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BERTOLUCCI BERNARDO (1941-2018)

Bernardo Bertolucci - crédits : Mondadori Portfolio/ Getty Images

Bernardo Bertolucci

L'œuvre de Bernardo Bertolucci, marquée par le formalisme, un souci de l'histoire et de la politique jamais démentis, est portée par une interrogation sur l'identité, l'existence de l'individu et son annihilation possible par la perte même de cette identité. Seul cinéaste italien à succès avec Sergio Leone à avoir réalisé une grande partie de sa carrière en dehors de son pays, il est resté fidèle, malgré ses évolutions, aux questions de fond que posent ses premiers films, influencés par la poésie, l'opéra, le marxisme et la psychanalyse.

Né à Parme le 16 mars 1941, fils du grand poète et critique de cinéma Attilio Bertolucci, Bernardo Bertolucci est lui-même poète. Son premier maître fut Pier Paolo Pasolini, le chantre du « cinéma de poésie ». L'ancrage philosophique marxiste de type gramscien, lié à l'expérience de la psychanalyse, explique en partie le rayonnement critique qu'il connaît dans les années 1970, relayé ensuite par la reconnaissance d'un grand public sensible à l'ambition « monumentale » d'une partie de ses œuvres.

Bernardo Bertolucci est l'assistant de Pasolini sur Accatone (1961) alors qu'il n'a que vingt ans et réalise son premier film en 1962 à partir d'un scénario écrit avec Pasolini et que celui-ci ne put tourner. La Commaresecca (« la commère sèche », nom que les Romains donnent à la Mort) est un récit éclaté entre un certain nombre de témoins, plus ou moins approximatifs, du meurtre d'une prostituée. Les faubourgs, leurs habitants errant dans la nuit et l'incertitude sont bien d'inspiration pasolinienne, mais l'insistance dans la recherche formelle, la scansion particulière du récit, la composition des mises en situation est le fait d'un cinéaste qui, à vingt et un ans, a déjà trouvé sa voie. En 1964, il connaît la célébrité avec Prima dellaRivoluzione, tourné dans sa ville natale, et qui évoque le drame d'un jeune intellectuel pris entre son désir de révolution et une éducation liée à la culture classique d'une bourgeoisie qui fabrique ses propres révoltés. Véritable dieu tutélaire de nombre de films du cinéaste, Verdi est présent, symbole logique d'un souci contemporain de changement socio-politique et de conciliation formelle entre le spectacle et l'art. Stendhal et Godard sont les deux autres figures clés de ce vrai premier film de Bertolucci.

Partner (1968), essai d'une grande audace formelle que Bertolucci a plus tard lui-même remis en cause, précède La Stratégie de l'araignée (1970). Après avoir poussé son héros à savoir enfin s'il est le fils d'une gloire de la résistance antifasciste ou d'un mouchard, Bertolucci finit par ne pas choisir, aggravant encore la souffrance de l'identité vacillante. Inspiré de « Thème du traître et du héros » du recueil Fictions (1944) de Borges, le film est d'une rigueur exceptionnelle, et l'image d'une grande beauté. C'est la première apparition du chef opérateur Vittorio Storaro, fidèle à Bertolucci jusqu'à Little Buddha. La trahison et le fascisme fournissent aussi le double thème du Conformiste (1971), adaptation du roman d’Alberto Moravia. L'énorme scandale qui a entouré Le Dernier Tango à Paris (1972), jusqu'à provoquer la privation des droits civiques de Bertolucci pour « obscénité », a fait oublier la réussite esthétique de cette rencontre entre un cinéaste de plus en plus soucieux de la couleur, un rythme magnifiquement épaulé par le saxophone de Gato Barbieri et un Marlon Brando génial et désespéré. La manipulation humiliante de la très jeune María Schneider (dix-neuf ans) par Bertolucci et Brando, pour une scène non prévue qui simulait son viol, a été reprochée au réalisateur, jusqu’à occuper une partie des commentaires publics sur son œuvre au moment de son[...]

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Pour citer cet article

René MARX. BERTOLUCCI BERNARDO (1941-2018) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Bernardo Bertolucci - crédits : Mondadori Portfolio/ Getty Images

Bernardo Bertolucci

<em>Le Dernier Empereur</em>,  B.Bertolucci - crédits : Christophe d'Yvoire/ Sygma/ Getty Images

Le Dernier Empereur,  B.Bertolucci

Autres références

  • LE DERNIER TANGO À PARIS, film de Bernardo Bertolucci

    • Écrit par Laurent JULLIER
    • 847 mots

    Du strict point de vue de la fréquentation des salles obscures, la grande affaire française du troisième quart du xxe siècle semble être la représentation de la sexualité. Pour les films en exclusivité sur Paris, entre 1950 et 1975, Emmanuelle (1 984 350 entrées) et Le Dernier Tango...

  • ÉROTISME

    • Écrit par Frédérique DEVAUX, René MILHAU, Jean-Jacques PAUVERT, Mario PRAZ, Jean SÉMOLUÉ
    • 19 774 mots
    • 7 médias
    ...de personnes livrées à elles-mêmes et à leurs fantasmes, sous l'œil des caméras (What a flash). La même année, Le Dernier Tango à Paris apporte à Bernardo Bertolucci une consécration mondiale. Interdit dans certains pays comme l'Italie, le film connaît un succès de scandale qui en masquera longtemps...
  • LE TRAÎTRE (M. Bellocchio)

    • Écrit par René MARX
    • 1 100 mots

    Comme pour Loach, Eastwood, Allen, Scorsese, Godard, Cavalier, à l’œuvre eux aussi depuis les années 1960, le temps qui passe n’enlève rien à la force du cinéma de Marco Bellocchio, même s’il a pris parfois des chemins imprévus. Il fut avec Bertolucci le cinéaste de la Nouvelle Vague italienne...

Voir aussi