TAYLOR CECIL (1929-2018)
Le parcours de Cecil Taylor, qui est parvenu à dépasser les différents stades d’évolution du jazz en surmontant toute nostalgie à leur égard, relève d’une recherche permanente et d’un refus des concessions qui, longtemps, ne lui permit pas de vivre de sa musique.
Cecil Taylor naît à Long Island le 25 mars 1929. Après avoir abordé plusieurs disciplines dans sa jeunesse, il suit les cours du conservatoire de Boston, étudiant notamment Bartók et Stravinski – ce n’est que plus tard qu’il découvrira Stockhausen et Ligeti. Si l’influence de la musique de Bartók est sensible dans ses premiers enregistrements au piano (car il n’était pas « effrayé par les influences européennes »), il privilégie Ellington et plus encore Monk – référence évidente dans son premier album en compagnie de Steve Lacy (Jazz Advance, enregistré en décembre 1955). Son jeu de piano très percussif et riche en ruptures, la faculté de tenir deux discours distincts sur l’étendue du clavier sont caractéristiques de sa première période, et l’œuvre future est en germe jusque dans son traitement des standards (Love for Sale, 1959).
La musique de Cecil Taylor devient vite peu compatible avec l’organisation des clubs de jazz et il enregistre pour de petits éditeurs mal diffusés, avec ses fidèles Buell Neidlinger (basse) et Dennis Charles (batterie). On tente de l’associer à des musiciens bop : Hard Driving Jazz (1959 ; réédité ensuite sous différents titres), où apparaît heureusement John Coltrane, ou bien on le place sous le patronage (de pure forme) de Gil Evans (Into the Hot, 1961). De jeunes musiciens comme Archie Shepp, Sunny Murray et Bill Dixon croisent son chemin dès 1960-1961, montrant ainsi qu’il représente un pôle majeur de la nouvelle musique, bien qu’il soit reçu avec moins de ferveur qu’Ornette Coleman. Il bénéficie d’un début de consécration lors de tournées en Europe, en particulier en Scandinavie (avec un album en trio au Danemark en 1962), avant d’enregistrer en 1966 Unit Structures et Conquistador!. Les recherches qu’il ne fera qu’approfondir par la suite sont ici présentes : improvisation émancipée des bases classiques, rejet de la mécanique des grilles d’accords et du nombre de mesures, élaboration collective et liberté des solistes, discontinuités et importance des « grappes de sons » (clusters) au piano.
Malgré l’insuffisance des engagements, Cecil Taylor organise un groupe avec le batteur Andrew Cyrille et le saxophoniste Jimmy Lyons. Il faut pourtant attendre 1978 pour qu’ait lieu un retour en studio. Ce sont les enregistrements de concerts qui permettent de jalonner son évolution : en solo à Saint-Paul-de-Vence (1969), Tōkyō (1973), New York (1980, 1984) ; ou en petite formation, souvent avec des musiciens européens : Ljubljana (1976), Bologne (1987)... En 1979, une rencontre avec Max Roach (Historic Concerts) prélude à une suite de duos avec des batteurs produite à Berlin par FMP, label spécialisé dans l’avant-garde : avec les Allemands Günter Sommer et Paul Lovens, le Néerlandais Han Bennink, le Sud-Africain Louis Moholo et surtout le Britannique Tony Oxley, qui l’accompagnera pendant plusieurs années. Entre 1987 et 1993, FMP éditera plus de vingt albums de Taylor, entouré généralement de musiciens free européens.
C’est à partir des années 1980 que Cecil Taylor est le plus honoré, sollicité souvent par les universités – bien que les enregistrements se raréfient. Pourtant, son action dans la musique improvisée reste importante. On ne lui connaît que de rares disciples au piano et lorsque, replié dans son appartement de Brooklyn, il reçoit de jeunes instrumentistes, c’est pour les aider à affirmer leurs propres conceptions. Dans ses dernières années, il s’exprime en performances dans les cercles avant-gardistes et à l’université, le plus souvent en solo, parfois avec des chorégraphes. Seules les[...]
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Écrit par
- Daniel SAUVAGET : économiste, critique de cinéma
Classification
Média
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JAZZ
- Écrit par Philippe CARLES , Jean-Louis CHAUTEMPS , Encyclopædia Universalis , Michel-Claude JALARD et Eugène LLEDO
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