Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

LEJEUNE MAX (1909-1995)

L'histoire de Max Lejeune se confond avec celle de trois Républiques. Né sous la IIIe, le 19 février 1909 à Flesselles, dans la Somme, de parents instituteurs, il s'engage très jeune dans les combats de la gauche sous la bannière d'un socialiste révolutionnaire, Marceau Pivert, tout en faisant sa scolarité au lycée d'Amiens, puis ses études en faculté à Paris. Licencié ès lettres et diplômé d'études supérieures de géographie, il se consacrera à la politique plus qu'à l'enseignement.

Élu député de la Somme en 1936, il est au sein du groupe socialiste un des éléments purs et durs. Le début de la guerre le voit tout de suite dans l'armée. Il est fait prisonnier en juin 1940. C'est lors d'une visite du responsable à Vichy des prisonniers de guerre, un ancien combattant aveugle des suites des blessures reçues lors de la Première Guerre mondiale, Georges Scapini, que se produit un épisode que ses camarades n'ont jamais oublié : le ministre arrive dans le camp, tous les prisonniers l'attendent ; de leurs rangs se dégage un homme, seul, Max Lejeune, qui harangue la délégation pétainiste. Il fondera un réseau de résistance dans les camps d'internement.

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

La guerre finie, il est membre de l'Assemblée consultative provisoire, puis des deux Assemblées constituantes. Il fait, sous la IVe République, une carrière politique brillante : il est député à l'Assemblée nationale pendant toute sa durée, de 1946 à 1958. Il est également président du conseil général de la Somme dès 1945, et maire de sa commune, Abbeville, à partir de 1947. L'« homme fort » de la Somme occupe des responsabilités ministérielles dès décembre 1946, année où il est ministre des Anciens Combattants et Victimes de guerre dans le gouvernement de Léon Blum, qui ne durera que deux mois. De 1948 à 1951, il est secrétaire d'État aux Forces armées sous plusieurs gouvernements. En 1954 et 1955, il préside la commission de la défense nationale de l'Assemblée nationale. Max Lejeune retrouve des fonctions gouvernementales dans le cabinet Guy Mollet, le secrétaire général de la S.F.I.O., qui durera de février 1956 à juin 1957. Il y est secrétaire d'État aux Forces armées (terre). Dans les deux gouvernements suivants, ceux de Maurice Bourgès-Maunoury et de Félix Gaillard, il est ministre du Sahara. En mai 1958, il est promu ministre d'État dans l'éphémère cabinet de Pierre Pflimlin.

Le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 et l'avènement de la Ve République ne déstabilisent pas Max Lejeune, qui bénéficie de sa forte implantation dans la Somme. Il est ministre du Sahara dans le cabinet du général de Gaulle, de juin 1958 à janvier 1959, où il est avec Guy Mollet l'un des représentants de la S.F.I.O. Il prend des positions en faveur de l'Algérie française qui le mettent en opposition avec son parti. L'homme reste apprécié de tous ceux qui l'ont connu tout au long de sa carrière. Les nouveaux adhérents du Parti socialiste, qui prend la relève de la S.F.I.O. sous l'impulsion de François Mitterrand, en 1971, ne comprennent pas ce « dignitaire » qu'ils ne connaissent qu'à travers son attitude tranchée pour le maintien de l'Algérie dans la République.

Le divorce de Max Lejeune et du P.S. prend forme lorsqu'il refuse, en 1971, d'adhérer au Programme commun de gouvernement socialiste-communiste. Le P.S. refuse de l'investir pour les élections législatives de 1973 et l'exclut du parti. Il se fait néanmoins réélire à l'Assemblée nationale. Il y devient président du groupe parlementaire réformateur, qui rassemble des sociaux-démocrates opposés à l'alliance avec le Parti communiste, des radicaux, des centristes et des personnalités indépendantes comme Jacques Soustelle, Hubert Ginoux et le général Stehlin. Il fonde le Mouvement démocrate socialiste de France (M.D.S.F.) qui prendra plus tard, en 1982, le nom de Parti social-démocrate (P.S.D.) et sera une des composantes de l'U.D.F.

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

Les sociaux-démocrates demeureront divisés, en dépit de ses efforts pour les unir. À l'Élysée, le président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, ne les associe pas au gouvernement. Dans l'opposition, François Mitterrand tient la dragée haute au Parti communiste. En 1981 Max Lejeune soutient le président sortant, l'autre aile sociale-démocrate se prononce pour le candidat de la gauche. Homme d'une grande loyauté, Max Lejeune reste fidèle à Valéry Giscard d'Estaing et prend place dans l'opposition à François Mitterrand. En septembre 1977, il avait été élu au Sénat, où il jouissait de l'estime qu'on donne à un sage. En 1989, la gauche l'emporte aux élections municipales dans son bastion d'Abbeville. La démocratie bouscule parfois les sentiments qui unissent une population à son premier magistrat.

— Éric HINTERMANN

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrir

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : membre du Conseil économique et social, vice-président de la section des Relations extérieures.

Classification

Voir aussi