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AUTANT-LARA CLAUDE (1901-2000)

L'anathème jeté à la fin des années 1950 par la nouvelle vague sur Claude Autant-Lara, comme la dérive politique et les dérapages verbaux discutables des dernières années de sa vie ne sauraient éclipser le rôle majeur que le réalisateur du Diable au corps et de La Traversée de Paris a joué dans le cinéma français.

Claude Autant-Lara est né le 5 août 1901 à Luzarches (Val-d'Oise) dans un milieu à la fois artistique et militant. Sa mère, Louise Lara, comédienne au Théâtre-Français et ardente pacifiste, et son père, Édouard Autant, architecte et dreyfusard convaincu, ont fondé le groupe de théâtre « Art et Action », où l'on rencontre aussi bien le compositeur Arthur Honegger, le peintre et illustrateur Georges Lepape qu'un jeune poète et futur cinéaste, Marcel L'Herbier. Après avoir fait les Arts décoratifs et les Beaux-Arts, Claude Autant-Lara va être un des décorateurs de L'Inhumaine (1924), de L'Herbier, aux côtés de Fernand Léger, Alberto Cavalcanti, Robert Mallet-Stevens, Paul Poiret... Assistant de René Clair, il réalise aussi les décors de Nana, de Jean Renoir (1926). Son premier court-métrage, Fait divers (1923), est « un film sans sous-titres à trois personnages », interprété par Louise Lara et Antonin Artaud. Tandis qu'Abel Gance tente d'élargir la vision cinématographique en recourant au triple écran, Autant-Lara s'intéresse au procédé de l'hypergonar du professeur Henri Chrétien (le futur CinémaScope) pour tourner Construire un feu (1927-1928), d'après Jack London.

Après un engagement à Hollywood, où il réalise les versions françaises de films comiques interprétés par Douglas Fairbanks ou Buster Keaton, Autant-Lara tourne en 1933 son premier long-métrage, Ciboulette, d'après une opérette de Francis de Croisset et Robert de Flers, mise en musique par Reynaldo Hahn. Avec la complicité de Jacques Prévert, il ajoute cocasserie, absurde et provocation à une trame un peu mièvre. Mais à la suite de l'intervention des producteurs, le film, coupé et remonté, est renié par Autant-Lara, qui, après des besognes alimentaires, réalise trois films illuminés par la fraîcheur faussement naïve d'Odette Joyeux, Le Mariage de Chiffon (1942), Lettres d'amour (1942) et Douce (1943). Sous les apparences aimables d'une bluette Belle Époque, Claude Autant-Lara, aidé de Jean Aurenche et Pierre Bost, fustige l'hypocrisie morale, familiale, conjugale, et faussement charitable.

Après la guerre, Claude Autant-Lara, le plus souvent associé aux scénaristes Aurenche et Bost, donne toute sa mesure. L'adaptation du roman de Raymond Radiguet Le Diable au corps, en 1947, interprétée par Gérard Philipe et Micheline Presle, fait scandale, alors que les cinéastes songent surtout à commémorer une guerre idéalisée. Une image d'« anarchiste de gauche » va s'attacher à Autant-Lara, joyeux pourfendeur des valeurs cléricales (L'Auberge rouge, 1951), des mascarades sociales et familiales (Le Bon Dieu sans confession, 1953, d'après Paul Vialar), du conservatisme moral et sexuel (Le Blé en herbe, 1954, d'après Colette). Le trio se spécialise dans l'adaptation : Radiguet, Vialar, Colette, Stendhal (Le Rouge et le noir, 1954), Dostoïevski (Le Joueur, 1958), Simenon (En cas de malheur, 1958)...

Claude Autant-Lara va subir les attaques en règle des critiques de la future nouvelle vague qui en fait le parangon du cinéma de la Qualité française. Les critiques sont multiples, qui visent l'emprise excessive du scénario et du dialogue, le jeu des acteurs d'essence théâtrale, la fausse audace des sujets... On peut suivre Truffaut dans sa critique de l'académisme d'une écriture classique efficace mais rarement inventive, sauf à propos d'Occupe-toi d'Amélie (1949), brillante réussite dans le burlesque absurde,[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Joël MAGNY. AUTANT-LARA CLAUDE (1901-2000) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BOURVIL ANDRÉ RAIMBOURG dit (1917-1970)

    • Écrit par Robert de LAROCHE
    • 905 mots

    Bourvil fut un acteur et chanteur français. De son vrai nom André Raimbourg, il est né le 27 juillet 1917 à Pétrot-Vicquemare, près de Bourville – d'où son pseudonyme – en Normandie. Sans aucun doute possible, Bourvil a été le plus grand acteur comique de sa génération. Son...

  • FRANCE (Arts et culture) - Le cinéma

    • Écrit par Jean-Pierre JEANCOLAS, René PRÉDAL
    • 11 105 mots
    • 7 médias
    ...quelques-uns des grands noms de la profession ouvre la porte à une nouvelle génération, longtemps réduite à des tâches subalternes par la misère des années 1930. Claude Autant-Lara (1901-2000) avec Douce, Jacques Becker (1906-1960) avec Goupi Mains-Rouges, Robert Bresson (1901-1999) avec Les Anges du péché, Henri-Georges...

Voir aussi