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STIRNER MAX (1806-1856)

Critique de la société

Pour Stirner, le libéralisme politique conduit fatalement au « libéralisme social » ; l'égalité politique, pour être efficace et véritable, doit, en effet, être complétée par l'égalité sociale. De même donc que l'État est le seul détenteur du pouvoir, la société est appelée à s'emparer de tous les biens dont disposaient les particuliers. La propriété privée une fois abolie, nous serons véritablement égaux, nous serons tous des gueux. Ainsi, au nom de l'humanité, nous serons volés deux fois : l'État aura dépouillé l' individu de son pouvoir, la société lui aura pris sa propriété.

Lorsque la propriété sera devenue l'apanage exclusif de la société, il faudra procéder à une juste répartition des biens. Alors que la société bourgeoise s'en remettait à l'héritage et à la chance, le communisme adopte pour seul moyen d'appropriation le travail. Mais, comme il déclare d'autre part que l'essence de l'homme réside en la libre activité, il lui faut compléter la tâche matérielle du travail qu'il impose à tous, par une idéologie qui l'ennoblit en quelque sorte. Ainsi, le travail devient article de foi. « Lorsque le communiste voit en toi l'homme et le frère, cela est conforme à l'avis que le communisme professe le dimanche. Selon l'avis qu'il professe tous les jours, il ne te considère aucunement comme homme tout court, mais comme un travailleur humain ou un homme travailleur. Le principe libéral anime le premier avis, dans le second se cache son caractère antilibéral. Si tu étais un « fainéant », il ne méconnaîtrait certes pas en toi l'homme, mais il s'efforcerait de le purifier en tant qu'« homme paresseux » de la paresse et de te convertir à la foi selon laquelle le travail est la « destination et la vocation » de l'homme. »

L'élévation du travail au rang d'un devoir social transforme la société en un absolu auquel nous devons obéissance et soumission totale. Nous sommes redevables à une société qui nous dispense tout ce dont nous avons besoin. Il suffit pourtant de partir du Moi pour se rendre compte que la société n'est qu'une chimère qui cède aussitôt devant l'évidence des intérêts personnels à la poursuite desquels nous acceptons l'aide de la société, et que nous nous sacrifions non à la société, mais, s'il faut parler de sacrifice, à nous seuls. « La société dont nous tenons tout est une nouvelle maîtresse, un nouveau fantôme, un nouvel « Être suprême » qui nous prend à son service. »

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Henri ARVON. STIRNER MAX (1806-1856) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANARCHISME

    • Écrit par Henri ARVON, Universalis, Jean MAITRON, Robert PARIS
    • 13 391 mots
    • 7 médias
    Parmi les nombreuses utopies sociales qui s'inspirent de la ferme volonté de préserver la souveraineté absolue de l'individu, relevons d'abord l'associationnisme de Stirner. L'auteur de L'Unique et sa propriété établit une différence fondamentale entre la société telle qu'elle...
  • BAUER BRUNO (1809-1882)

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 649 mots

    Philosophe hégélien, historien, exégète critique des textes bibliques et des Évangiles, Bruno Bauer est né à Eisenberg en 1809. Il mourra à Rixdorf (Berlin) en 1882. Traditionnellement rangé dans la droite hégélienne, par référence à Marx qui l'accable de railleries dans La...

  • ÉTAT (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 054 mots
    Il revient à certains penseurs du mouvement anarchiste du xixe siècle d’avoir privilégié cette approche. Max Stirner (1806-1856), précurseur du courant anarchiste individualiste, autodidacte d’une grande originalité, s’insurge contre les constructions hégéliennes, au nom des droits de l’individu...
  • HEGEL GEORG WILHELM FRIEDRICH (1770-1831)

    • Écrit par Jacques d' HONDT, Yves SUAUDEAU
    • 11 852 mots
    • 1 média
    ...des choses singulières. Ludwig Feuerbach (1804-1872), Bruno Bauer (1809-1882), Max Stirner (1806-1856), Arnold Ruge (1802-1880) et Karl Marx (1818-188 3) ont en commun de faire montre d'un activisme critique incessant, de donner des problèmes de leur époque des formulations où ils renchérissent les uns...

Voir aussi