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BETTI LAURA (1934-2004)

Provocante et égotique, qualifiée par Pasolini de « pionnière de la contestation », l'actrice italienne Laura Betti a traversé son temps avec passion. De son vrai nom Laura Trombetti, elle est née dans la même ville que le cinéaste, à Bologne. Venue à Rome, elle se fait connaître comme chanteuse, portée par un répertoire sophistiqué – elle reprend des musiques de Kurt Weill – tandis que Moravia, Parise, Pasolini écrivent des textes pour elle. Remarquée par Fellini à l'affût de tout ce qui peut représenter une ville en ébullition, elle tient un petit rôle dans La Dolce Vita (1960) – un monologue dans une des dernières scènes du film. Devenue l’amie de Pasolini, elle joue dans les sketches La Ricotta (1963), La Terra vista dalla luna et Che cosa sono le nuvole ? (1966). C'est l'occasion pour elle de bâtir une personnalité hors du commun, tour à tour diva capricieuse au côté d'Orson Welles, travestie en touriste anglais bedonnant visitant le Colisée, ou Desdémone passionnée dans une transposition en spectacle de marionnettes d'Othello (le rôle-titre est tenu par Ninetto Davoli et celui de Iago par Totò). Mais c'est dans Théorème (1968) qu'elle donne toute sa mesure : elle est la servante séduite par le visiteur, celle qui se laisse enterrer vivante en un sacrifice expiatoire (le rôle lui vaut le prix d'interprétation féminine au festival de Venise ). On la retrouve encore dans Les Contes de Canterbury (1972), et elle prête sa voix à Hélène Surgère dans Salò (1975). Preuve de fidélité du cinéaste, qui est aussi un homme de théâtre, elle crée, en 1968, la pièce Orgie. Lorsque Pasolini est assassiné en 1975, Laura Betti s'investit totalement dans la lutte pour la mémoire du poète : à la tête du Fondo Pier Paolo Pasolini, elle multiplie les interventions, expositions, ouvrages, colloques, rétrospectives, afin de préserver et d'enrichir l'héritage d'un homme trop tôt disparu. Elle monte même un récital poétique, Une vitalité désespérée, qu'elle présente un peu partout en Europe au cours des années 1990. Elle réalise surtout un documentaire d'une intense ferveur, Pasolini, la raison d'un rêve, présenté au festival de Venise en 2001. Elle y évoque, dans une forme esthétique très élaborée, la vie et l'œuvre de l'écrivain, du cinéaste, de l'homme public. Elle mêle les intuitions prophétiques du créateur de formes et les luttes politiques d'un artiste en butte aux persécutions.

Parallèlement, Laura Betti continue à travailler avec des cinéastes importants, comme Mauro Bolognini (La Grande Bourgeoise, 1974), Paolo et Vittorio Taviani (Allonsanfan, ibid.), Bernardo Bertolucci (Novecento, 1976), Marco Bellocchio (La Mouette, 1977), Ettore Scola (La Nuit de Varennes, 1982). Elle s'amuse même à faire des incursions dans le cinéma de genre : Il Rosso Segno della follia (1970) et Ecologia del delitto (1971) de Mario Bava, La Banda di J. & S., cronaca criminale del Far West (1972) de Sergio Corbucci. Partout, elle révèle une personnalité singulière, à partir d'un physique imposant – de plus en plus alourdi par l'âge – et d'une voix rauque, aux intonations gutturales. Les années passant, sa carrière se déploie dans de multiples directions (théâtre, radio, journalisme). Elle publie, en 1979, un livre couronné de succès, Teta veleta (Madame, 1989) tandis que sa présence au cinéma devient plus rare ou limitée à de petits rôles, le plus souvent des contre-emplois de matrone héroïque, de femme de ménage colérique, ou de nonne éructante. On la voit dans des films de Giuseppe Bertolucci (I Cammelli), Aurelio Grimaldi (La Ribelle), Francesca Archibugi (Il Grande Cocomero ; Con gli occhi chiusi), Michele Placido (Un eroe borghese), Roberto Faenza (Marianna Ucria), Mimmo Calopresti (La felicità non costa[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite, université professeur émérite, université Paris I-Panthéon Sorbonne

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Jean A. GILI. BETTI LAURA (1934-2004) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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