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FICIN MARSILE (1433-1499)

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La condition de l'homme : exil et résurrection

Dans des généalogies fantaisistes et quelque peu divergentes, Ficin cite, parmi les révélateurs successifs de la vraie sagesse, Moïse, Atlas, Prométhée, Zoroastre, Hermès Trismégiste, Pythagore, Platon, Plotin, Proclus, mais il maintient toujours la transcendance du Christ et, pour justifier son recours à la tradition platonicienne, se réfère souvent à la Cité de Dieu de saint Augustin. Si l'homme, pour lui, occupe une place intermédiaire dans un cosmos hiérarchisé, au demeurant plein de génies et de démons, sa domination sur le monde est limitée par un sentiment d'exil qui vient en partie du platonisme et de l'orphisme, mais se nourrit aussi à des sources médiévales (homo viator, contemptus mundi). Tenté d'abord par une sagesse épicurienne, liée chez lui à une vision aristotélisante du monde (où l'homme n'est qu'un relais éphémère de l'espèce dans la zone sublunaire), Ficin se convertit ensuite à une autre espérance, fondée sur la dignité singulière de l'âme individuelle, prisonnière d'un univers à demi illusoire, mais appelée à une ascension contemplative et unitive. Et cette vocation même rend un sens positif à l'œuvre de l'homme dans le monde.

E. Cassirer a insisté sur l'influence possible de Nicolas de Cues, tandis que E. Garin la juge secondaire ; quoi qu'il en soit, le rôle médiateur de la beauté esthétique et de l'amour des formes est beaucoup plus central dans l'Académie florentine que dans la dialectique cusaine. De l'Éros platonicien, Ficin retient à la fois le thème de l'insuffisance, du désir, et la puissance ascensionnelle. Mais il insiste sur la liberté de l'homme et, s'il croit à l'action constante des astres et des esprits répandus à travers le monde visible, il tient très ferme que « le même astre peut être faste ou néfaste selon l'attitude intérieure que prend l'homme en face de lui ». La connaissance de soi permet seule à l'« animus » de s'« immerger » dans la matière pour lui donner forme et signification, mais aussi d'« émerger » de ce tombeau pour une véritable résurrection. Proche par le haut de l'Ange qui est à la fois un et multiple, et, par lui, à l'indicible unité divine, il touche aussi par le bas à la qualité, qui est multiplicité unifiée, et, par elle, au corporel purement et simplement multiple, indifférent à toute forme et divisible à l'infini. La fonction de l'unité est en même temps fonction du repos ; et de la sorte se trouve singulièrement restreint le Drang faustien ou prométhéen qu'évoque Cassirer et qui sera plus sensible chez Bruno, une fois brisé le carcan de l'univers ptoléméen.

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Pour citer cet article

Encyclopædia Universalis et Maurice de GANDILLAC. FICIN MARSILE (1433-1499) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Ange Politien, fresque de C. Rosselli - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

Ange Politien, fresque de C. Rosselli

Autres références

  • LE BANQUET, Platon - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 992 mots
    • 1 média
    La postérité du Banquet doit beaucoup à sa traduction latine par le Florentin Marsile Ficin (1433-1499) et surtout au Commentarium in Convivium Platonis de amore qui l'accompagnait, publié en 1484. Le Commentaire fixe les grands thèmes d'une « théologie platonicienne » accordée au christianisme...
  • HERMÉTISME

    • Écrit par
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    • 1 média
    C'est en 1460 environ qu'un moine apporta de Macédoine à Florence un manuscrit du Corpus Hermeticum. En 1463, Cosme de Médicis demanda à Marsile Ficin de le traduire en latin, et ce avant même de traduire Platon. Dans la Préface à sa traduction, Ficin, se référant à saint Augustin, fait d'Hermès...
  • MICROCOSME ET MACROCOSME

    • Écrit par
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    ...décider s'il veut s'égaler au héros ou au pourceau. Dans sa Théologie platonicienne (Theologia platonica, 1482 ; trad. R. Marcel, Paris, 1964-1965), Marsile Ficin décrit avec enthousiasme les puissances de l'âme. Celle-ci n'imite plus passivement le macrocosme, mais elle se définit par ses capacités...
  • ART ET HUMANISME À FLORENCE AU TEMPS DE LAURENT LE MAGNIFIQUE, André Chastel - Fiche de lecture

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    ...mages), figures de l'esprit et de la poésie (Pallas et les Muses), figures de la beauté et de l'amour, éléments clés de la « mystique » néo-platonicienne. André Chastel extrait des textes ficiniens les éléments d'une philosophie du beau et de l'art qui se diffusèrent dans la société florentine sous des formes...