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LOUIS XI (1423-1483) roi de France (1461-1483)

1400 - 1500. Poussée ottomane et grandes découvertes - crédits : Encyclopædia Universalis France

1400 - 1500. Poussée ottomane et grandes découvertes

Louis XI, roi de France de 1461 à 1483, fut longtemps malmené par les chroniqueurs, les historiens et l'opinion publique. De son vivant ou au lendemain de sa mort, les partisans de son père, comme Thomas Basin, évêque de Lisieux, ceux de son grand adversaire le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, de ses ennemis, grands seigneurs humiliés tel son beau-fils le duc d'Orléans, le futur Louis XII, le dépeignent comme un tyran cruel et sans foi. Son conseiller Commynes ne corrige que partiellement ce portrait, car s'il reconnaît au roi de grandes qualités – le sens et sagesse et la vertu ou force d'âme – il ne cache pas les défauts du roi qu'il présente comme un personnage désacralisé, « un homme parmi d'autres, un roi dur dans un monde dur » (J. Dufournet) et qu'il dépeint selon le nouveau modèle des politiques italiens de l'époque : machiavélique avant Machiavel.

Les philosophes du xviiie siècle voient en lui un symbole des dernières fumées de l'obscurantisme médiéval (Voltaire, Diderot) et, si les romantiques (Casimir Delavigne, Victor Hugo et surtout Walter Scott dans Quentin Durward) lui reconnaissent du caractère, et même du génie, c'est un génie démoniaque. Louis XI est une incarnation du Méphistophélès de Goethe.

Michelet marque un tournant dans l'historiographie de Louis XI. Certes, le roi reste un tyran « sans être pire que la plupart des rois de cette triste époque », mais il fut l'ennemi d'un mal plus grand que la tyrannie, la féodalité. Concession prudente, car le bilan du règne, pour Michelet, est largement négatif. Parce qu'il a réussi, Louis XI assoit « pour longtemps, l'admiration de la ruse et la religion du succès » et, finalement, il a servi la cause posthume de la féodalité : « La féodalité, ce vieux tyran caduc, gagna fort à mourir de la main d'un tyran. »

Déjà perce chez Michelet l'idée de la modernité de Louis XI. C'est ce que les historiens et les écrivains ou cinéastes, depuis la fin du xixe siècle, aiment à souligner. « Le roi Louis, c'est un homme tout moderne » (P. Champion). Louis XI a le sens de l'État, de la raison d'État. À la munificence et à la fréquentation des grands, il préfère la parcimonie, les petits moyens et les petites gens. Il comprend que l'économie fait la force principale des États et s'intéresse à l'« intendance ». Il croit que la fin justifie les moyens. Il a été, à sa manière, dans son style, un maillon essentiel de la chaîne historique qui a fait la France moderne. Enfin l'image violemment contrastée imposée par J. Huizinga dans Le Déclin du Moyen Âge (1919) a ramené Louis XI à la norme psychologique de son époque.

Un homme complexe

Dans l'opinion publique coexiste avec l'image nouvelle de ce roi moderne celle, traditionnelle, d'un prince, d'un homme cruel et presque névrosé : l'accusation d'avoir empoisonné son père Charles VII, les ennemis enfermés dans des cages de fer, ses « fillettes », l'accoutrement modeste d'un roi qui, entiché de ses « compères », tel son barbier Olivier le Dain, « Olivier le Mauvais » comme on l'appelle, hante les tavernes et les filles, la dévotion superstitieuse d'un souverain couvert de médailles, les machinations perpétuelles de cette « universelle araigne », selon le chroniqueur bourguignon Jean Molinet, en font un traître de mélodrame.

À mi-chemin de la légende noire et de la légende dorée, Louis XI a dû être un homme complexe assez proche de celui qu'a dépeint Commynes : à la fois bon et haineux, dissimulé mais fin psychologue, méfiant mais lucide, sachant sacrifier l'accessoire à l'essentiel, encore que ce portrait soit quelque peu « rationalisé ». Enfin les contrastes, les bizarreries de son caractère et de son comportement[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études

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Pour citer cet article

Jacques LE GOFF. LOUIS XI (1423-1483) roi de France (1461-1483) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

1400 - 1500. Poussée ottomane et grandes découvertes - crédits : Encyclopædia Universalis France

1400 - 1500. Poussée ottomane et grandes découvertes

Autres références

  • APANAGE

    • Écrit par Jacques LE GOFF
    • 3 155 mots
    ...définitivement en 1477, à la mort de Charles le Téméraire ; le Berry en 1416, puis en 1465, quand Charles de France en obtient l'échange de son frère Louis XI, d'abord contre la Normandie, puis contre la Guyenne, que sa mort sans héritier rend au domaine royal en 1472 ; l'Anjou à la mort du roi...
  • ARMAGNAC JEAN V comte d' (1420-1473)

    • Écrit par Jean FAVIER
    • 184 mots

    Fils de Jean IV d'Armagnac et d'Isabelle de Navarre. Vicomte de Lomagne, puis comte d'Armagnac à la mort de son père en 1450, d'abord fidèle à Charles VII, Jean V d'Armagnac usurpa cependant les prérogatives royales, en particulier le droit de battre monnaie, et se rebella à diverses reprises...

  • BOURGEOISIE FRANÇAISE

    • Écrit par Universalis, Régine PERNOUD
    • 7 659 mots
    C'est sous le règne de Louis XI que s'opère la grande mutation par laquelle, en lieu et place d'une France féodale, se constitue une France monarchique et bourgeoise. L'Europe de ce temps s'est fragmentée en nations au sein desquelles s'affirme un pouvoir souverain ; or, pour l'entretien des armées,...
  • CHARLES LE TÉMÉRAIRE (1433-1477) duc de Bourgogne (1467-1477)

    • Écrit par Jean FAVIER
    • 1 077 mots
    • 1 média

    Fils aîné de Philippe le Bon et d'Isabelle de Portugal, Charles le Téméraire attendit trente-quatre ans la succession de son père (1467) et trompa l'attente en voyageant, en complotant et en préparant son règne. Il prit notamment part à la ligue du Bien public (1465) et combattit...

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