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WILLIAMS MARY LOU (1910-1981)

Peu de femmes se sont fait un nom dans l'histoire du jazz instrumental. Bien moins encore y ont laissé la trace d'un talent unanimement reconnu. Mary Lou Williams (de son nom de jeune fille Mary Elfrieda Scruggs), pianiste, arrangeuse et compositrice, fait incontestablement partie de ces « happy few ».

Mary Lou Williams naît à Atlanta (Georgie), le 8 mai 1910. À sept ans, elle est déjà célèbre sous le nom de « Little Piano Girl », ce qui ne l'empêche pas de prendre des leçons de Mrs. Alexander, qui fut par ailleurs le professeur de Billy Strayhorn et d'Erroll Garner. Ses débuts, dans des vaudevilles musicaux, datent de 1925. Elle s'associe alors avec le saxophoniste John Williams, qu'elle épousera en 1926. En 1929, tous deux sont engagés par Andy Kirk. Jusqu'en 1942, elle joue du piano dans l'orchestre, compose pour la formation de nombreux arrangements et tient le rôle d'un véritable directeur musical.

Elle contribue au succès de la formation, appelée The Twelve Clouds of Joy. C'est à cette époque qu'elle écrit, le plus souvent dans l'esprit des grands orchestres des années 1930, thèmes et orchestrations pour Benny Goodman, Duke Ellington, Tommy Dorsey, Louis Armstrong et même Dizzy Gillespie. Parmi eux, il convient de retenir Walkin and Swingin' (1936), Little Joe from Chicago (1938, pour Andy Kirk), Roll' Em (1937, pour Benny Goodman), Trumpets No End (1946, pour Duke Ellington). Elle donne des leçons à Thelonious Monk et Bud Powell, fréquente les musiciens be-bop et les tenants des rythmes afro-cubains, faisant ainsi la preuve d'un éclectisme rare. Elle se produit avec le trompettiste Shorty Baker, son second mari, au Café Society de Greenwich Village (New York). Elle se rend en Angleterre en 1952 et s'installe pendant deux ans en France (1954-1955). En 1957, elle joue au festival de Newport en compagnie de Dizzy Gillespie.

Par la suite, elle n'apparaîtra plus qu'épisodiquement sur la scène musicale, mais sans pour autant être en retard d'un style, d'une mode musicale. Mary Lou Williams fait partie de toutes les révolutions, y compris les plus audacieuses. Est-il alors si surprenant de la voir enregistrer en 1977 avec Cecil Taylor ? En 1978 – elle a soixante-huit ans ! – elle joue au festival de Nice et stupéfie son auditoire par la modernité de son jeu. L'un de ses derniers albums, Recital (1978), est un étonnant condensé de l'histoire du piano jazz, de Jelly Roll Morton à Cecil Taylor.

Pendant les dernières années de sa vie, elle se consacrera essentiellement à la religion, tout en se produisant en vedette à l'Hickory House (New York). Elle meurt à Durham (Caroline du Nord) le 28 mai 1981.

Il est bien difficile d'associer à Mary Lou Williams un style très précis. Elle-même considérait comme un compliment le fait que l'on ne pouvait déceler dans son jeu une manière bien définie. Cet art insoumis prend sa source dans un amour passionné du spiritual, du ragtime, du boogie-woogie. Mary Lou Williams a ensuite évolué avec le jazz. Au fil des années, on verra arriver dans son jeu l'apport d'un Earl Hines, l'influence d'Erroll Garner, les nouveaux horizons harmoniques et rythmiques de Bud Powell et de l'inclassable Thelonious Monk. Il n'est pas jusqu'à la suprême révolte d'un Cecil Taylor qui ne s'y reflète. Par miracle, tous ces éléments, loin de se juxtaposer, se sont fondus harmonieusement dans le jeu de cette infatigable chercheuse de formules nouvelles.

La situer entre Earl Hines et Bud Powell, entre le swing et le bop ne correspond que très partiellement à la réalité de ce très original tempérament et ne rend pas compte de l'étendue de sa curiosité et de sa sensibilité musicales. Il n'y a pas de « style Mary Lou Williams ». Il y a tout simplement un jeu dont le charme prenant tient[...]

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Pierre BRETON. WILLIAMS MARY LOU (1910-1981) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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