédures « rapides et gratuites » de règlement amiable, les articles de la loi de 2002 concernant la réparation des risques sanitaires facilitent considérablement les recours pour les victimes, que la responsabilité du corps médical soit ou non engagée. Pierre angulaire de ce dispositif, des commissions de conciliation et d'indemnisation ont été créées dans chaque département. Elles sont présidées par un magistrat et composées de représentants des usagers, de professionnels de santé et d'assureurs. Toute personne peut saisir ces commissions, pour des litiges concernant les droits du malade ou pour une demande d'indemnisation après accident médical. Cela suppose pour le patient d'être informé des circonstances et des causes de l'accident dont il s'estime victime. Le professionnel ou l'établissement de santé concerné doit fournir cette information dans les quinze jours suivant la découverte du dommage ou la demande expresse du patient.

Une fois saisie, la commission doit rendre son verdict dans un délai de six mois au maximum, en demandant, si elle le juge nécessaire, une expertise, pour asseoir sa décision. Son avis doit porter aussi bien sur les causes et la nature de l'accident que sur l'étendue des dommages et le régime d'indemnisation applicable, c'est-à-dire celui de l'assurance privée, lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement est engagée, ou celui du fonds de solidarité, en cas d'aléa thérapeutique.

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Ce nouveau dispositif imposait, bien sûr, de définir précisément la responsabilité médicale, notion qui a eu tendance à varier au gré de la jurisprudence. Ainsi, la responsabilité sans faute a souvent été retenue par les tribunaux, afin que les victimes puissent être indemnisées. Le nouveau texte de loi balaie ces ambiguïtés, en disposant clairement que les professionnels et les établissements de santé ne sont responsables qu'en cas de faute. En même temps, il fait obligation aux professionnels et établissements de santé de souscrire une assurance responsabilité civile qui les couvre pour tout dommage pouvant résulter de leur activité de soin.

Lorsque la commission conclut à la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement, l'assureur de la personne ou de l'établissement impliqué est tenu de présenter une offre d'indemnisation dans un délai de quatre mois. Si la victime l'accepte, l'assureur dispose d'un délai d'un mois pour verser cette indemnité. En cas de refus de l'assureur, c'est l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des effets iatrogènes (O.N.I.A.M.), créé par la loi, qui fixe et verse l'indemnité, avant de se retourner éventuellement contre l'assureur. La victime peut, enfin, saisir le juge compétent, si l'indemnité proposée par l'assureur lui paraît insuffisante.

Dans le cas où la commission conclut à un aléa thérapeutique, il revient à l'O.N.I.A.M. de proposer une indemnisation, et de la verser, dans les mêmes délais que ceux qui sont imposés à l'assureur.

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L'ensemble des dispositions relatives à l'aléa thérapeutique s'applique aux accidents survenus au plus tôt six mois avant la publication de la loi. L'indemnisation rétroactive des personnes infectées par le virus de l'hépatite C et victimes de complications (soit 50 000 patients, selon le ministère) n'a pas été retenue, en raison du coût, jugé inacceptable (de 25 à 30 milliards de francs), qu'aurait entraîné cette mesure. D'autre part, les procédures judiciaires ont été facilitées pour les victimes d'infections nosocomiales (contractées à l'hôpital), puisque c'est dorénavant aux établissements de prouver que le geste médical n'a pu être à l'origine de l'infection.

Le contraste est grand avec l'isolement que connaissaient auparavant les victimes, contraintes de s'engager dans des procédures juridiques longues, coûteuses et, finalement, très aléatoires pour faire reconnaître leurs droits.

Pour les victimes d'accidents médicaux sans faute avérée, les chances d'indemnisation étaient extrêmement réduites, comme en témoigne un arrêt de la Cour de cassation en date du 8 novembre 2000, confirmant clairement que « la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l'égard de son patient ». Dans le cas des hôpitaux publics, une jurisprudence avait toutefois été ouverte par le Conseil d'État en 1993 (arrêt Bianchi), condamnant l'Assistance publique de Marseille à indemniser un patient devenu tétraplégique à la suite d'une artériographie. Mais cette jurisprudence ne pouvait s'appliquer qu'à des accidents très sévères, et une centaine de contentieux de ce type seulement ont été recensés par la direction des hôpitaux depuis 1993.

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La notion de responsabilité sans faute était également retenue par les tribunaux dans le cas des infections dites nosocomiales. Par ailleurs, des lois ponctuelles avaient ouvert le droit à indemnisation par la solidarité nationale pour certaines victimes, notamment les hémophiles et transfusés contaminés par le virus du sida, en 1991, et les enfants atteints de maladie de Creutzfeldt-Jakob après traitement par l'hormone de croissance, en 1994. Mais il s'agissait là d'exceptions faites pour des accidents collectifs et d'une gravité extrême.

Avec la nouvelle loi, les personnes souffrant de séquelles après un accident iatrogène ou une faute médicale doivent pouvoir obtenir réparation, à titre individuel, en moins d'un an, sans frais de procédure. Mais cette rapidité a son revers. Pour éviter l'engorgement du système, l'accès à ces « règlements amiables » est réservé aux personnes victimes de dommages graves, définis par une incapacité permanente ou temporaire d'un taux élevé. Pour les personnes victimes de dommages moins importants, soit l'immense majorité des cas, force est de passer par la procédure judiciaire et d'établir une responsabilité médicale pour obtenir réparation.

Au début de 2007, 11 000 demandes avaient été déposées auprès des C.R.C.I., les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, créées en mai 2002, et 8 000 avis ou décisions d'irrecevabilité ou de rejet avaient été prononcés. Un peu plus de 45 p. 100 des dossiers ont donné lieu à une indemnisation, pour un montant moyen de 60 000 euros. Fautes et aléas étaient représentés à parts égales dans ces dossiers. Un tiers concernaient des infections nosocomiales. Les accidents chirurgicaux étaient la deuxième cause d'indemnisation.

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Bien que la victime garde à tout moment la possibilité d'engager une procédure judiciaire, notamment si elle juge l'indemnisation insuffisante, l'existence de ce dispositif simple et gratuit de conciliation a eu pour effet de diminuer le nombre des contentieux.

Les données du Conseil d'État indiquent que de 500 à 700 contentieux auraient été évités, en 2005, grâce à cette procédure de règlement amiable. L'O.N.I.A.M. aurait indemnisé en 2006 autant de personnes que l'ensemble des assureurs réunis (colloque « Les droits des malades et des usagers du système de santé, une législature plus tard », 1er mars 2007). La responsabilité médicale échapperait ainsi partiellement au monde judiciaire, regrettent certains experts, qui voient dans le circuit pénal à la fois une vraie réparation pour les victimes et un processus salutaire pour démêler les fautes et les responsabilités. Pour autant, la meilleure solution pour diminuer les risques iatrogènes ne passe pas forcément par une multiplication des procédures, qui ne peuvent prétendre être exhaustives, mais plutôt par une réelle transparence, avec, par exemple, un système de déclaration des accidents médicaux qui permettrait de repérer une recrudescence des erreurs, d'en déterminer les causes et d'y remédier. Les exemples récents d'accidents d'irradiation, à Épinal et à Toulouse, démontrent l'importance d'un tel système.

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