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L'HERBIER MARCEL (1890-1979)

Né à Paris dans une famille de la bourgeoisie aisée, Marcel L'Herbier, dont le père était architecte, fut élevé selon la plus classique tradition humaniste. Il fit de bonnes études supérieures, s'intéressant surtout à la littérature (singulièrement à la poésie) et aux beaux-arts (singulièrement à la musique). Deux facteurs sont à l'origine de sa vocation de cinéaste : l'émotion qu'il éprouve en 1915 devant le film de Cecil B. De Mille, Forfaiture (dont il tournera une version personnelle en 1937), et un accident militaire. Au début de la guerre, en 1914, il est réformé. Il s'engage deux ans plus tard dans le service auxiliaire et se retrouve au Service cinématographique de l'armée, de création récente.

Il écrit des poèmes, des essais (Le Jardin des secrets), des articles pour les journaux (L'Illustration, Paris-Journal), mais aussi deux scénarios : Le Torrent et Bouclette que réalise Louis Mercanton.

Engagé par Léon Gaumont, il réalise, après un court métrage « artistique » inachevé (Phantasmes, 1918), un curieux mélodrame intitulé Rose France (1919). C'est le début d'une carrière prolixe et inégale qui s'inscrit d'abord dans un mouvement intellectuel et esthétique d'essence formaliste que l'on nommera « impressionnisme visuel ». Aux côtés de Marcel L'Herbier, des amis tels que Jean Epstein, Germaine Dulac, Louis Delluc font chorus. À tort ou à raison, ce petit groupe d'esthètes exigeants se réclame de l'avant-garde. Marcel L'Herbier invente la notion de flou artistique et rameute des représentants d'autres disciplines (musique, architecture) afin d'élaborer un art total.

L'Inhumaine, de M. L'Herbier, 1924, affiche - crédits : Collection privée

L'Inhumaine, de M. L'Herbier, 1924, affiche

Conséquence de ces spéculations théoriques, Eldorado, réalisé en 1921, consacre les ambitions esthétiques de Marcel L'Herbier. Il s'agit d'un mélodrame poétique dont le style baroque peut justifier des réactions extrêmes : excès d'honneur et d'indignité. Fort de cette expérience, Marcel L'Herbier fonde sa propre société de production, Cinegraphic, qui fonctionnera de 1923 à 1928. Il aide ainsi quelques-uns de ses amis à réaliser leurs films, notamment Louis Delluc et Jaque-Catelain, son acteur fétiche, et se donne à lui-même la possibilité d'écrire et de mettre en scène trois de ses œuvres les plus fameuses : L'Inhumaine (1924), Feu Mathias Pascal (1925) et L'Argent (1929).

L'Inhumaine réunit en son générique des noms prestigieux : Pierre Mac Orlan pour le scénario, Darius Milhaud pour la musique, Mallet-Stevens, Fernand Léger, Alberto Cavalcanti et Claude Autant-Lara pour les décors. C'est une sorte de manifeste esthétique qui provoquera l'étonnement, l'incompréhension, voire le mépris. Ces jeux plastiques assez déroutants, originaux et, d'une certaine manière, courageux et audacieux, trouveront beaucoup plus d'admirateurs dans les générations postérieures. Feu Mathias Pascal, adapté d'une pièce de Pirandello, est en revanche un succès, et c'est justice. On y voit pour la première fois l'acteur Michel Simon. L'Argent, enfin, est le dernier film muet de Marcel L'Herbier. C'est une modernisation du roman d'Émile Zola, une satire vigoureuse des milieux financiers tournée significativement à la veille du krach de Wall Street. C'est aussi l'occasion de spectaculaires prouesses techniques.

Le parlant arrive. Du coup, les recherches formelles régressent. Le langage cinématographique est affadi par les facilités verbales du dialogue qui théâtralise la plupart des productions. Pour Marcel L'Herbier, ce n'est pas à proprement parler la déroute, mais un repli prudent. L'artiste rentre dans le rang. Il travaille bien, c'est-à-dire correctement. Pendant la guerre, en revanche, Marcel L'Herbier connaît un sursaut, dans le registre de l'élégance et de[...]

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Écrit par

  • : journaliste, éditeur, organisateur d'expositions sur le cinéma

Classification

Média

L'Inhumaine, de M. L'Herbier, 1924, affiche - crédits : Collection privée

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