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BELLOCCHIO MARCO (1939- )

Cinéaste italien, Marco Bellocchio est le contemporain de Bernardo Bertolucci. « Provincial » influencé comme lui par Gramsci, Brecht et Godard, débutant en même temps que lui, il a connu une évolution différente, plus confidentielle, plus austère aussi. Loin, à quelques exceptions près, des succès internationaux, il construit une œuvre de révolté marqué par le sens de l'absolu et de la dérision. Passionné de psychanalyse, il a réalisé une œuvre profondément autobiographique, en empruntant les outils de la métaphore et sans aucun attendrissement sur soi.

Marco Bellocchio est né le 9 novembre 1939 à Bobbio (Émilie-Romagne). Son père est avocat. Dernier avec son frère jumeau Camillo d'une famille de huit enfants, il fréquente les écoles religieuses et s'intéresse à la poésie, à la peinture, pense devenir acteur. Pendant ses études de cinéma au Centro Sperimentale de Rome (où il deviendra professeur en 1996), il réalise plusieurs courts-métrages où apparaissent les thèmes de la révolte en milieu étudiant, du « film dans le film », de la critique de la famille et de l'appel aux mythes antiques. Il écrit le scénario des Poings dans les poches à Londres, où il réside grâce à une bourse d'études, et réalise le film en 1965, principalement dans la maison de famille de sa mère, à Bobbio. C'est le récit de la destruction et du meurtre des membres de sa famille par un jeune garçon épileptique. Le film, différent de la production habituelle, remporte un grand succès international. Son protagoniste, Lou Castel, sera longtemps l'alter ego de Bellocchio, et jouera dans Au nom du Père (1971) et Les Yeux, la Bouche (1982).

En 1967, La Chinoise de Godard et La Chine est proche de Bellocchio sont couronnés au festival de Venise. Ce second film, critique féroce de la bourgeoisie provinciale, évoque la tentation de l'inceste, de la révolution, l'opportunisme des sociaux-démocrates, que Bellocchio, alors proche des maoïstes, rejette, sans montrer pour autant d'indulgence envers l'extrême gauche. Bouleversé par le suicide en 1968 de son jumeau, il « se jette dans le militantisme », tourne de courts films commandés par l'« Union des communistes marxistes-léninistes d'Italie », comme Vive le 1er mai rouge et prolétarien (1969). En 1971, il retourne à son enfance avec Au nom du père, où il affirme que l'enseignement catholique ne vise même pas à former des consciences religieuses, mais simplement des « lâches », pacifiques et apolitiques. La présence de la comédienne Laura Betti dans le film rappelle le dialogue constant entre Pasolini et lui au cours de ces années.

Après l'échec esthétique de Viol en première page (1972), qui lui montre qu'il ne saurait faire de compromis avec le cinéma commercial, il tourne en 1975 un long reportage, Fous à délier, qui se situe dans la logique du mouvement antipsychiatrique. L'institution militaire est mise en cause à son tour dans La Marche triomphale (1976). Il retrouve Laura Betti pour une adaptation cinématographique de La Mouette d’Anton Tchekhov (1977).

Marco Bellocchio rencontre en 1977 le psychanalyste Massimo Fagioli, qui sera lié très intimement à tous ses films suivants. Suicide, solitude, révolte marquent Le Saut dans le vide (1980), Les Yeux, la bouche (1982) et l'adaptation d'Henri IV (1984) de Luigi Pirandello avec Marcello Mastroianni. Le scandale injustifié que provoque Le Diable au corps en 1986 remet un moment Bellocchio du côté du succès commercial, mais ses films suivants, La Sorcière (1988), Autour du désir (1991), Il sognodellafarfalla (1994) restent confidentiels, malgré une recherche esthétique et thématique toujours aussi rigoureuse. Le Prince de Hombourg (1997), adaptation de la pièce de Heinrich von Kleist, médite avec brio sur la culpabilité, la loi et l'institution. Avec [...]

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Pour citer cet article

René MARX. BELLOCCHIO MARCO (1939- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BUONGIORNO, NOTTE (M. Bellocchio)

    • Écrit par Jean A. GILI
    • 983 mots

    Après la réussite de films tels que La Nourrice (1999) et Le Sourire de ma mère (2002), Marco Bellocchio poursuit, librement, son commentaire de l'histoire politique italienne. Avec Buongiorno, notte (2003), il construit une fiction à partir d'un événement réel : l'enlèvement, la séquestration,...

  • ESTERNO NOTTE (M. Bellocchio)

    • Écrit par Jean A. GILI
    • 1 106 mots
    • 1 média

    Il est difficile d’aborder la minisérie de Marco Bellocchio, Esterno notte (2022), sans rappeler que vingt ans plus tôt, le cinéaste avait déjà consacré un film, Buongiorno notte, à Aldo Moro. Le film de 2003 construisait une sorte de fiction à partir d’un événement réel : l’enlèvement,...

  • LE TRAÎTRE (M. Bellocchio)

    • Écrit par René MARX
    • 1 100 mots

    Comme pour Loach, Eastwood, Allen, Scorsese, Godard, Cavalier, à l’œuvre eux aussi depuis les années 1960, le temps qui passe n’enlève rien à la force du cinéma de Marco Bellocchio, même s’il a pris parfois des chemins imprévus. Il fut avec Bertolucci le cinéaste de la Nouvelle Vague italienne...

  • LE SOURIRE DE MA MÈRE (M. Bellocchio)

    • Écrit par Jean A. GILI
    • 985 mots

    Durant les années 1960, à l'époque heureuse où se mettait en place dans le cinéma italien une exceptionnelle génération de metteurs en scène qui reprenaient à leur compte – pour les prolonger ou pour les subvertir – les enseignements du néo-réalisme, Marco Bellocchio faisait ses...

  • ITALIE - Le cinéma

    • Écrit par Jean A. GILI
    • 7 683 mots
    • 4 médias
    ...droite. Les années de plomb, longtemps occultées dans la conscience nationale, reviennent avec force au travers de films comme Buongiono notte (2003) de Marco Bellocchio qui évoque l'enlèvement par les Brigades rouges d'Aldo Moro en 1978, La Prima Linea (2009) de Renato De Maria qui analyse...

Voir aussi